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Le pseudo-expérimentalisme consiste à prétendre mettre en oeuvre la méthode expérimentale dans les domaines de la connaissance où celle-ci ne peut pas s'appliquer. Ces domaines sont essentiellement les disciplines qui consistent à énoncer des propositions générales ("théoriques") à propos de l'action humaine, notamment :
- sur ce qu'elle doit faire, la philosophie morale et particulièrement politique,
- sur ses caractéristiques générales et ses conséquences prévisibles, la théorie sociale et particulièrement économique.
Pourquoi "pseudo-expérimentalisme"
Incompétence quant à l'applicabilité de la méthode et incompétence dans son application
On parle de "pseudo-expérimentalisme" dans ces domaines :
- - parce qu'on ne peut pas véritablement y appliquer ladite méthode, de sorte que ceux qui prétendent s'en servir se trompent fondamentalement sur les moyens de preuve que l'on peut et doit y mettre en oeuvre.
- - et que, par conséquent ceux qui prétendent y appliquer la méthode expérimentale ne le font pas réellement : s'ils cherchaient vraiment à l'appliquer, à chacune de ces tentatives ils pourraient, et donc devraient, se rendre compte que ce n'est pas possible.
En effet, la théorie de l'action humaine ne se prête pas à la définition d'une "expérience cruciale", l'observation qui, dans la démarche expérimentale, est censée permettre de réfuter les théories fausses. C'est précisément au cours du raisonnement qui vise à déduire cette expérience cruciale des énoncés généraux que l'on voudrait prouver ou réfuter par ce moyen, que l'on a l'occasion de se rendre compte que celle-ci ne peut pas se définir :
- si on peut imaginer des exceptions à l'affirmation générale, celle-ci est réfutée a priori, soit qu'elle soit mal formulée, soit qu'elle soit inutilisable ; et l'expérience cruciale est alors inutile.
- Si on ne peut pas imaginer de telles exceptions, alors l'expérience cruciale est impossible et la proposition générale est ipso facto prouvée.
- Ces énoncés vraiment généraux en science économique, ceux qui ne dépendent ni des circonstances ni des opinions, sont moins nombreux que les régularités communes mais contingentes vaguement observées en histoire économique. Cependant, il n'en est que plus nécessaire de savoir les identifier et de les prouver, dans la mesure ou toute interprétation des faits de cette histoire économique est nécessairement absurde si elle les contredit.
Les pseudo-expérimentalistes ne sont donc pas seulement des gens qui ne savent pas raisonner sur les moyens de preuve de la science : ce sont aussi des gens qui ne savent pas véritablement se servir de la méthode expérimentale qu'ils voudraient, faussement, appliquer dans ces domaines. En effet, s'ils ne se sont jamais rendus compte que son expérience cruciale ne peut jamais y être définie, alors c'est qu'ils ne savent pas définir une expérience cruciale, à supposer qu'ils reconnaissent seulement sa nécessité.
Des alibis permanents, devenus automatiques
Appliquer sérieusement la méthode expérimentale aux sciences de l'action humaine impliquerait d'employer des méthodes quantitatives dans toutes sortes de domaines de la pensée et de ses conséquences où toute mesure directe, voire toute observation, est impossible.
Au lieu de renoncer à y faire des mesures puisque c'est impossible, les pseudo-expérimentalistes y multiplient les observations censées y suppléer, qu'il appellent "variables approchées" quand ils n'ont pas oublié que leur lien logique avec ce qu'ils prétendent étudier n'est que partiel et indirect voire inexistant, et en tout cas ne leur permet pas de départager des interprétations théoriques concurrentes. La plus grande partie de ces simulacres impliquent des sophismes comptables, c'est-à-dire abusent d'indications de prix en monnaie formés dans des conditions morales sans rapport avec ce qu'ils prétendent décrire.
C'est cette première manière de violer la rigueur scientifique qui sert d'alibi aux pseudo-expérimentalistes pour leur incapacité permanente à définir l'expérience cruciale sans laquelle l'emploi de la procédure expérimentale n'est qu'une singerie. Ils se rassurent en se racontant que leur méthode serait la plus scientifique possible puisqu'on ne saurait faire mieux en la matière -- alors qu'en réalité elle ne l'est jamais, puisque c'est précisément parce qu'ils se donnent sans arrêt des prétextes pour ne pas définir cette expérience cruciale qu' ils foulent toujours aux pieds l'obligation minimum de cohérence logique sans laquelle on ne peut absolument pas la définir comme telle.
Une sophistique commode pour dire n'importe quoi "au nom de la science"
Un autre motif de ce défaut de rigueur dans l'application de la méthode expérimentale tient à la réussite apparente qu'il garantit immanquablement à ceux qui s'y adonnent.
D'après la méthodologie à la mode, la méthode expérimentale est censée tenter de réfuter les propositions théoriques, l'échec éventuel de cette réfutation étant alors censé confirmer provisoirement l'hypothèse testée, jusqu'à ce qu'une expérience ultérieure vienne, éventuellement, la réfuter ou du moins limiter ses conditions d'application. Il est évident que, si on se trouve des prétextes automatiques pour ne pas seulement définir l'expérience cruciale nécessaire au test expérimental de toute proposition théorique, on s'arrange tout aussi automatiquement pour que toute tentative de réfutation prétendument "expérimentale" échoue immanquablement.
Ainsi, la falsification de la science par le pseudo-expérimentalisme n'engendre pas seulement un cercle vicieux de l'incompétence méthodologique dont ses adeptes pourront eux-même être les dupes de bonne foi --d'autant plus qu'ils y exerceront la compétence mathématico-statistique la plus poussée mais, au prix de quelques simagrées de la même farine, elle leur assure en outre une couverture pseudo-scientifique automatique pour n'importe quelle affirmation.
Comme en outre les pseudo-expérimentalistes tiennent le haut du pavé et ont le pouvoir de censurer leurs critiques, on se demande bien au nom de quoi ils renonceraient à une méthode qui leur permet de "confirmer", de la manière apparemment "la plus scientifique" possible, tout ce qui se trouve leur passer par la tête.
C'est ainsi que se perpétuent leur refus de reconnaître que le raisonnement logique est la seule méthode appropriée à l'étude des produits de la pensée et de l'action, ainsi que leur manque de maîtrise de ce raisonnement.
De faux savants
Ce manque permanent de rigueur scientifique permet de douter que les pseudo-expérimentalistes sauraient seulement définir une expérience cruciale dans les domaines où on peut et où on doit effectivement le faire, les sciences de la nature, celles qui relèvent véritablement de ladite méthode expérimentale.
C'est donc parce qu'ils ne sont pas des expérimentalistes sérieux --voire pas des expérimentalistes du tout, qu'ils n'ont pas encore compris qu'il est inutile et vain d'envisager des expériences dans ces domaines de la recherche théorique, parce que le raisonnement seul suffit à les réfuter ou à les démontrer (les seules expériences utiles dans ce domaine appartiennent non pas à la théorie économique mais à la psychologie expérimentale). Par conséquent c'est entièrement à bon Droit qu'on peut les qualifier de pseudo-expérimentalistes.
Théorie et histoire
Evidemment, dans la mesure où les pseudo-expérimentalistes sont historicistes, au sens où ils prétendent théoriser à partir de l'histoire, ils ne comprennent pas où passe la différence --pour eux différence quant à la question posée, en réalité différence quant aux moyens de preuve-- entre la théorie et l'histoire. En particulier, la prévision, dans les sciences sociales comme dans les sciences naturelles, est une discipline historique. Comme toute science théorique la théorie économique vraie --celle qui est a priori-- permet de faire des prédictions certaines, mais limitées dans leur portée par la présence ou l'absence de ses conditions d'application. Ainsi,
- La théorie monétaire n'est applicable qu'aux sociétés où la monnaie existe, comme instrument d'échange. Elle n'était pas applicable aux bureaucraties totalitaires qui n'en faisaient pas usage -et le fait que la théorie monétaire n'y soit pas applicable ne la rend pas "réfutable" puisqu'elle décrit elle-même ses propres conditions d'application.
- De même, certaines prédictions de la théorie dépendent d'une certaine configuration de prix et autres jugements de valeur : ainsi, s'il n'existe aucun offreur de travail qui envisage de s'embaucher auprès d'un employeur chez qui sa productivité serait inférieure au salaire minimum, alors ledit salaire minimum ne provoque pas de chômage involontaire
- Cependant, cette possibilité-là non plus ne rend pas la théorie correspondante "réfutable" puisque là encore c'est elle-même qui prévoit cette éventualité.
Et on peut parfaitement la formuler de manière universelle, en disant par exemple que si le salaire minimum a un effet, il ne peut l'avoir que s'il interdit effectivement à certains de travailler.
Les généralisations sur l'homme tirées de l'histoire --comme la psychologie expérimentale précitée -- nous permettent de supposer, à partir des généralisations sur la disponibilité des produits et les jugements de valeur, la présence ou l'absence de ces conditions d'application de la théorie économique ; mais, encore une fois, elle n'en devient pas "réfutable" pour autant, puisque c'est toujours elle-même qui définit, comme loi universelle et irréfutablement vraie, ces conditions dans lesquelles la présence de quelle cause conduit à quel type d'effet.
Et en cela, elle ne diffère nullement des sciences physiques, puisque énoncer, comme loi de la nature , que les conditions A, B et C conduisent à D, ne permet pas non plus de prédire dans quelle mesure on obtiendra D à moins de connaître les circonstances historiques quant à la présence ou l'absence de A, B et C.
Hayek, qui n'avait pas compris la distinction entre théorie et histoire établie par Mises, avait cru réfuter cellle-ci dans son discours de 1936 "Economics and Knowledge", et Mises ne l'avait pas compris comme tel, puisqu'il ne faisait que rappeler ce que lui-même avait souligné dans ses nombreux écrits sur la distinction en question. Hayek, malgré sa formation en Droit, est alors tombé sous l'influence de Karl Popper, physicien assez persuasif pour se faire passer pour un philosophe auprès des économistes, mais pas assez malin pour en avoir jamais rien appris en retour.
Disqualification de la logique
Évidemment, une proposition irréfutable du type 2 + 2 = 4 est établie sans recours à la méthode expérimentale : employer celle-ci pour l'établir serait à la fois contradictoire, inutile, et non concluant.
Une absurdité fort répandue du pseudo-expérimentalisme, qu'inspire son erreur de départ sur les relations entre l'expérience et la connaissance, consiste à prétendre qu'une proposition irréfutable ne serait pas scientifique. Rappelons que les lois de l'arithmétique sont de celles-là : qui croit sérieusement qu'elles ne feraient pas partie de la science ?
Inspiré par l'erreur épistémologique fondamentale qui entretient le pseudo-expérimentalisme, la fausse opposition entre la logique et l'expérience que l'on appelle depuis Kant la dichotomie analytique-synthétique, un groupe influent de pseudo-expérimentalistes considère donc que le caractère apparemment irréfutable d'un raisonnement serait suffisant pour le disqualifier comme science.
Dans la réalité, l'expérience est subordonnée à la logique, elle ne peut pas être valide si elle ne s'y soumet pas. Il est donc absurde d'opposer la logique à l'expérience, la distinction pertinente est celle qui oppose les méthodes :
celle qui a besoin de valider des hypothèses par une expérience cruciale est dite expérimentale,
celle dont les seuls moyens de preuve sont "la validité des concepts et la cohérence du raisonnement" (Mises) est dite philosophique, et toute "méthodologie scientifique" en fait partie ;
de sorte que si l'une d'entre elles nie sa capacité à décrire le réel, elle se réfute elle-même dans un vol de concept.
Quant à la "dichotomie analytique-synthétique", elle n'en est qu'une fausse interprétation, une falsification.
Les présupposés logiques de la science
En effet, comme l'a rappelé Hans-Hermann Hoppe, toute science doit inclure les lois de la logique aux exigences desquelles elle est subordonnée. A ce titre, toute science, et par conséquent la science expérimentale, doit logiquement présupposer trois faits généraux sans la reconnaissance desquels elle ne saurait prétendre qu'aucun de ses énoncés aurait un sens :
Trois présupposés logiques de toute science
- - Aucune proposition contradictoire ne peut être vraie : la contradiction est la preuve absolue d'une erreur. Or, le pseudo-expérimentalisme implique, méconnaît, et engendre, un festival de contradictions, encore appelées absurdités.
- - Le savant, le chercheur, est capable de penser, de communiquer : la science vise à créer et à transmettre de l'information nouvelle, et consiste dans cette création et dans cette diffusion d'informations nouvelles.
- - Dans son activité de pensée et de communication, le savant, le chercheur, dispose de ressources, et notamment de son propre esprit, comme étant effectivement le sien.
- On ne peut pas sans contradiction exercer une activité discursive et en même temps nier le principe de la propriété de soi : dire quelque chose implique en même temps qu'on est propriétaire de soi-même puisque non seulement on dispose effectivement de sa propre personne à cette occasion mais qu'en même temps, et par ce fait même, on affirme implicitement qu'on en a le Droit.
De même, on affirme en même temps que c'est une bonne action et qu'on doit l'accomplir : c'est donc un moyen privilégié de prouver la véracité des propositions normatives et impératives ; dans leur mépris de la logique, et donc dans leur incompétence en la matière, les pseudo-expérimentalistes sont généralement aveugles à ce genre d'énoncés implicites, aux contradictions pratiques auxquels ils peuvent donner naissance, ainsi qu'aux ponts qu'ils permettent naturellement d'établir entre les faits et les normes.
Conséquences méconnues de ces trois présupposés
Ces trois présupposés de toute science, notamment le premier et le troisième, suffisent déjà à fonder la philosophie politique libérale, puisqu'ils établissent que la science présuppose la propriété de soi et qu'en outre on ne pourra jamais justifier aucune norme politique qui implique une contradiction avec cette propriété de soi.
Oui, la science, toute science doit présupposer a priori comme vraie une norme de justice, comme d'ailleurs elle doit aussi présupposer une norme de vérité – l'idée d'une science wertfrei est une absurdité a priori, et fort loin que le socialisme, qui est la négation de cette norme de justice, soit "scientifique", il est au contraire incompatible avec un présupposé nécessaire de toute science.
D'ailleurs en pratique la discussion scientifique, rationnelle, proscrit la violence, elle exige le respect de la personne et de la rationalité d'autrui : elle exclut donc le socialisme, et si la plupart des savants vivent d'argent volé au contribuable c'est au prix d'une contradiction – donc ça ne peut en aucune manière être justifié par un discours rationnel – et au détriment de sa qualité puisque l'impôt-subvention est une censure violente masquée par le procédé d'illusion fiscale de la violence indirecte.
Evidemment, étant aussi incapables de raisonner en termes de principes que de valider les concepts, la plupart des pseudo-expérimentalistes ne comprennent pas que la définition de la justice est affaire de principes : il s'agit de dire d'après quels critères rationnels une action est juste ou, ce qui est équivalent, de définir la propriété légitime au nom de principes universels. Reconnaître la propriété de son propre cerveau, et de sa propre bouche, qu'on ne peut nier sans contradiction, implique, à l'occasion de l'une de ses manifestations particulières, de reconnaître un principe : celui de la propriété de soi. De sorte qu' on ne peut énoncer aucune définition de la propriété légitime qui contredirait, en lui-même ou dans ses implications, ce principe de la propriété de soi sans que le fait même de penser et de parler réfute ipso facto le prétendu principe que cette définition impliquait.
Et comme, indépendamment du fait qu'il faut être propriétaire de soi-même pour avoir le Droit d'argumenter, la seule définition de la justice qui ne soit pas incohérente passe par la propriété de soi, cette démonstration est en fait redondante et suffit surtout à rappeler que le principe de non-agression, qui lui est équivalent, est une condition préalable logiquement nécessaire de la science --la meilleure illustration en étant que l'argument du gros bâton n'est jamais reconnu comme probant, dans aucune discussion rationnelle.
Quatrième présupposé, propre à la science expérimentale
- -En outre, la science expérimentale, et elle seule, doit absolument présupposer que l'objet de son étude est entièrement déterminé : c'est-à-dire qu'il n'y apparaît aucune information nouvelle.
- En effet, une information nouvelle change les lois de comportement de l'objet étudié : on ne peut plus "reproduire" l'expérience ni par conséquent considérer que cette "reproduction" pourrait "confirmer" ou "réfuter" des énoncés généraux déduits des "expériences" antérieures. Dans ces conditions, les "expériences" ne font que se succéder, aucune ne peut "confirmer" ni "réfuter" les "expériences" antérieures.
C'est ce quatrième présupposé de la science expérimentale, le seul qui lui soit propre, associé au deuxième, qu'elle partage avec toute science, qui disqualifie la méthode expérimentale comme moyen de preuve théorique dans le domaine de l'action humaine.
La méthode expérimentale n'est pas applicable dans les sciences de l'action humaine parce que celle-ci doit supposer qu'aucune information nouvelle n'apparaît dans les systèmes qu'elle étudie, alors que l'action humaine est guidée par la pensée : il s'ensuit qu'aucune "expérience" ne peut y être contrôlée, pour "confirmer" ou "réfuter" une proposition générale quelconque. Dans l'action humaine les événements historiques sont tous uniques et singuliers, aucun n'est jamais la "reproduction" d'un autre, et aucun ne peut "confirmer" ni "réfuter" une proposition véritablement générale.
Le pseudo-expérimentaliste dans ses oeuvres
Les deux erreurs les plus courantes du pseudo-expérimentaliste
Par définition, le pseudo-expérimentaliste croit à tort que la théorie économique serait une science expérimentale.
Dans la pratique, en revanche, la quasi-totalité des pseudo-expérimentalistes reconnaissent que la philosophie morale, et notamment politique ne relève pas de la méthode expérimentale, mais on ne les voit pas moins, et sans arrêt, discourir dans ces domaines d'une manière qui implique qu'elle pourrait s'y appliquer :
- soit qu'ils y emploient des moyens de preuve qui singent cette méthode -- qui la singent mais ne l'appliquent pas réellement, puisque toute tentative pour ce faire conduit à des contradictions, et leurs conclusions sont de ce fait arbitraires au regard des moyens de preuve qu'ils avaient voulu se donner.
- soit qu'ils nient carrément la possibilité de toute connaissance autre qu'expérimentale :
- dans ce cas, le seul fait qu'ils prétendent rationnellement justifier, ou prôner, quel acte que ce soit implique immédiatement une contradiction pratique : en effet, une telle recommandation affirme implicitement qu'il serait possible à la science expérimentale de prouver la philosophie morale, ce dont ils ont par hypothèse expressément admis que ce n'est pas possible, et leurs conclusions sont alors contradictoires par rapport aux moyens de preuve qu'ils prétendaient reconnaître.
Même Ludwig von Mises est tombé dans cette contradiction-là, ne comprenant pas qu'il n'existe aucune raison logique de rechercher la vérité des faits si, comme il le croyait, les jugements de valeur sont finalement arbitraires.
Les pseudo-expérimentalistes sont aveugles à la contradiction pratique
Dans la pratique, les pseudo-expérimentalistes sont aveugles à la plupart des contradictions pratiques : ils sont trop mal formés à la science non expérimentale – à la philosophie – pour reconnaître les énoncés implicites qu'une action quelconque entraîne ou présuppose, de sorte qu'ils ne voient pas la contradiction qu'il y a à dire quelque chose d'une manière qui implique en même temps que cette chose-là est fausse.
Bien entendu, ils ne sont pas assez bêtes pour ne pas voir la contradiction qu'il y a à dire à haute voix "je ne suis pas en train de parler maintenant". En revanche, ils le sont tous, assez bêtes, pour ne pas voir la contradiction qu'il y a à recommander une politique quelconque "au nom de la science", alors qu'ils reconnaissent par ailleurs que la science expérimentale ne saurait être que descriptive et qu'une science descriptive ne saurait en elle-même fournir de normes --a fortiori lorsqu'en outre ils professent qu'aucune science n'existe qui en serait capable.
Le pseudo-expérimentalisme est la source du sophisme technocratique
La démarche qui consiste à soi-disant justifier des politiques économiques et sociales au nom de la "science" est donc un charlatanisme pur, et constitue en outre l'essence de la démarche technocratique. Le technocrate prétend avoir le "droit" d'imposer ses décisions à la place des citoyens, sous prétexte que sa démarche à lui serait "scientifique" alors que la leur ne le serait pas. La vérité, c'est qu'en volant les autres elle viole la seule norme d'action qui est logiquement démontrée, ce qui la disqualifie totalement du point de vue de la raison.
La technocratie est une variante du socialisme, qui consiste à vouloir abolir la justice naturelle sous prétexte que celle-ci ne peut pas se prouver au moyen de la science expérimentale (comme on vient de le voir, la relation est inverse, puisque la science présuppose au contraire la norme de justice naturelle). Elle est affectée par la contradiction intrinsèque de son prétexte premier, puisque la science expérimentale en tant que telle ne permet absolument pas de juger des normes. Le socialisme est donc :
- un pseudo-expérimentalisme normatif, puisqu'il prétend faussement se servir de la science expérimentale pour juger des normes – pour disqualifier celles de la justice naturelle et rationaliser les violences arbitraires qu'il veut imposer en violation de celle-ci ; c'est aussi
- un pseudo-expérimentalisme inavoué, puisque ses adeptes mis au pied du mur prétendent ne pas le pratiquer réellement, se cachant derrière des alibis --notamment pseudo-démocratiques et c'est de ce fait
- un pseudo-expérimentalisme absurdiste, puisqu'il refuse systématiquement de tirer les conséquences logiques de cette contradiction.
L'alibi permanent du socialisme
Etant à l'origine du socialisme, le pseudo-expérimentalisme sert de prétexte a priori pour disqualifier les raisonnements logiques qui démontrent immanquablement le caractère par définition criminel et totalement destructeur de toute redistribution politique.
En outre, une conséquence logique de la méthode expérimentale est qu'aucune expérience n'y est définitive : aucune théorie n'y est définitivement établie parce qu'on peut toujours imaginer que les phénomènes que l'on a observés n'aient pas seulement été causés par les facteurs que l'on avait cru identifier jusqu'à présent, mais aussi voire principalement par d'autres, qu'on n'avait pas imaginés. De sorte que des expériences ultérieures peuvent en principe toujours réfuter les conclusions de celles qui ont été menées jusqu'à présent.
Cela permet au pseudo-expérimentalisme, dans le domaine de l'action humaine, de différer indéfiniment la reconnaissance du fait que le socialisme, et son expression concrète la redistribution politique --le pillage esclavagiste des faibles par les puissants, doivent forcément échouer dans leurs ambitions prétendues alors qu'ils sont intrinsèquement et uniquement destructeurs. Disqualifier le raisonnement qui le démontre a priori, prétendre que de nouvelles "expériences" --dont les cobayes seraient les Moujiks que nous sommes, seraient nécessaires pour s'assurer de leurs effets réels, c'est ce qui permet de conserver les institutions du pillage étatique en dépit de leur échec manifeste, et constant, à réaliser leurs objectifs prétendus et de leur charge de plus en plus insupportable pour la société.
Le pseudo-expérimentalisme est un absurdisme
Dans leur fausse opposition entre la logique et l'expérience, les pseudo-expérimentalistes croient devoir choisir l'expérience, et rejettent évidemment la logique qu'ils en aient conscience ou non : le pseudo-expérimentalisme est un absurdisme, et c'est pour cela qu'en tant que méthode pseudo-scientifique, il permet de dire tout et le contraire de tout.
L'Absurdisme Condescendant
Il leur sert de prétexte pour disqualifier les praticiens de la philosophie morale et de la théorie économique vraie, précisément dans la mesure où ceux-ci emploient, naturellement et en fait exclusivement, les moyens de preuve qui sont applicables, ceux de la philosophie : la validation des concepts et la cohérence du raisonnement :
- parce que ceux-ci cherchent à prouver définitivement leurs propositions théoriques, de telles sorte qu'elles soient irréfutables, ils se placeraient de ce seul fait, prétendument, en-dehors de la science.
- Parce qu'ils cherchent à établir des systèmes déductifs cohérents à partir de propositions évidemment et universellement vraies, ils seraient "simplistes" --ce qui est censé ici être un motif de disqualification en dépit du Rasoir d'Occam-- et "stériles" comme si le caractère évident de leurs propositions de départ les empêchait de parvenir à des conclusions inattendues, et comme si cela suffisait à prouver qu'elles ne seraient pas vraies.
- Dans la mesure où ces découvertes consistent à réfuter l'étatisme de diverses manières dont ils n'avaient pas idée, il est évident que les receleurs de l'argent public ont aussi intérêt à refuser de reconnaître pour telles ces avancées-là de la science.
- Parce qu'ils ont tendance à avoir une certaine confiance dans des conclusions qui, correctement déduites, sont aussi vraies que deux et deux font quatre, ils seraient "dogmatiques" voire formeraient une "secte religieuse".
Ces critiques ne sont que des déductions de la prémisse pseudo-expérimentaliste, et ne sont donc pas plus fondées qu'elle ne l'est.
Un Absurdisme opportuniste
Et c'est aussi parce qu'il est un absurdisme, que ses adeptes en aient conscience ou non, que c'est par intermittence que ceux-ci se dérobent aux exigences de la logique : lorsqu'on a décidé de s'y soustraire, on s'est ipso facto autorisé à ne les violer qu'à l'occasion.
Les Absurdistes ont un besoin vital de ne pas assumer ouvertement leur Absurdisme : s'ils le pratiquaient systématiquement, ils ne pourraient pas le masquer, à eux-mêmes ni aux autres, et ils ne pourraient se mettre d'accord sur rien : ils se disqualifieraient comme autant de phraseurs dans le vide, imposteurs, escrocs et parasites sociaux.
Ils n'utiliseront donc le prétexte de la prétendue "opposition" entre la logique et l'expérience que pour disqualifier les conclusions de la raison qui les mettent en cause, intellectuellement et moralement : celles qui prouvent leurs erreurs ou impostures, aussi bien en théorie économique qu'en philosophie morale, ou celles qui démontrent le caractère criminel, vain et destructeur de la redistribution politique dont vit la plupart d'entre eux.
Les Abracadabras scientistes
Cet absurdisme opportuniste se masque le plus souvent derrière des Abracadabras scientistes, mathématiques et statistiques.
Les objets ultimes des sciences de l'action humaine sont les pensées ainsi que les actes que ces pensées inspirent. C'est pourquoi les théories de l'action humaine qui se conforment à leur objet d'étude se conçoivent comme des sciences morales : elles raisonnent en termes d'information, et rendent compte de ces pensées et de ces actes en termes des délibérations qui les ont inspirés.
Dans la mesure où ces délibérations ne comportaient pas de mesure directe, c'est une parodie absurde que de vouloir en rendre compte en ces termes : seuls les prix en monnaie se prêtent à un traitement mathématique, de sorte que seule la théorie financière peut et doit en faire usage, tandis que le raisonnement comptable, si on veut qu'il ait un sens, doit distinguer les contextes institutionnels (la propriété privée) où les prix reflètent les jugements de valeur individuels, et ceux (la possession satrapique) où ils ne peuvent pas le faire. C'est pour cela que les théories de l'action humaine, jusqu'au début du XX° siècle, en ont toujours rendu compte par le raisonnement discursif exprimé en langage naturel.
La statistique n'est qu'un des outils de l'historien
Les statistiques ne reflètent pratiquement jamais ce dont les théories de l'action humaine doivent s'occuper :
- ce dont elles rendent compte n'est pas l'information qui inspire les actes personnels mais des caractéristiques mesurables de certains groupes,
- elles ne permettent certainement pas de savoir ce que devraient être ces actes personnels,
- et elles ne sont pas nécessaires ni fiables pour décrire leurs conséquences prévisibles :
Comme moyen de connaissance, elles ne sont qu'un des outils de l'historien, et dans la mesure où elles sont un moyen et un enjeu de l'action politique, elles sont surtout, comme leur étymologie l'indique, un instrument de pouvoir.
Un sacrifice de la réalité qui multiplie les erreurs
Quant à la mathématisation de la théorie économique, elle n'est pas seulement aussi inutile que si on voulait à toute force formuler celle-ci en latin, ce qui viole le principe du Rasoir d'Occam ; elle introduit aussi, outre les abstractions logiques nécessaires à la théorie, un refus supplémentaire de prendre en compte certains faits de la réalité morale qui la rendent beaucoup moins capable, voire carrément incapable de décrire celle-ci.
Une dénaturation sophistique de l'objet étudié
Sa pratique habitue notamment la plupart de ses adeptes, malgré toutes les précautions verbales :
- -- à raisonner sur les jugements de valeur, motifs de l'action et critères indispensables de la production, comme si on pouvait les mesurer, ce qui conduit à faire comme si on pouvait les comparer :
- toutes les rationalisations de l'interventionnisme d'état qui en sont issues impliquent de postuler faussement une telle possibilité, quels que soient les masques et les arguties que l'on emploie pour le nier.
- Si on applique directement le critère de Pareto, conçu pour tenir compte de cette impossibilité, on constate avec Rothbard que toute intervention des hommes de l'état viole par définition le critère de Pareto.
- Invoquer ce critère pour soi-disant "justifier" quelque intervention de l'état que ce soit, c'est une contradiction pratique que Ayn Rand appelait le vol de concepts : c'est prétendre invoquer une notion dont par ailleurs on nie les fondements dans la réalité.
- N'a-t-on pas dit que les pseudo-expérimentalistes sont aveugles à la contradiction pratique ? Ce sophisme, la mathématisation de l'économie ne cesse de le cacher à ses adeptes parce qu'elle les habitue, derrière des précautions de langage en fait inopérantes, à traiter sans cesse les jugements de valeur, qui sont des actes de la pensée, comme s'ils se prêtaient à quelque sorte de mesure.
- -- A raisonner sur les jugements de valeur comme s'ils étaient permanents et déterminés à l'avance, indépendamment des circonstances morales de l'action concrète, notamment de l'information acquise à cette occasion.
- Cela traduit l'incapacité à tenir compte du fait que les jugements de valeur sont des actes de la pensée, et conduit à un matérialisme pratique ainsi qu'à une oblitération du temps, qui conduit à des concepts contradictoires comme la notion d'effet-revenu, réfutée par Pascal Salin --et toute autre notion de "profit" dans des conditions dites d'"information parfaite".
- -- A raisonner sur les jugements de valeur comme si on pouvait les connaître en-dehors de l'action concrète alors que seule l'action effective permet de les connaître si peu que ce soit.
- Ce qui engendre toutes sortes d'affirmations arbitraires dans le domaine normatif.
- On voit notamment force charlatans prétendre qu'on pourrait "accroître la production" en violant le consentement des individus, en quelque sorte en les "forçant à se conformer à leurs véritables préférences", postulat absurde qui sous-tend les arguties sur les prétendues "externalités".
Des recommandations politiques qui nient les postulats de départ
Tout cela illustre que la mathématisation de l'économie conduit aussi à faire comme si les Droits de propriété n'existaient pas, contredisant ainsi le postulat de leur existence qui est absolument nécessaire pour seulement pouvoir y spécifier les "modèles".
En particulier toutes les rationalisations de l'étatisme qui prétendent s'en autoriser nient les Droits de propriété de leurs victimes désignées, alors que si on les met en cause, ces Droits de propriété, c'est toute sa représentation théorique qui s'en trouve irrémédiablement réfutée.
Cette dépendance logique se traduit également dans l'arbitraire absurde des rationalisations en question. En effet ces rationalisations –"monopoles naturels", "externalités"-- non seulement ne fournissent aucun critère observable qui permette de constater ni de mesurer leurs prétendus "écarts à l'optimum", mais méconnaissent en outre le fait que, dans ces représentations théoriques mêmes, c'est par construction que la propriété, en tant que contrainte à l'action de chacun, y définit au départ le programme de maximisation de son utilité, de sorte qu'il est contradictoire et arbitraire de l'y présenter ensuite comme un obstacle à celle-ci : non seulement cela détruit complètement le modèle, mais c'est contraire à son propos même qui est de décrire la situation finale censée découler de ces définitions de départ.
Ces rationalisations, encore une fois, impliquent un vol de concepts et ce vol est double : non seulement parce qu'elles nient directement les postulats de départ des représentations théoriques dont elles prétendent s'autoriser, mais parce qu'elles les nient aussi dans leur raison d'être : étudier un problème économique doit partir de cette réalité que chacun ne disposera jamais que de moyens limités, et non pas présenter le vol comme un moyen de soi-disant le "résoudre".
Dans de tels modèles, en réalité, c'est l'échange volontaire des titres de propriété qui définit la seule possibilité concevable d'accroître son utilité dans les relations avec autrui, de sorte qu'il suffit de seulement mentionner cette possibilité d'échanger pour y dissiper toute illusion conceptuelle sur de prétendus "écarts à l'optimum" sur un marché libre. Si bien qu'
- y inventer ces prétendus "écarts à l'optimum" sur un marché libre n'est qu'une interprétation absurde, fondée sur des prétextes arbitraires, de situations banales où certains échanges envisageables n'auront pas eu lieu parce que tous les propriétaires en cause n'étaient pas d'accord pour les faire, et qui sont de ce fait optimales en vertu des définitions mêmes de la théorie.
- Mettre en cause la propriété de ces propriétaires écarte forcément de cet optimum, et en outre disqualifie logiquement toute conclusion que l'on prétendrait soi-disant "déduire" d'un modèle qu'on aurait de ce fait complètement détruit.
Etant donné qu'on ne peut pas comparer ni additionner les satisfactions personnelles, l"optimum social" ne peut exister, et la notion même n'a de sens, que comme une juxtaposition des "optimums personnels", et cette notion même d'"optimum personnel" ne peut elle-même logiquement se définir que relativement aux contraintes existantes. Que l'on mette en cause dans son principe cette condition logiquement nécessaire, et c'est la définition de l'optimum elle-même qui devient logiquement impossible.
De même, étant donné qu'on ne peut pas comparer ni additionner les satisfactions personnelles, l'"utilité sociale" ne peut exister, et la notion même n'a de sens, que comme une juxtaposition des "satisfactions personnelles", et cette notion même de "satisfaction personnelle" ne peut elle-même logiquement se définir que relativement aux contraintes existantes. Si on met en cause dans son principe cette condition logique nécessaire, alors la "satisfaction" dont on parle ne pourra plus se définir non plus.
Ainsi l'interventionnisme d'état, qui viole nécessairement les Droits de propriété existants, ne réduit pas seulement la satisfaction de "la société" en la personne de l'un de ses membres ; dans la mesure où il met en cause les conditions logiquement nécessaires de sa définition, il rend cette "utilité sociale" strictement indéfinissable.
La science réfute les propositions arbitraires, a fortiori celles qui sont contradictoires
C'est une deuxième raison pour laquelle Rothbard disait que l'intervention de l'état ne peut jamais accroître l'utilité sociale : il avait déjà prouvé --parce que cela implique ces comparaisons d'utilité entre les personnes qui sont absolument impossibles -- qu'il serait toujours nécessairement arbitraire d'affirmer qu'elle l'accroîtrait, ce qui réfute définitivement cette affirmation en raison : une proposition dont on est certain qu'elle ne sera jamais prouvée ne peut pas faire partie de la science.
Ici, nous venons de voir qu'en outre une telle affirmation serait absurde, puisqu'elle implique la contradiction du vol de concepts : l'emploi d'un mot dans un contexte où celui-ci ne peut plus avoir de sens. Prétendre que l'intervention de l'état "accroîtrait l'utilité sociale" est donc toujours faux, puisqu' une proposition absurde est toujours fausse en raison.
Et cela établit aussi que le respect de la propriété naturelle, qui seule permet à tous de maximiser leur utilité étant donnée la rareté existante, n'est pas seulement une condition suffisante de l'utilité sociale maximum, mais aussi sa condition nécessaire, puisqu'en son absence celle-ci ne peut pas être seulement définie. Et que, par conséquent, l'intervention de l'état n'empêche pas seulement la maximisation particulière de l'utilité sociale que le marché libre se trouve réaliser, mais qu'elle empêche en outre la seule qui soit possible parce qu'elle est la seule qui soit concevable.
Et, pour ceux à qui le raisonnement métaphysique est étranger et ne comprennent pas que la violence est nécessairement destructrice et ne peut servir la production que si elle neutralise des destructeurs violents, la démonstration de Bitur-Camember, qui ne fait appel qu'au raisonnement à l'équilibre, devrait suffire pour dissiper les doutes qui pourraient leur rester quant à ses effets sur la production.
Alors, évidemment, pour en déduire qu'en effet "l'intervention de l'état ne peut jamais accroître l'utilité sociale", il faut admettre qu'une proposition dont on a prouvé qu'en raison elle ne pourrait jamais être vraie (parce que nécessairement arbitraire), mais au contraire toujours fausse (parce que littéralement insensée) ne peut pas être vraie de la réalité. C'était évident pour Rothbard, initié par Ayn Rand à la philosophie réaliste, laquelle sait démontrer les rapports qui existent, et doivent exister, entre la logique et l'expérience. Pour les autres, rappelons-leur qu'il n'ont pas d'autre choix que d'embrasser un absurdisme plus ou moins conscient et explicite.
Un vrai programme de recherche ?
On pourrait imaginer des "modèles" mathématiques qui introduiraient la possibilité de mettre en cause des Droits de propriété, mais ce n'est pas ce qu'ont fait les "économistes" mathématiciens : en effet s'ils avaient voulu le faire, ils aurait dû définir ceux-ci, non plus comme des variables "certaines" mais comme des variables aléatoires, comme des sortes d'"options".
Il est vrai que cela compliquerait sérieusement leur recherche de leur fameux "équilibre général" --pour ne pas dire que cela la rendrait impossible.
Il leur faudrait en outre aussi appliquer le raisonnement en termes d'équilibre final à l'ensemble des coûts consentis pour s'emparer du butin de ces vols, ce qui conduirait à la démonstration de Bitur-Camember. Or, ce qu'établit celle-ci, c'est que l'ampleur de ces coûts-là a une tendance naturelle à rejoindre celle du butin en question ; avec pour conséquence que l'intervention de l'état finit toujours par détruire la totalité de la richesse dont elle s'est emparée. Si irréalistes qu'ils soient dans leurs représentations théoriques, ils ne sont pas forcément disposés à l'être à leurs propres dépens ; et ils ont bien compris que les hommes de l'état ne leur donnent pas l'argent volé dont ils vivent pour constater les destructions systématiques que cause leur violation des Droits de propriété.
Cette loi, les théoriciens de l'"équilibre général", auraient pourtant dû être les mieux placés pour la découvrir, dans la mesure où c'est dans le cadre de leurs hypothèses qu'elle serait automatiquement et exactement vraie, tandis que dans la réalité elle ne décrit qu'une tendance, évidemment certaine et inéluctable, mais dont les circonstances et le pseudo-expérimentalisme ambiant n'ont pas toujours permis de mesurer les effets
Une cacographie intellectuelle
Dans tous ces exemples, la formalisation mathématique n'a en aucune manière garanti la rigueur du raisonnement comme le croyait Stigler, mais sert au contraire à masquer son caractère contradictoire et de ce fait faux et source d'un arbitraire potentiellement infini. Et ce ne sont là que quelques exemples, parmi les plus nocifs parce qu'ils ne détruisent pas seulement la pensée mais empoisonnent la société.
- La doublepensée est le pouvoir de garder à l’esprit simultanément deux croyances contradictoires, et de les accepter toutes deux
- George Orwell, 1984
On voit donc que la mathématisation de l'économie peut gravement dégrader le raisonnement de ceux qui s'y adonnent : l'économie mathématique est une véritable cacographie intellectuelle, un système de postulats dont aucun ne saurait être pris au sérieux jusqu'au bout et la matrice potentielle d'innombrables contradictions, dont le vrai savant n'a que de bonnes raisons de se tenir à l'écart.
Un moyen d'intimidation
Cependant, en choisissant de ne pas s'en servir, ce vrai savant se fait passer pour un amateur même si c'est aux yeux des incompétents, que ceux-ci se reconnaissent ou non comme tels.
Comme langue hiératique de la science, la mathématique permet d'impressionner les naïfs, d'intimider les ignorants, et de disqualifier à leurs yeux ceux qui refusent de s'en servir. Dans la mesure où il est injustifié et sophistique, ne pouvant pas servir à découvrir la vérité mais à la masquer, son emploi dans les théories de l'action humaine s'interprète donc comme un réservoir de formules incompréhensibles visant à intimider au nom d'une prétendue "science", suivant le principe : omne ignotum pro magnifico. En somme, comme autant d'Abracadabras scientistes.
Ces Abracadabras scientistes visent :
- à faire croire que leurs adeptes seraient plus scientifiques que les vrais logiciens, alors que par définition ils ne savent pas aussi bien raisonner, voire pas du tout --notamment, ce qui est crucial, en matière normative ;
- à masquer, à eux-mêmes et aux autres, les présupposés absurdes, les fausses définitions et les contradictions internes de leurs "modèles", l'emploi de techniques avancées servant à ostraciser ceux qui ne les pratiquent pas, ainsi que d'alibi au refus de poser les questions pertinentes.
- Entre autres, comme les neuf dixièmes des économistes vivent d'argent volé au contribuable, et comme il faut bien renvoyer l'ascenseur à la bande qui vole l'argent, à masquer l'absurdité des rationalisations derrière lesquelles ceux-ci le volent, et à leur en fournir de nouvelles, prétendument "scientifiques"...
- ce qui permet d'en imposer au profane qui n'y comprend goutte et notamment ne soupçonne pas que la seule raison d'être de tout cela, c'est de rationaliser les différentes manières de lui voler son argent.
Les mathématiciens qui se prennent pour des économistes
Cela permet entre autres de faire carrière en économie à des mathématiciens, statisticiens voire ingénieurs dont la compréhension théorique en la matière est celle d'un étudiant de deuxième année (comme l'était celle de Keynes) et pire que nulle en philosophie -- puisque ce qu'ils croient en connaître est absurde.
Ils se font passer pour des économistes et se prennent pour tels, réussissant même à faire croire qu'ils sont bien les plus savants que les vrais. Cela leur permet de jouer les conseillers du Prince et de censurer les vrais économistes par les mots et par les actes, en s'appuyant sur la violence policière indirecte de la réglementation monopolistique et de l'impôt-subvention.
Les contradictions normatives du pseudo-expérimentalisme
Les pseudo-expérimentalistes se contredisent eux-mêmes s'ils reprochent aux philosophes moralistes et politiques d'employer exclusivement les moyens de preuve de la philosophie, puisque leur dogme reconnaît expressément que la science expérimentale ne peut pas en elle-même fournir de normes. A ce titre, la seule démarche cohérente de leur part serait :
- pour ceux des pseudo-expérimentalistes qui admettent la possibilité d'une science normative objective et rationnelle, de reconnaître que les philosophes moralistes sont fondés à exercer leur métier d'après les règles qui sont les siennes,
- et de reconnaître en outre que ceux-ci, et parmi eux tout particulièrement les philosophes politiques sont les seuls qui soient compétents pour justifier ou non les politiques et les institutions économiques et sociales ; en somme, par définition de renier la démarche technocratique.
- Pour ceux des pseudo-expérimentalistes qui n'admettent pas la possibilité d'une science normative objective et rationnelle, de s'interdire à eux-mêmes tout énoncé normatif d'aucune sorte au nom de leur "science", réelle ou prétendue.
En somme, de renoncer là aussi à la démarche technocratique. La démarche technocratique est en toutes circonstances charlatanesque puisqu'en aucune manière la science expérimentale ne peut jamais fournir de normes.
Effets sur la théorie économique
En théorie économique, au moins, le pseudo-expérimentaliste est cohérent avec lui-même : affirmant faussement que l'on pourrait, et même devrait y appliquer la méthode expérimentale, il ne se contredit pas lui-même en multipliant les énoncés et les démarches qui présupposent implicitement et cette possibilité et cette nécessité.
Il reste que la méthode qu'il prône n'est pas applicable et que, comme nous l'avons vu, cela veut dire qu'il ne l'applique pas véritablement mais qu'il fait seulement semblant. Parce qu'il faut s'être toujours borné à faire semblant pour ne pas s'être aperçu que la méthode expérimentale n'est pas applicable à la théorie économique.
"Prouver expérimentalement" que deux et deux font quatre
En tant que tel, le pseudo-expérimentalisme ne peut inspirer aucun progrès à la théorie économique, puisque la méthode expérimentale ne peut rien y prouver, et qu'en outre les pseudo-expérimentalistes font seulement semblant de s'en servir.
Perte de temps
Pire, comme leurs préjugés méthodologiques excluent qu'un résultat puisse être définitivement établi, de sorte que, même quand leurs théories se trouvent être vraies – parce que, anciennes ou nouvelles, elles sont logiquement cohérentes – ils perdent un temps considérable à faire semblant de les "tester" empiriquement.
Passer à côté des découvertes
Enfin, comme le pseudo-expérimentalisme traduit une incapacité à raisonner dans de nombreux aspects de la théorie de l'action humaine, les pseudo-expérimentalistes passent sans arrêt à côté de conséquences intéressantes de leurs raisonnements logiques.
Les économistes correctement formés passent leur temps à les identifier, ces conséquences intéressantes, et s'exaspèrent à devoir constater que pour leur part, ces auteurs ne les ont pas vues. C'est pour eux particulièrement le cas des productions des économistes de Chicago, correctement formés à la théorie mais pas à la méthode, ou des théoriciens des choix publics qui ne sont pas, comme Buchanan, autrichiens.
On ne peut que gagner à choisir une méthode de recherche appropriée à son objet
Pour un économiste autrichien, la méthodologie pseudo-expérimentaliste abrutit les économistes par ailleurs bien formés, elle leur fait perdre les trois quarts de leur temps et de leurs efforts. A l'inverse, pour un économiste adopter les moyens de preuve de la philosophie et apprendre ses disciplines fait penser à l'achat d'un nouvel ordinateur au bout de dix ans : non seulement on peut faire plus vite tout ce qu'on faisait auparavant, mais on peut faire d'autres choses dont on n'avait même pas idée --comme démontrer que le principe dont se déduit la philosophie politique libérale est un présupposé nécessaire de tout discours rationnel.
"Prouver expérimentalement" que deux et deux font cinq
Cependant, pour être pseudo-expérimentaliste, il faut demeurer incapable de voir certaines contradictions : le pseudo-expérimentalisme le plus modéré demeure contradictoire ; il engendre et perpétue des erreurs et, dans cette mesure-là, est toujours un absurdisme.
Passer à côté des erreurs
De sorte que les pseudo-expérimentalistes, qu'ils reprennent des théories connues ou prétendent en inventer de nouvelles, ne sont pas forcement aussi capables d'identifier leurs contradictions que des gens plus complètement formés à la logique : le pseudo-expérimentalisme laisse passer des théories absurdes, dont les rationalisations de l'étatisme fournissent maint exemple.
Refuser a priori que deux et deux fassent quatre
Le pseudo-expérimentalisme comporte en outre un élément de falsification systématique de la théorie, qui tient au fait que –même s'il ne cherche jamais sérieusement à définir une expérience cruciale, dans la mesure où il exige une prétendue "vérification empirique", il oblige à formuler les énoncés théoriques de telle manière qu'ils soient "empiriquement testables", c'est-à-dire que l'on puisse imaginer une expérience qui les contredirait.
Un principe de falsification systématique
Or, comme nous l'avons vu, dès lors que l'on peut imaginer que l'expérience contredise un énoncé théorique en économie, cela veut dire qu'il est faux ! La recherche d'une théorie économique "testable", fort loin d'être une condition de son caractère scientifique comme le croient les pseudo-expérimentalistes les plus convaincus, garantit au contraire sa fausseté. Ce qui, associé à la prétention à "tester" les théories les mieux établies, veut dire que le pseudo-expérimentalisme a vocation ultime à dégrader et disqualifier toute théorie économique, en falsifiant systématiquement l'ensemble de ses énoncés pour les rendre, prétendument, "scientifiques" à l'aune de ses préjugés.
La destruction radicale dans un contexte d'inculture théorique
Cette dégradation peut se faire beaucoup plus radicale dans un milieu intellectuel où les lois de l'économie préalablement établies par la logique ne sont pas connues ni comprises.
Catastrophe écologique
En effet, de même que le pseudo-expérimentalisme a pu naître et se perpétuer, par un cercle vicieux de l'incompétence méthodologique, dans un milieu, l'Europe du début du XIXe siècle, où la transmission du savoir philosophique avait connu une panne majeure – due entre autres à la révolution française mais aussi à l'influence délétère de sophistes comme David Hume, de même le pseudo-expérimentalisme, implanté dans un monde intellectuel ignorant de la théorie économique, peut y engendrer un véritable nihilisme vis-à-vis de celle-ci.
On pense à la prolifération des lapins en Australie, ou à celle de la Caulerpa en Méditerranée : en-dehors de son milieu d'origine, une idée fausse exerce des ravages pires encore.
L'origine de l'historicisme
C'est ce qui s'est passé à la fin du XIXe siècle en Allemagne, où l'on a importé l'empirisme de Hume par l'intermédiaire de John Stuart Mill sans y importer une culture économique équivalente à la leur, ou la France dont les hommes de l'État, à partir de 1880, avaient confié l'enseignement de la "science économique"... à des agrégés de Droit et où ceux-ci sont allés chercher leur inspiration chez les analphabètes d'en face qu'ils comprenaient mieux que les vrais économistes parce que, justement, ceux-là n'en savaient pas beaucoup plus qu'eux-mêmes.
De David Hume, Ayn Rand écrivait notamment ceci :
- "S'il était possible à un animal de décrire le contenu de sa conscience, le résultat serait une transcription de la philosophie de Hume.
- "Ses conclusions seraient celles d'une conscience confinée au niveau de la perception, réagissant passivement à l'expérience des concrets immédiats, sans aucune capacité à former des abstractions, d'intégrer dans des concepts les objets qu'elle a perçus, attendant en vain qu'apparaisse un objet appelé 'causalité' --sauf qu'une telle conscience serait incapable de tirer aucune conclusion d'aucune sorte."
- (Ayn Rand, For the New Intellectual, 1961, p. 24.)
Dans ce contexte d'inculture théorique, on ne peut plus faire semblant de vérifier que deux et deux font quatre : on ne sait même pas que deux et deux font quatre, et on ne pourra jamais s'en rendre compte tant qu'on s'obstinera à vouloir appliquer ces moyens de preuve-là.
Dans ces conditions, ce à quoi conduisent les expériences successives c'est à renoncer à toute théorisation en économie. Etant donné que la validation pseudo-expérimentale de toute théorie économique ne peut jamais qu'échouer, les "historicistes" économiquement incultes ne peuvent jamais "observer" que des régularités fugaces, éphémères, et transitoires : ils en déduisent alors qu'il n'y a pas de lois de l'économie, et en concluent que les hommes de l'état pourraient décider comme bon leur semble.
Or, les lois les plus importantes de l'économie, qui existent bel et bien, nous disent au contraire que les hommes de l'État, quand ils "interviennent", n'obtiennent pratiquement jamais les effets qu'ils prétendaient obtenir, la Loi de Bitur-Camember nous enseignant notamment que cette usurpation du pouvoir social détruit plutôt, en tendance, l'intégralité des ressources dont elle s'empare.
Loi générale que le pseudo-expérimentalisme a empêché de découvrir ceux qui étaient en principe les mieux placés pour la découvrir, à savoir les théoriciens de l'Équilibre général et ceux des Choix publics, et à la compréhension de laquelle le pseudo-expérimentalisme est probablement le plus grand obstacle puisque, dans l'appareil statistique accessible, la "comptabilité nationale" la nie par construction.
Voir aussi
- "Penser comme un économiste" Également disponible ici
Émissions de Lumière 101 avec François Guillaumat et Georges Lane :