Loi de Bitur-Camember

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La Loi de Bitur-Camember ou : Loi de la Destruction Totale établit par une combinaison du raisonnement à l’équilibre, qui part du fait universel qu’ il n’y a jamais de profit certain, et des règles de la comptabilité, donc à travers elles de la loi métaphysique de l’identité, que la redistribution politique détruit en tendance une richesse équivalente à celle qu’elle vole.

Elle doit son nom aux aventures du sapeur Camember dans Une méprise du sapeur.

Autres énoncés

  • Pour toute richesse volée et redistribuée par les hommes de l’Etat, une richesse équivalente devra être détournée de la production réelle pour être pseudo-investie dans la lutte pour ce butin, c’est-à-dire dans les démarches, l’intrigue, la propagande, la corruption et la violence nécessaires pour affronter la rivalité des autres prétendants : de sorte qu’en tendance, tous les avantages de l’action politique doivent être dissipés en coûts subis pour les obtenir.
  • À tout gain quelconque occasionné par l’intervention de l’autorité politique correspond une destruction préalable de valeur quasi-équivalente en efforts pour capter ce gain. (Faré)

Démonstration

Il n’y a pas de profit certain

La théorie économique générale démontre - c’est même le point de départ de la théorie financière - que toute occasion de profit est immédiatement exploitée jusqu’à sa disparition : il s’ensuit qu'il ne peut jamais y avoir de profit certain.

La redistribution politique ne profite pas à ses bénéficiaires supposés

C’est pourquoi les économistes ne sont pas dupes de l’Illusion fiscale : ils savent depuis longtemps que les avantages et charges réels de la redistribution politique ne tombent qu’ exceptionnellement sur ceux que désignent la loi et le discours public : qu’ils sont au contraire imprévisibles, dépendant des rapports de forces politiques réels ainsi que des conditions du marché. En effet, la redistribution politique n’appauvrit ou enrichit les possesseurs de la chose taxée ou subventionnée que s’ils la détenaient au moment où celle-ci est devenue certaine. Ceux qui viennent longtemps après n’en profitent pas ni n’en souffrent réellement, la chose étant en fait compensée par des variations de prix de ce qui est taxé ou subventionné.

La Loi de la destruction totale

Comprendre cela, cependant, implique de comprendre pourquoi ces ajustements se produisent comme ils le font : parce que justement, comme il n’y a pas plus de profit certain dans la redistribution politique que dans aucune autre activité, la concurrence pour le butin doit forcément y annuler les avantages de l’impunité.

La conséquence en est que le mythe de la pseudo-« gratuité » y demeure un mensonge du discours officiel, ainsi que le produit complexe de divers procédés d’ illusion fiscale (dont, justement, cette impunité fait partie). La vérité est au contraire que, pour obtenir quelque avantage que ce soit, dans la redistribution en question on doit forcément faire des efforts et consentir des dépenses, que ce soit pour en profiter ou pour lui échapper.

La question, cependant, à laquelle on n’avait pas encore complètement répondu était : jusqu’où ? Eh bien, il suffit de tirer toutes les conséquences de ce fait qu’il n’y a jamais de profit certain pour être forcé de conclure que, sauf accident, cela doit finalement conduire à dépenser pour les obtenir des ressources équivalentes à celles qu’on en attend.

Et ces dépenses-là, il faut bien les appeler des pseudo-investissements puisque, si elles visent à obtenir des richesses, elles ne contribuent en rien à leur production puisqu’elles ne visent qu’à s’emparer de celles qui sont déjà produites par d’autres, à partir d’investissements qui, eux, sont authentiques : ces pseudo-investissements sont donc en fait une destruction pure.

On doit en conclure que la redistribution politique, parce qu’elle engendre toujours ces charges-là, et que celles-ci tendent toujours vers cette limite-là, doit détruire en tendance une richesse équivalente à toute celle dont elle s’empare —et toute intervention de l’état est par définition une redistribution politique.

Elle le ferait même automatiquement, certainement et immédiatement (pour autant que ce qualificatif y ait un sens) dans les conditions postulées de « certitude » de l’« équilibre général », et ses adeptes s’en seraient rendus compte depuis longtemps s’ils n’omettaient pas depuis le début d’y intégrer la redistribution politique. Dans les conditions réelles qui sont celles de l’incertitude, elle détruira quelquefois plus, quelquefois moins, mais la destruction n’en tendra pas moins, toujours, vers la totalité de la richesse usurpée.

La théorie économique doit donc reconnaître que l’intervention de l’Etat tend toujours à détruire l’équivalent de toute production dont elle s’empare.

Elle fait soit au moment où elle s’empare du bien produit —en rompant le lien entre la propriété usurpée et le projet que celle-ci devait servir, soit au cours des efforts faits pour s’emparer de ce butin ou pour échapper à ce vol par ceux qui choisissent de pseudo-investir dans la redistribution politique.

La Loi de Bitur-Camember est masquée par l’ignorance rationnelle

Les profits de la redistribution politique ne sont dus qu’à l’incertitude et, on vient de le voir, sont nécessairement bien moindres que les pertes qu’elle engendre ; cependant, l'imperfection de l’information, en l’espèce l’Illusion fiscale, aveugle l’opinion sur les pertes qu’elle entraîne, les statistiques étant faites pour n’en rendre aucun compte : soit qu’elles ne recensent qu’une partie des dépenses, efforts et pertes de temps consacrés à la recherche du butin, soit qu’elles « évaluent » les prétendus « services publics » à la charge qu’elles infligent au contribuable, et non à ce qu’il aurait pu être d’accord pour payer en échange.

Plus généralement, cet aveuglement s’explique par l’« ignorance rationnelle » des décideurs dans un cadre étatiste : l’interventionnisme d’état, en permettant à certains d’imposer aux autres de subir à leur place les conséquences de leurs choix - c’est-à-dire en instituant l’irresponsabilité - fait en sorte que ni les décideurs ni ceux qui subissent les décisions n’ont plus intérêt à s’informer de leurs conséquences à la hauteur de l’enjeu qui est en cause : cette Irresponsabilité Institutionnelle inhérente à l’interventionnisme d’Etat engendre l’incompétence et l’aveuglement chez ses agents aussi bien que chez ses victimes.

L’économiste compétent n’est pas dupe de l’illusion fiscale

L’intervention de l’Etat, en isolant le décideur des conséquences de ses décisions, engendre donc une illusion systématique quant à leurs effets, illusion systématique que les théoriciens des choix publics ont appelée illusion fiscale (Buchanan) ou illusion politique (Puviani) et qui protège largement l’interventionnisme d’une appréhension correcte de ses effets destructeurs, ainsi que du caractère vain des « avantages » qu’on croit en tirer.

C’est le métier de l'économiste que de n’être pas dupe de cette illusion, et de décrire malgré elle les effets réels des politiques et des institutions, leurs redistributions effectives, l’impossibilité d’en profiter et leurs inéluctables destructions, par opposition aux effets que leur prête, à tort, le profane (et l’« économiste » à la française).

La loi de Bitur-Camember apparaît clairement si on raisonne à l’équilibre en faisant abstraction de l’incertitude

C’est s’il se représente l’économie comme les théoriciens de l’« équilibre », en faisant temporairement abstraction de l’incertitude, que l’économiste peut dégager la Loi de Bitur-Camember de la manière la plus exacte, et sous la forme la plus automatique et la plus certaine : dans une telle représentation, ce n’est pas seulement « en tendance » que la redistribution politique tend à détruire l’équivalent de tout ce qu’elle vole, mais toujours et partout.

En particulier, si les modèles de l’« équilibre général » l’étaient vraiment, « généraux », et intégraient enfin la redistribution politique dans leurs analyses d’équilibre « général », ils auraient depuis longtemps conclu que celle-ci conduit automatiquement à détruire l’équivalent de tout ce dont elle s’empare.

La démonstration de Bitur-Camember se déduit logiquement de deux lois nécessaires et universelles

La démonstration de Bitur-Camember se déduit d’abord de la Loi de l’Identité, première loi de la nature voire au-delà, puisqu’on la dit « métaphysique ». De cette Loi se déduit le raisonnement comptable, qui consiste à tirer toutes les conséquences du fait que tout produit a nécessairement une origine, et une affectation : de là, on déduit :

—que toute entreprise politique est nécessairement coûteuse, et que, puisque ses coûts existent, on doit pouvoir les identifier au moins en principe, malgré la difficulté qui tient au fait qu’une bonne partie des entrepreneurs politiques agissent avec des biens dont ils ne sont pas propriétaires,
(de sorte qu’ aucune comptabilité, ou prétendue telle, ne saurait décrire complètement ces coûts : la comptabilité n’a de sens, c’est-à-dire ne traduit authentiquement les jugements de valeur de ceux qui agissent, que si elle porte sur des biens en propriété de ceux qui agissent avec eux)
—qu'aucune entreprise politique n’est, ni ne peut être la cause de la production dont elle cherche à disposer : de sorte que les coûts consentis pour s’emparer de celle-ci sont entièrement perdus pour toute production réelle, avec pour conséquence que les « investissements » dans la spoliation légale ne peuvent être que des pseudo-investissements.
(si on veut prétendre que ces « investissements »-là seraient authentiques, dans la mesure où l’entrepreneur de spoliation légale pourrait faire de son butin un usage productif pour lui ; alors, cependant, c’est l’investissement fait par sa victime pour produire ce butin qui est entièrement perdu pour toute production :

on n’échappe pas au fait que la violation de la propriété est l’occasion d’une destruction de même ordre de celle-ci, parce qu’ on ne peut pas se soustraire à la loi de l’identité que traduit le raisonnement comptable, comme le sergent Bitur reprochait au sapeur Camember de ne pas l’avoir fait).

Ensuite, la démonstration de Bitur-Camember se déduit de cette réalité universelle de l’action humaine qu'il ne peut pas y avoir de profit certain :
dont la conséquence est que, pour pouvoir y disposer d’un certain butin, l’entrepreneur de spoliation légale doit pseudo-investir des ressources qui, en vertu de cette réalité-là, doivent être en tendance équivalentes au butin espéré.
C’est ce raisonnement-là qui permet, contrairement aux évaluations antérieures des destructions de la spoliation légale, d’évaluer celles-ci à l’ équivalent, et non pas seulement une partie, de ce dont celle-ci s’empare.

Appliqué à la spoliation légale, par opposition à la spoliation illégale, privée, ce raisonnement est l’occasion de réfuter l’ Illusion de l’ impunité, qui consiste à croire qu’on pourrait échapper à la loi qui veut que le crime ne paie pas, sous prétexte que ce vol-là, imposé et non plus interdit par les hommes de l’état, pourrait automatiquement entraîner un gain, parce que lui demeure par hypothèse impuni.
On réfute cette illusion en faisant remarquer que, si les voleurs sont impunis, il n’y en a que davantage de rivaux pour se partager son butin, de sorte que l’ avantage net de l’impunité est, à terme, annulé par une concurrence accrue :
il n’y a jamais, il ne peut jamais y avoir de profit certain, et par conséquent le crime ne paie pas, pas plus dans la spoliation légale que dans la spoliation illégale.
Si l’impunité y change quelque chose, elle aurait plutôt pour effet de diminuer la rémunération brute à attendre du vol, dans la mesure où elle fait disparaître la prime de risque associée au risque d’être blessé ou tué lors de l’agression, ou de se faire prendre et punir après.

On applique donc le raisonnement à l'équilibre, déduit du fait qu’il ne peut pas y avoir de profit certain, et qui représente le Deuxième niveau de la théorie économique, pour évaluer l’ampleur des destructions que cause la spoliation, et dont le raisonnement comptable, qui représente son Premier niveau, établit l’existence de façon certaine. Et on conclut que cette spoliation, en tendance (abstraction faite de l’ incertitude, dont les effets peuvent en retrancher, ou y rajouter ), détruit une richesse équivalente à celle qu’elle vole.

Enfin, on peut dire que l’illusion fiscale qui masque la réalité et l’ampleur des destructions dont la Loi de Bitur-Camember entend rendre compte, résulte comme celle-ci d’une combinaison de la loi de l’identité et du fait qu’il n’y a pas de profit certain.
En effet la rationalité limitée, qui explique cette illusion fiscale, procède de l’ intérêt à s’informer que l’on peut estimer d’après le cadre des institutions qui contraignent les choix : moins on peut réellement disposer de son bien, ou plus c’est celui d’autrui dont on dispose, moins on a intérêt à s’informer sur les conséquences de ses actes, et c’est dans cet aveuglement systématique que les illusions se développent quant aux conséquences en question.
On pourrait dire que ce raisonnement sur l’information, qui combine l’idée d’une création d’information avec une prise en compte des effets prévisibles des contraintes sur cette création, représente un Troisième niveau du raisonnement économique.

Raisonner en faisant abstraction de l’incertitude est en l’espèce aussi nécessaire que suffisant

Il faut enfin rappeler que ces types de causalité sont, pour traiter de ces questions-là, les seuls pertinents, que savoir les utiliser dans le raisonnement implique de savoir les distinguer de ce qui ne l’est pas, pertinent, de ce qui y est nécessairement étranger, et que cela, c’est ce qui relève de l’ incertitude : car, on ne le répètera jamais assez, tant la méconnaissance de ce fait conduit à s’illusionner sur les « avantages » prétendus de la spoliation légale :

aucune incertitude spécifique — et en contrepartie de cette incertitude aucun profit spécifique, ne peut s’attacher à aucune situation quelle qu’elle soit, que celle-ci soit institutionnelle ou au contraire purement marchande.

Il n’y a pas plus de « profit de la spoliation légale » qu’il n’y a de « profit de monopole » ou de « profit de l’esclavage » : on n’éprouve des profits, ou des pertes, que comme conséquences de certaines prévisions : profits si celles-ci sont confirmées, pertes ou profits d’aubaine si celles-ci sont démenties dans un sens ou dans l’autre.

Pour la même raison, il n’y a jamais aucun « profit » ni « perte » spécifique qu’une théorie puisse systématiquement associer à tel ou tel changement institutionnel , tel que l’ouverture des frontières, une privatisation, ou l’imposition du service militaire obligatoire.

La seule théorie de l’incertitude dont on puisse se servir pour étudier les profits ou les pertes associés à ces changements-là, c’est la théorie générale de l’incertitude, appliquée à ces circonstances historiques particulières, et uniques.

En contrepartie, on ne peut prédire les conséquences générales de ces changements-là, c’est-à-dire en faire la théorie, qu’en comparant les effects contraignants que la logique permet de déduire de la nature des nouvelles institutions à ceux qu’elle permet de déduire des anciennes : c’est-à-dire en termes de statique comparative.

Ceux qui ne comprennent pas que cette analyse en termes de statique comparative est la seule applicable pour juger des changements institutionnels en théorie économique, ne savent pas raisonner sur l’économie.

La Loi de Bitur-Camember et le Multiplicateur des Calamités

Le Cercle vicieux de l’interventionnisme

Une intervention particulière de l’Etat détruit donc la richesse dont elle s’empare dans un rapport de 1 à 1. Or, on a souvent l’impression qu’elle cause bien plus de destructions que cela. L’explication se trouve dans les destructions à venir, causées par les interventions futures que la première aura engendrées.

En effet, comme l’a démontré Ludwig von Mises, comme l’intervention de l’Etat crée un précédent dans la destruction du Droit, n’atteint pratiquement jamais ses objectifs affichés, et cause des dégâts dont le mécontentement se nourrit, elle engendre des pressions pour des interventions ultérieures aussi longtemps que subsiste l’illusion quant à ses effets réels : c’est le Cercle vicieux de l’interventionnisme décrit par Mises ou Loi des Calamités selon la formule de Michel de Poncins, qui doit conduire à terme à l’abolition de tout Droit (le « socialisme réel ») et à la destruction de toute richesse si on continue à ne pas tenir compte de ses véritables conséquences.

Le Multiplicateur des Calamités

On appellera Multiplicateur des Calamités le rapport, supérieur à 1, entre les richesses dont s’empare une intervention particulière des hommes de l’Etat, et celles que cette intervention spécifique aura finalement détruites, compte tenu des interventions supplémentaires qu’elle aura par la suite inspirées.

Effets automatiques et effets vraisemblables

La Loi de Bitur-Camember et la Loi des Calamités sont donc vraies, toutes les deux, et ne diffèrent que par le type de causalité sociale dont on a choisi d’étudier les effets : la première décrit les conditions de l’« équilibre final » telles que les déterminent les effets contraignants d’une politique déterminée, la deuxième les conditions qui naissent des autres politiques que la première a de fortes chances d’inspirer.

La Loi de Bitur-Camember décrit les effets automatiques d’une politique par hypothèse déjà décidée, alors que les effets cumulatifs que celle-ci entraînera par le jeu de la Loi des Calamités ne sont que probables : les rapports de forces peuvent changer de façon imprévisible et en outre les parties prenantes peuvent théoriquement se rendre compte à tout moment que la spoliation légale n’est que pure destruction, et qu’il est donc toujours dans l’intérêt rationnel de tous de tenter d’y mettre fin.

Pourquoi Bitur-Camember

Il s’agissait de trouver à cette loi, que nous avons démontrée ici, un nom qui illustre le fait que jusqu’à présent, les économistes - et a fortiori les comptables nationaux - n’avaient pas tiré toutes les conséquences des pseudo-investissements qu’on est obligé de faire dans la redistribution politique pour en obtenir les butins, et surtout n’avaient pas fait fait appel au raisonnement économique pour évaluer leur ampleur.
En somme, il fallait trouver une appellation qui traduise l’erreur de comptabilité majeure de ceux qui raisonnent sur la redistribution politique comme si elle pouvait durablement détruire moins qu’elle ne vole, parce qu’ils ne se sont pas demandés comment ce serait possible, alors que justement nous venons, pour nous être posé la question, de démontrer que ce ne l’est pas, que la redistribution politique tend à détruire l’équivalent de toute richesse dont elle s’empare, comme déduction directe et nécessaire du fait, reconnu par tous, qu’il ne peut pas exister de profit certain.
Nous avons vu dans cette erreur logique, consistant à croire que la redistribution politique pourrait durablement détruire moins qu’elle ne vole, une analogie irrésistible avec les conceptions scientifiques du sergent Bitur, telles qu’il les faisait connaître au sapeur Camember:
m’ferez quatre jours pour n’avoir pas creusé le deuxième trou assez grand pour pouvoir y mettre sa terre avec celle du premier trou.
En effet, comme nous venons de le voir, il n’y a pas non plus de redistribution politique assez grande pour qu’on puisse y décompter à la fois la richesse qu’elle détruit et les avantages qu’elle apporte à ses bénéficiaires - ces avantages-là ne peuvent être qu’illusoires, et ses bénéficiaires prétendus.
La redistribution politique, en tendance, détruit tout ce dont elle s’empare.
En outre, les mathématiciens apprécient le dessinateur Christophe et ses personnages, et ce sont les économistes mathématiciens qui raisonnent le plus volontiers sur la richesse à partir de présupposés qui feraient de Bitur-Camember, d’une loi déjà universelle et nécessaire, une loi en même temps exacte et absolue. Et n’a-t-on pas besoin d’un peu d’humour pour attirer leur attention sur l’erreur de comptabilité qu’ils ont commise jusqu’à présent dans leurs modèles d’un (de ce fait) prétendu équilibre général en n’y tirant pas, pour la redistribution politique, les conséquences du fait qu’il n’y a jamais de profit certain?
(François Guillaumat et Georges Lane)

Pourquoi pas Bitur-Camember

La question se pose maintenant de comprendre pourquoi cette loi de Bitur-Camember est encore nouvelle dans la théorie économique, ce qui permettra d’expliquer, et de prédire, les résistances qui ne manqueront pas d’apparaître contre son acceptation :

L’incompétence comptable

Si on a mis tant de temps à identifier les effets de Bitur-Camember, c’est d’abord parce qu’on n’y a pas appliqué correctement la discipline comptable qui est là pour les recenser systématiquement. C’est pour cela que la Loi s’appelle ainsi : parce que ni le sergent Bitur, ni le sapeur Camember n’identifiaient un élément inhérent au problème, et d’ampleur égale à celui qu’ils prétendaient résoudre : un problème qui tient à la loi de l’identité, donc relève du raisonnement arithmétique (ou algébrique puisqu’il faut savoir distinguer les nombres négatifs des nombres positifs) qui caractérise le raisonnement comptable.

L’incompétence comptable caractérise donc l’aveuglement face aux effets les plus destructeurs de la spoliation légale, notamment face à l’ ampleur et au caractère purement gaspilleur des pseudo-investissements dans la spoliation légale.

En effet, dans la mesure où ce sont eux que la théorie des choix publics a jusqu’à présent négligés, la démonstration de Bitur-Camember invite d’abord à définir l’ampleur, et à admettre le caractère gaspilleur, de ces pseudo-investissements nécessaires pour amener « l’Etat » à voler, et à distribuer son butin suivant les critères qu’« il » a choisis. En effet, le gaspillage ne tient pas seulement à ce que l’« Etat » n’atteint pas « ses » objectifs, mais aussi au fait que tous les coûts que l’on accepte de subir pour « l »’amener à voler, ou au contraire à ne pas voler alors qu’« il » le pourrait, ou encore à distribuer le butin d’une manière plutôt que d’une autre, sont par nature perdus pour toute production.

L’élément inhérent au problème qu’on n’identifiait pas correctement auparavant, ce sont les coûts de la spoliation légale par opposition à ses charges, ces coûts qui doivent nécessairement tendre vers la part de butin qu’on espère recevoir en contrepartie, puisqu’il ne saurait exister de profit certain.

La confusion des charges avec les coûts

Prendre les charges de la spoliation légale (c’est-à-dire les impositions qu’elle inflige à ses victimes) pour des « coûts » (alors que les coûts sont par définition des coûts d’opportunité c’est-à-dire toujours choisis, et ne peuvent donc être, dans la spoliation légale, que les pseudo-investissements que les acteurs y font) pourrait être le sophisme le plus propre à aveugler sur le caractère purement destructeur de l’étatisme, car si on les confond on peut être amené à croire que les avantages de la redistribution seraient « égaux » aux charges qu’elle inflige.

Rien n’est plus tentant que de conclure ainsi, puisqu’on peut alors croire vaguement avoir pris en compte la tendance générale des profits à disparaître, que même les marxistes reconnaissent sans pour autant l’avoir comprise. C’est d’ailleurs ce que fait expressément la prétendue « comptabilité publique » qui, comme on pouvait s’en douter, refuse systématiquement de tenir aucun compte des conséquences du fait que l’argent dont disposent les hommes de l’état est de l’argent volé. Or, ces conséquences disqualifient entièrement celle-ci en tant que comptabilité authentique : car non seulement

les sommes en cause ne reflètent jamais des jugements de valeur authentiques puisque dans ce cadre institutionnel les acteurs concernés ne sont pas propriétaires des biens concernés (un des avantages de l’approche individualiste, qui conduit à parler d’« hommes de l’ »état« plutôt que de »l’Etat« est qu’elle permet d’attirer l’attention sur cette irresponsabilité institutionnelle du décideur »public"), mais
pour ceux qui les paient, les prétendus « avantages » des politiques publiques valent nécessairement moins que les sommes qu’ils abandonnent prétendument « en échange », puisqu’il faut les y forcer sous la menace pour qu’ils le fassent.

En outre, prétendre qu’on pourrait « mesurer » les prétendus « services » de « l’Etat » aux charges que « celui-ci » inflige n’aurait aucun sens, puisque cela impliquerait nécessairement qu’on aurait pu mesurer, additionner et comparer les jugements de valeur entre les personnes, et que de telles opérations sont non seulement impossibles mais impensables — même si, évidemment, le refus de tirer les conséquences de cette impossibilité absolue affecte la plupart des sophismes étatistes en économie.

La confusion entre les charges et les coûts de la spoliation légale, dans la mesure où on la fait, conduit alors à négliger ces pseudo-investissements qui, seuls, sont ses véritables coûts, ou à en sous-estimer l’ampleur, ainsi que le fait qu’ils sont entièrement perdus pour toute production.

L’incapacité à identifier la Loi de Bitur-Camember traduit donc les deux aspects de ce que François-René Rideau appelle le sophisme comptable : d’une part

le sophisme comptable pur, qui consiste à vouloir comptabiliser des richesses dans des conditions où les sommes de monnaie éventuellement recensées ne reflètent pas les jugements de valeur réels des personnes en cause —sophisme qui caractérise la confusion des charges de la spoliation légale avec ses coûts, et d’autre part
le sophisme anti-comptable, qui consiste à ne pas identifier correctement tous les flux nécessairement impliqués, notamment la totalité des pseudo-investissements dans la spoliation légale.
Si on les appelle l’un et l’autre des « sophismes comptables », c’est parce que le sophisme comptable pur et le sophisme anti-comptable procèdent tous les deux d’une incompétence dans la comptabilisation des richesses.

Les impasses de l’économie mathématique

Les théoriciens de l’ « équilibre général » auraient dû être les mieux placés pour découvrir la Loi de Bitur-Camember, dans la mesure où celle-ci repose sur le raisonnement comptable et le raisonnement à l’équilibre, et pourraient se mettre en forme mathématique si ce n’était pas inutile pour la démonstration. En outre, dans la mesure où ils font presque toujours abstraction de l’incertitude qui vient brouiller la perception des effets de la Loi, c’est dans le cadre de leurs hypothèses favorites qu’elle est automatiquement et exactement vraie.

Cependant, ils ne tiennent pas compte de la spoliation légale — en tous cas pas du fait qu’elle est une spoliation : ils traitent « l’Etat » comme un « Deus ex machina », comme si celui-ci n’était pas fait d’agents moraux, d’acteurs économiques, d’individus agissants.

Il est vrai que les économistes mathématiciens, après avoir exposé leurs « modèles », mettent souvent en cause les Droits de propriété qu’ils avaient bien dû postuler au départ pour pouvoir seulement définir leurs problèmes de maximisation : mais lorsqu’ils le font, c’est toujours d’une manière contradictoire, donc anti-scientifique qui logiquement détruit leurs modèles et réfute toute conclusion qu’ils prétendraient en tirer.

S’ils voulaient envisager sérieusement la possibilité de mettre en cause des Droits de propriété, c’est au départ qu’il leur faudrait en tenir compte, en imaginant des « modèles » probabilistes qui définiraient ceux-ci, non comme des variables « certaines » mais comme des variables aléatoires, comme des sortes d’« options ».

S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce que cela complique sérieusement leur recherche de leur fameux « équilibre général » (pour ne pas dire que cela la rend impossible) et aussi parce qu’ils ont bien compris que les hommes de l’état ne leur donnent pas l’argent volé dont ils vivent pour étudier les désordres et les destructions que cause leur violation des Droits de propriété.

Une distinction difficile à comprendre

La démonstration de Bitur-Camember part, entre autres, du fait que, dans la spoliation légale, non seulement les « profits » perçus ne sont que des pseudo-profits, mais les conditions institutionnelles qui permettent cette spoliation légale n’en sont pas la cause, de ces pseudo-profits : comme il n’y a pas de profit certain, pas plus dans la spoliation légale que dans la production, dans la spoliation légale ces pseudo-profits ne peuvent donc être que le fruit de l’imagination et de la créativité dévoyées, ainsi que de la chance de ceux qui y agissent. En d’autres termes, ces pseudo-profits, c’est à l’incertitude qu’on les doit, aucun « profit » spécifique ne peut jamais être automatiquement lié à aucune situation, que celle-ci soit institutionnelle ou qu’elle soit purement marchande (ce qui se traduit par l’adage « le crime ne paie pas », en tous cas pas davantage que toute autre activité) : tout dépend par conséquent de ce que les gens pensaient avant, et la démonstration de Bitur-Camember, en réfutant, entre autres, l’ illusion de l’impunité, ne fait que rappeler ce qui, en économie, est un produit de l’incertitude par opposition à ce qui ne l’est pas.

Le problème est que, comme les autres abstractions nécessaires pour construire une théorie, faire comme si l’incertitude n’existait pas parce qu’on veut décrire les conséquences prévisibles des autres sources de la causalité en économie, c’est refuser, pour les besoins du raisonnement, de tenir compte d’une réalité essentielle de l’action humaine .

Ce refus de tenir compte d’une réalité essentielle est fréquent, voire nécessaire en théorie économique : on peut trouver d’autres exemples de ce parti pris dans les « conditions de la concurrence parfaite » de la théorie de l’« équilibre général ». La différence, ici, est que, tout comme Mises et Rothbard lorsqu’ils parlaient d’« équilibre statique » et de « rotation uniforme », la démonstration de Bitur-Camember ne retient des postulats impensables de cette théorie de l’équilibre général que l’abstraction qu’elle entend faire de l’incertitude, pour pouvoir rappeler que les pseudo-profits de la spoliation légale ne peuvent pas être causés par celle-ci en tant que choix institutionnel.

Cette réalité-là, dont on a choisi de ne pas tenir compte, peut s’insinuer de nouveau dans le raisonnement d’une manière dont on n’a pas conscience, y engendrant des contradictions qui le disqualifient.

Comprendre ce qui est un produit de l’incertitude et ce qui ne l’est pas, est en économie l’une des choses les plus difficiles, en même temps que la plus nécessaire :

en effet, si on ne sait pas faire cette distinction, on attribuera à l’incertitude ce qui résulte de contraintes dont on peut prévoir les conséquences, et on attribuera aux contraintes, notamment institutionnelles, des phénomènes qui ne peuvent être dus qu’à l’incertitude : non seulement les pseudo-profits de la spoliation légale, mais aussi les pertes causées par les changements institutionnels, comme par exemple les « pertes d’emploi » associées à l’ouverture des frontières et plus généralement à tout retrait de la spoliation légale.

C’est pourquoi il est essentiel, pour juger des institutions, de faire abstraction de l’incertitude, c’est-à-dire de raisonner en statique comparative.

Les théoriciens de l’économie sont censés savoir cela et, quand ils ne le savent pas, ça nous donne le spectacle lamentable, et catastrophique, de Maurice Allais ne comprenant pas que la démonstration du libre-échange est aussi vraie que deux et deux font quatre, et l’accusant faussement d’avoir causé des « pertes » qui ne peuvent pas, logiquement, lui être attribuables. L’abstraction de l’incertitude, et par voie de conséquence la manière d’y procéder et la compréhension des cas où il faut s’y livrer, pourrait être la chose la plus difficile à comprendre par un non économiste, surtout s’il est ingénieur, dans la mesure où une démarche expérimentaliste est pour lui une seconde nature, alors que la méthode expérimentale, en l’occurrence, est ce qui égare le raisonnement.

L’erreur inverse, dans l’autre sens, consiste à croire que la spoliation légale pourrait durablement enrichir les uns aux dépens des autres, c’est-à-dire à raisonner comme si un pseudo-profit de spoliation légale pouvait être permanent alors qu’un tel profit, par nature, on ne peut le faire qu’une fois.

Les découvertes récentes faites grâce à ce principe

Avoir appris à distinguer plus précisément ce qui ne peut être qu’une conséquence de l’incertitude, de ce qui est au contraire l’effet logiquement prévisible de contraintes supposées connues au départ, a permis aux économistes autrichiens de faire une demi-douzaine de découvertes depuis 1997, toutes fondées sur ce principe :

  • (1) On a vu la conclusion de Bitur-Camember, qui est celle d’une destruction équivalente à l’ampleur du vol lorsque les hommes de l’état « interviennent » dans l’économie.
  • (2) Un produit secondaire de la démonstration, qui tient lui aussi à ce qu’il n’y a pas de profit certain, est que les interventions de l’état — ses « politiques économistes et sociales »— ne peuvent jamais atteindre leurs objectifs que par accident : elles obtiennent exactement le contraire de leurs deux objectifs ostensibles et avouables, accroître la production et améliorer la rationalité des décisions, mais par définition c’est aussi uniquement un produit de l’incertitude si elles arrivent à profiter aux uns aux dépens des autres : de sorte que c’est uniquement par accident qu’elles peuvent atteindre leurs objectifs redistributifs.
  • (3) Cependant, c’est Pascal Salin qui, en 1997, a inauguré la série des découvertes dues à ce principe, en démontrant que l’effet-revenu n’existe pas.
En effet, ce qu’on appelle « l’effet-revenu », en théorie économique, consiste dans les modifications de comportement qui peuvent naître de changements dans le revenu du fait d’une variation dans les prix ou les conditions institutionnelles.
Cependant, fait remarquer Pascal Salin, l’existence d’un marché financier permet de lisser complètement les fluctuations du revenu qui sont prévisibles : on transfère les revenus d’une période excédentaire à une période déficitaire par rapport à une norme moyenne.
De sorte que c’est uniquement si les variations du revenu sont imprévues que les choix seront changés, parce que ce sont les plans qu’il faudra changer.
Mais dans ces cas-là, rien ne permet de préjuger du sens dans lequel le comportement sera affecté, parce qu’on peut aussi bien s’être trompé dans un sens que dans un autre :
de sorte qu’il est aussi impossible d’attribuer a priori un sens aux changements de comportement nés d’un changement inattendu qu’il est possible d’en imaginer un quand ces changements ne le sont pas.
L’« effet-revenu » n’est donc pas identifiable, et ceux qui prétendent en avoir « observé » un ne peuvent savoir qu’une seule chose : c’est que la prochaine fois, s’il y a une prochaine fois, ce qu’ils verront sera complètement différent.
  • (4) En 2001, ce qui est réfuté c’est la notion de « profit de monopole », que celui-ci soit ou non institutionnel d’ailleurs : le profit étant uniquement lié à l’incertitude, on ne peut systématiquement l’associer ni à une situation de marché, ni à un cadre institutionnel quelconques.
  • (5) En 2002, c’est la notion d’« externalité » qui passe à la trappe : si les avantages et les inconvénients que j’éprouve du fait qu’un autre fait de sa propriété un usage qui me plaît ou qui me déplaît, c’est une conséquence nécessaire et normale du fait que chacun est propriétaire de quelque chose et de rien d’autre ;
si ces avantages et ces inconvénients apparaissent sans qu’on ait pu les prévoir, ce ne sont pas des « externalités » mais des « profits d’aubaine » et des « pertes », exclusivement dus à l’incertitude ;
enfin, la seule manière d’améliorer les choses dans ces conditions où les Droits de propriété sont définis (et il n’y a pas de théorie économique sans définition des Droits de propriété), c’est la persuasion, et l’échange, qui me permettent d’obtenir des autres qu’ils fassent de leur propriété un usage plus conforme à mes souhaits.
Le prétendu « problème » des prétendues « externalités » se dissout donc dans l’ensemble des problèmes dus à l’incertitude, et constitue la raison d’être de l’échange.
Empiriquement, les « externalités » représentent l’ensemble des échanges humainement possibles qui ne se sont pas faits parce que les parties n’ont pas pu tomber d’accord sur les conditions de cet échange, et c’est condamner ce qui peut être au nom de ce qu’on ne peut pas concevoir que d’y voir une prétendue « défaillance du marché » qui « justifierait » l’intervention de l’état.
  • (6) Enfin, comme on l’a aussi vu, la distinction rigoureuse entre les effets de l’incertitude et celle des contraintes supposées connues au départ permet de démontrer, puisque ce sont autant de pertes, que tous les inconvénients que l’on prête au libre échange sont dus à l’incertitude et à elle seule : de sorte qu’en tant que tel, le libre échange n’a que des avantages et aucune espèce d’inconvénient.
C’est dans la mesure où ils ont compris la nécessité de distinguer entre ces deux types d’effets que les théoriciens du libre échange raisonnent en termes de « statique comparative » : en comparant entre elles deux situations institutionnelles différentes, sans se soucier des conséquences du changement que représenterait le fait de passer de l’une à l’autre : ces conséquences-là ne sont que celles de prévisions erronées, et en tant que telles relèvent uniquement de l’analyse générale de l’incertitude.

Les limites récentes de la théorie des choix publics

Probablement découragés par la complication extrême d’un raisonnement de ce genre, les théoriciens des choix publics n’ont pas l’habitude de raisonner en termes d’équilibre final et général, de sorte qu’ils ne sont pas allés au bout d’une estimation théorique des pertes que cause la spoliation légale.

Le plus loin que les théoriciens des choix publics soient allés dans la systématisation du caractère vain et gaspilleur de la redistribution politique consiste dans l’observation du fait que celle-ci est aléatoire et vaine : en effet, elle est le produit d’initiatives incohérentes, déterminée par des rapports de forces changeants et manque systématiquement ses buts du fait des lois de l’incidence et de la protection effective ; la conséquence en est qu’elle consiste essentiellement en un brassage à vide où les hommes de l’état passent leur temps à voler tout le monde pour rendre à tout le monde, sans aucun profit pour personne.

Ce qui manquait jusqu’à présent à ces analyses, c’était de tirer toutes les conséquences de cette condition nécessaire : « sans aucun profit pour personne ».

Les économistes autrichiens ne tirent pas tous les conséquences du fait qu’il n’y a pas de profit certain

Paradoxalement, c’est aussi un défaut qu’on trouve chez certains économistes autrichiens. Ceux-ci sont évidemment sont ceux qui ont conservé l’habitude de raisonner en termes universels, et qui connaissent le mieux les nécessités, et les limites, du raisonnement à l’équilibre : c’est d’ailleurs pourquoi ce sont des économistes autrichiens qui l’ont découverte.

Cependant les autrichiens les mieux acceptés —parce qu’ils sont seuls à explorer leur domaine de recherche — ceux qui suivent Kirzner, n’ont pas toujours à l’esprit ce que Ludwig von Mises, qui avait montré la nécessité des modèles d’« équilibre statique » et de « rotation uniforme », disait du raisonnement de type mécanique sur les conséquences logiques des contraintes connues à un instant donné, comme point de départ nécessaire pour étudier l’action de l’entrepreneur.

En conséquence, et à la différence de Murray Rothbard qui en faisait un large usage, ils peuvent perdre de vue l’intérêt des formes de raisonnement mécanique —raisonnement comptable et raisonnement à l’équilibre— pour la recherche des vérités substantielles de la théorie économique.

Alors même qu’ils sont les seuls à savoir encore que les conséquences qu’on peut en tirer sont absolument et universellement vraies et certaines.

L’illusion du pseudo-profit de l’entrepreneur politique

A ce titre, surtout s’ils étudient de façon privilégiée le profit pur d’entrepreneur sur l’importance duquel insiste l’analyse autrichienne, ils peuvent eux aussi être dupes de la première illusion fiscale, c’est-à-dire du pseudo-profit perçu à l’occasion de l’action politique, et sans lequel celle-ci n’aurait jamais lieu : si les gens participent à l’action politique, c’est parce qu’elle leur offre des occasions de croire que celle-ci peut apporter des avantages nets. Il n’en est pas moins vrai que les profits certains ne peuvent pas exister, et que toute démarche entreprise parce qu’on a mis en cause un Droit de propriété n’est qu’un pseudo-investissement, parce qu’on n’y subit des coûts que pour acquérir ou de conserver une ressource dont l’existence ne doit rien à cette dépense-là.

Cette illusion illustre deux choses :

1. il est essentiel de savoir distinguer ce qui relève de l’incertitude et ce qui n’en relève pas, et de connaître les raisonnements qui appartiennent à l’un et l’autre ordre, puisque cette illusion-là repose sur un sophisme anti-comptable, du type :
« je ne me rends pas compte de ce que j’aurais pu gagner à la place dans un métier honnête »
et qu’il faut apparemment, pour maîtriser ce raisonnement comptable, comme tout raisonnement de type mécanique, savoir attribuer à l’incertitude ce qui en relève, pour comprendre ce qui n’en relève pas.
A contrario, l’exemple de Maurice Allais prétendant rationaliser le protectionnisme illustre les confusions auxquelles conduit l’incapacité à distinguer les deux, notamment l’incompréhension des raisons pour lesquelles on raisonne sur les institutions en termes de statique comparative.
2. Etant donné que le vol doit forcément voler une production déjà existante, il y a nécessairement une différence catégorique entre les entreprises productives et les entreprises prédatrices, donc entre les coûts consentis pour produire et les coûts consentis pour voler : il faut décrire les premiers comme de vrais investissements, alors que les seconds sont des pseudo-investissements, en eux-mêmes improductifs et donc impliquant non pas une production mais une destruction nette.

Or, les économistes autrichiens, en insistant à juste titre sur le fait que les jugements de valeur sont des actes de la pensée, ont pu définir ces jugements de valeur comme « subjectifs », au sens où ils n’existent que dans la tête des gens, et où on ne peut les connaître que si celui qui les porte agit de façon observable.

Cependant, une conception purement subjectiviste de la valeur qui ne tiendrait aucun compte de la distinction entre le vol et le non-vol conduirait à détruire toute analyse économique parce que sans la prise en compte de la contrainte de propriété, aucun problème économique ne peut être défini, de sorte qu’une théorie économique qui refuse d’en tenir compte est détruite par ses propres contradictions. Une confusion subjectiviste entre le profit réel, lié à la production, et le pseudo-profit, lié au vol, introduit donc dans la théorie économique une contradiction sans remède.

Il ne fait pas de doute que, lorsque le puissant s’empare de la production d’autrui pour en disposer contre son gré, il accroît son utilité telle qu’il la perçoit, et qu’il donc peut penser avoir fait un profit à cette occasion ; cependant, les coûts qu’il a acceptés de subir pour s’emparer du bien d’autrui ne sont pas la cause de l’existence de ce bien : bien au contraire, ils ne peuvent que décourager la production des biens en question.

Et prétendre que l’acte de vol aurait pu « accroître la production » parce que le voleur saurait faire un meilleur usage de son butin que sa victime implique non seulement des jugements de valeur arbitraires sur la rationalité de l’un et de l’autre, mais impliquerait une comparaison d’utilités entre les personnes, qui est strictement impensable : l’affirmation n’est donc pas seulement arbitraire mais dépourvue de sens, et ne peut donc jamais être vraie.

Le pseudo-expérimentalisme

Le pseudo-expérimentalisme domine tellement en économie aujourd’hui que les gens n’ont pas imaginé de pouvoir déterminer a priori l’ampleur théorique des dégâts que cause la spoliation légale.

Et pour ceux qui croiraient nécessaire et possible de tenter de la « vérifier » par l’observation historique, cette Loi se manifeste de tellement de manières, à tellement d’occasions, et tellement masquées par l’illusion fiscale, que cette entreprise exigerait un travail immense alors qu’elle est scientifiquement inutile, ne pouvant servir qu’à influencer ceux qui ne savent pas raisonner sur les moyens de preuve de la théorie économique, et encore, sans jamais pouvoir les persuader définitivement, étant donné que des conclusions de la science expérimentale ne sauraient jamais perdre leur caractère hypothétique.

Conséquence de ce pseudo-expérimentalisme, on ne sait peut-être même plus énoncer les postulats nécessaires dont la Loi de Bitur-Camember se déduit parce qu’on ne comprend plus très bien les conditions du raisonnement théorique en économie.


Références

Voir aussi

A group of citizens in the town of Chelm were busily engaged in digging a foundation for the new synagogue, when a disturbing thought occurred to one of the laborers.

“What are we going to do with all this earth we’re digging up?” he asked. “We certainly can’t just leave it here where our temple will be built.”

There was a hubbub of excitement as the men rested on their spades and pondered the question. Suggestions were made and just as quickly rejected.

Suddenly one of the Chelmites smiled and held his hand up for silence. “I have the solution,” he proclaimed. “We will make a deep pit, and into it we’ll shovel all this earth we’re digging up for the synagogue!”

A round of applause greeted this proposal, until another Chelmite raised his voice in protest. “That won’t work at all! What will we do with the earth from the pit?”

There was a stunned silence as the men tried to cope with this new problem, but the first Chelmite soon provided the answer.

“It is all very simple,” he said. “We’ll dig another pit, and into that one we’ll shovel all the earth we’re digging now, and all the earth we take out of the first pit. The only thing we must be careful about is to make the second pit twice as large as the first one.”

There was no arguing with this example of Chelmic wisdom, and the workers returned to their digging.