Contradiction pratique

From Liberpédia

On tombe dans une contradiction pratique ou contradiction performative lorsqu’on agit d’une manière qui dément les propos que l’on tient au moment où on agit.

Un exemple de contradiction pratique dont la compréhension est à la portée de tout le monde consiste à dire à haute voix :

« je ne suis pas en train de parler maintenant »

Cependant, la plupart des contradictions pratiques échappent à ceux qui les commettent, ce qui permet à de nombreuses erreurs de perdurer —et a contrario, donne à ceux qui ont appris à les repérer une supériorité intellectuelle assez facile vis-à-vis de force discours contemporains, supériorité anormale, qui ne devrait pas exister si on enseignait correctement la philosophie .

Le lien entre les faits et les normes

La plupart des discours philosophiques, par exemple, méconnaissent le fait que tout choix d’agir d’une manière ou d’une autre implique en même temps ces affirmations implicites que cette action est bonne, qu’elle est juste et qu’il faut l’accomplir. Comme l’a bien remarqué Hoppe, l’action est le moyen logique naturel d’établir un pont entre les faits et les normes, c’est-à-dire de lier entre elles, parmi les affirmations de fait, celles qui disent qu’une chose est, et celles qui disent qu’elle est bonne ou mauvaise.

Un fondement de la justice naturelle

En particulier, le fait d’employer certains objets implique qu’on a le droit de s’en servir. Et, comme on est toujours obligé de se servir de son propre corps pour réfléchir et argumenter, cela veut dire que toute argumentation implique l’affirmation de la propriété de soi, dont les implications se déclinent comme les règles de la justice naturelle : j’ai le Droit de faire ce que je veux avec ce que je n’ai volé à personne, c’est-à-dire pris à un autre sans son consentement.

Le vol de concepts

Une autre contradiction pratique est inséparable de la philosophie sémantique, cette science des définitions qui distingue les concepts valides, ceux qui servent la pensée en classant sous la même dénomination les faits de même nature, des faux concepts qui fourrent dans le même sac des faits qui n’ont rien à voir, ou des notions qui n’ont même pas de contrepartie dans la réalité.

La science des définitions reconnaît celles-ci comme un système de classifications hiérarchisé, où la validité de certaines notions ne dépend pas seulement de leur capacité à décrire les faits et les lois de la réalité, mais aussi de la validité d’autres notions dont elles sont elles-mêmes dépendantes.

Bien entendu, ceux qui ne comprennent pas cette double dépendance seront aveugles à leurs implications, ce qui donne l’occasion d’observer l’emploi de certains mots dans des conditions où ceux-ci, en réalité, n’auraient pas de sens.

La contradiction pratique du vol de concepts consiste à employer une notion dont, par ailleurs, on a nié les fondements dans la réalité, directement ou indirectement ; ou, ce qui revient au même, à nier des faits en employant des mots qui impliquent que ces faits-là sont vrais.

Le vol de concepts dont la compréhension est la plus facile —ce qui ne veut pas dire qu’elle soit à la portée de tous, consiste dans la formule de Proudhon : « la propriété c’est le vol ». En effet, la notion de « vol » n’a de sens que s’il peut exister une propriété légitime : on ne peut pas « voler » ce qui n’appartient à personne. De sorte que la formule de Proudhon se réfute elle-même, et prouve même le contraire de ce qu’elle affirme, à savoir qu’il existe forcément une propriété qui est légitime, puisqu’affirmer l’illégitimité de toute propriété implique une contradiction.

Si cet exemple-là est le plus simple à comprendre, on voit qu’il n’était pas a priori évident pour tous. Il existe d’autres vols de concepts qui échappent en permanence à ceux qui les commettent, en particulier tous ceux qui impliquent une disqualification de la sémantique ou de la philosophie en tant que telle.

Le positivisme, en particulier, est une philosophie qui nie la validité de toute connaissance philosophique. A l’évidence, si aucune philosophie ne peut être vraie, le positivisme ne peut pas l’être. Le positivisme démontre donc le contraire de ce qu’il voulait prouver : il y a forcément des affirmations philosophiques qui sont vraies.

Un bon moyen de repérer une fausse philosophie, disait Ayn Rand, c’est de l’appliquer à elle-même.

Plus loin encore, la technocratie emploie le langage de la science expérimentale pour soi-disant justifier des actes politiques dont la justification n’appartient qu’à la philosophie morale. Il est bien évident que si c’est la philosophie morale et non la science expérimentale qui permet de justifier les actes, la technocratie n’est qu’imposture —et ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles elle l’est. En l’espèce, le concept volé est celui de « justification ».

L’abandon de contexte

Il existe des vols de concepts encore plus difficiles à repérer, ce sont ceux qui consistent à employer des mots en-dehors du contexte où ils ont un sens. Par exemple, le mot « extrémisme » a un sens en science politique, pour désigner une opinion minoritaire voire hostile aux règles établies, il n’en a aucun en philosophie normative où la question est de savoir si une opinion est bonne ou mauvaise, juste ou injuste c’est-à-dire vraie ou fausse dans le contexte de la philosophie morale ou politique.

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