Illusion fiscale

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L'illusion fiscale est la différence entre les effets réels des politiques et des institutions tels qu’une réflexion systématique permet de les connaître, et l’idée que s’en fait l’opinion.

Le secret de l’illusion fiscale systématique est que l’étatisme, en faussant la prise de décisions, fausse en même temps l’intérêt que les gens ont à s’informer. Lorsqu’ils sont responsables — lorsqu’ils ont pris eux-mêmes les décisions qu’ils subissent, lorsqu’ils éprouvent eux-mêmes les conséquences de leurs choix, ils ont toujours intérêt à s’informer correctement sur les effets réels de ces décisions. En revanche, l’étatisme permet à des individus qui n’en subiront pas les conséquences d’usurper la décision sociale, aux dépens de victimes qui, de ce fait, sont réduites à la passivité. Cela garantit que ni les uns ni les autres n’ont plus les mêmes raisons de réfléchir aux conséquences réelles de cette décision.

Cette double destruction d’information, produit inéluctable de la violence agressive, la protège déjà en soi de la critique : on ne peut plus la surmonter que par une réflexion conceptuelle délibérée, qui demeure le métier de l’économiste. L’irresponsabilité institutionnelle imposée par la redistribution politique fait passer ses propres effets réels, pour reprendre l’expression de Frédéric Bastiat, du domaine de ce qui se voit dans celui de ce qui ne se voit pas — et que seuls connaîtront encore ceux dont c’est le métier de le savoir.


La raison d’être de l’économiste est de dissiper l’illusion fiscale

Et les occasions ne manquent pas de constater qu’en effet, malgré leur prétention technocratique à tout savoir mieux que les autres, les hommes de l’Etat en réalité savent rarement ce qu’ils font. L’économiste observe tous les jours qu’ils ne connaissent des effets réels de leurs politiques que ce qu’ils veulent bien en connaître.

Les politiques et les institutions ont bien d’autres effets que ceux que leur prêtent leurs promoteurs, c’est la leçon fondamentale de l’économie politique, on pourrait même dire sa raison d’être principale : décrire les effets des politiques et des institutions que les politiques, irresponsables institutionnels, ne voient pas.

C’est ce qu’avait compris Henry Hazlitt dans son Economie politique en une leçon, quand il reprenait les démonstrations de Frédéric Bastiat sur « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » en économie politique. L’existence même du métier d’économiste, et sa nécessité, témoignent donc des ravages sur la conscience publique de l’irresponsabilité institutionnelle qui affecte les hommes de l’Etat. En témoignent aussi les difficultés que l’économiste rencontre pour le faire entendre, car cette irresponsabilité institutionnelle explique aussi pourquoi, de ce problème essentiel et immense, l’opinion n’a qu’une conscience parcellaire et transitoire.

En effet, lorsque les hommes de l’Etat s’emparent de la prise de décision, ils privent les autres des occasions d’y penser, et cela empêche de se rendre compte à quelle point cette organisation pourrait être meilleure s’ils ne s’en mêlaient pas du tout : alors qu’ils ne sont pas obligés de s’informer à la hauteur de ses enjeux, et que par conséquent ils ne le font pas, ils paraissent souvent être les seuls qui réfléchissent à l’organisation de la société puisqu’ils sont désormais les seuls à pouvoir agir. Leur sentiment d’être le seuls à savoir ne leur vient que de ce qu’ils ont usurpé le pouvoir de décider.

Et ce sentiment de supériorité tient aussi à leur irresponsabilité institutionnelle, qui garantit qu’ils seront partiellement aveugles, puisqu’elle les dispense de regarder en face la plupart des pertes qu’ils infligent, aux autres, par leur ignorance et leur méchanceté : de sorte qu’ils ne sauront jamais à quel point ils se sont trompés, ni à quel point les destructions que l’on constate sont de leur fait.

C’est pourquoi on peut observer que si les problèmes insolubles s’accumulent - ce qu’on appelle les « problèmes de société », et qu’on ferait mieux d’appeler les « calamités du socialisme », c’est à proportion de l’ingérence qu’on a laissé exercer aux hommes de l’Etat : parce que ceux-ci, qui auraient le pouvoir de régler ces problèmes, n’ont aucun intérêt réel à le faire, et que s’ils ont ce pouvoir, c’est pour l’avoir soustrait à ceux qui y sont confrontés.

Pourtant, l’illusion fiscale affecte même les économistes qui sont censés la combattre

Et ces destructions, ils n’en mesurent pas plus l’ampleur qu’ils ne s’en reconnaissent les auteurs.

Il se trouve qu’à ce titre, leur intervention introduit un facteur de ruine supplémentaire dans la société parce qu’elle viole les droits de propriété : cela y introduit le principe de la redistribution politique où, par définition, les puissants dépouillent les faibles (sous prétexte ou non de « solidarité ») ; et cette redistribution politique-là, en fait, détruit tout ce dont elle s’empare : car ceux qui y opèrent sont prêts à y consacrer des ressources à la hauteur de l’enjeu, que ce soit pour y prendre aux autres ou pour leur échapper, et ces ressources-là sont perdues pour la satisfaction des besoins humains - c’est la Loi de la Destruction Totale ou Loi de Bitur-Camember.

Or, même les économistes n’avaient pas jusqu’à présent découvert cette loi, qui démontre que la redistribution politique, en tendance, détruit l’équivalent de toute richesse dont elle s’empare. De même, on peut trouver des études qui prétendent étudier la manière dont l’opinion se trompe ou non, sur la redistribution politique la plus visible -les impôts et les subventions- et dont les auteurs ne tiennent eux-mêmes aucun compte des lois de l’incidence réelle, qui font que les payeurs de l’impôt et ses receleurs ne sont que rarement ceux que la législation désigne comme tels.

C’est dire l’omniprésence et l’importance de l’illusion fiscale.

L’illusion fiscale et la censure socialiste

Or, cette omniprésence de l’illusion fiscale, et son importance énorme, ne se traduisent pas dans la littérature savante : on l’associe à Ricardo, lequel se demandait si les contribuables ne sous-estimaient pas la charge de l’impôt en cas de déficit budgétaire parce que cet impôt était alors en partie différé, ou aux théoriciens italiens du début du XXe siècle dont Amilcare Puviani, qui décrivait l’illusion fiscale comme un ensemble de procédés délibérés dont l’Etat se sert pour minimiser l’impact de ses prédations. Puviani comprenait à peine la pertinence des lois de l’incidence, et pas du tout qu’on n’a aucune raison de n’associer l’illusion fiscale qu’aux actes du Sinistère des finances, alors qu’elle affecte l’ensemble des actes publics : c’est toute la politique économique qui a des effets autres, et des avantages moindres, que ne le croit l’opinion.

Si les économistes méconnaissent en partie l’illusion fiscale, s’ils n’en ont qu’une conscience marginale, cela peut aussi s’expliquer par l’irresponsabilité institutionnelle et par Loi de Bitur-Camember dont cela représente en fait une des destructions - destruction de l’intégrité du savant, destruction de l’enseignement, sabotage des esprits :

en effet l’économiste, si son devoir est de dissiper l’illusion fiscale, n’est pas forcément prêt à le reconnaître et à en tirer les conséquences, parce que dans le socialisme, qui vole l’argent nécessaire à la plupart de l’enseignement et de la recherche pour le donner à ses partisans, ça ne peut que vous valoir des ennuis.

Un des procédés de l’illusion fiscale

Cette censure indirecte par l’impôt-subvention est d’autant plus efficace sur l’opinion que celle-ci ne la perçoit pas pour ce qu’elle est - pour une interdiction d’exprimer sa rationalité propre imposée par les puissants, inhérente à toute violence esclavagiste-absurdiste - mais au contraire pour un « bienfait », pour un « cadeau » de l’Etat.

Or, ce procédé, celui de la violence indirecte, est justement l’un des procédés de l’illusion fiscale : les hommes de l’Etat font violence aux uns pour contraindre et dépouiller les autres, et ceux-ci ne s’en aperçoivent pas, au point même de croire que c’est à leur avantage.

C’est par exemple la source majeure du mythe des prétendues « conquêtes sociales », en réalité conquises sur le dos des travailleurs et des chômeurs, d’une manière qui trompe ceux-ci sur l’identité de ceux qui paient ces « conquêtes » - à savoir eux-mêmes, et non pas les employeurs - ainsi que sur celle leurs véritables ennemis - qui sont les syndicalistes et les hommes de l’Etat.

Les procédés de l’illusion fiscale

La Violence différée
L’Illusion du choix
L’amalgame entre le pillage redistributif et la vraie production
La Censure du monopole
La violence indirecte
Le Leurre de la loi
Le Bouc émissaire
La Violence masquée
Les Plumes du paon
La Persécution ostensible et corruptrice
La concentration des avantages et la dispersion des charges
La violence impunie : le « profit par le vol » et la « compétence par l’usurpation »
Le besoin factice
La fausse rareté
Noyer le poisson

Bibliographie sur l’illusion fiscale

François Guillaumat : L’Illusion fiscale

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