Illusion fiscale

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Par François Guillaumat

L'illusion fiscale est la différence entre les effets réels des politiques et des institutions tels qu'une réflexion systématique permet de les connaître, et l'idée que s'en fait l'opinion.

Le secret de l'illusion fiscale systématique est que l'étatisme, en faussant la prise de décisions, fausse en même temps l'intérêt que les gens ont à s'informer. Lorsqu'ils sont responsables — lorsqu'ils ont pris eux-mêmes les décisions qu'ils subissent, lorsqu'ils éprouvent eux-mêmes les conséquences de leurs choix, ils ont toujours intérêt à s'informer correctement sur les effets réels de ces décisions. En revanche, l'étatisme permet à des individus qui n'en subiront pas les conséquences d'usurper la décision sociale, aux dépens de victimes qui, de ce fait, sont réduites à la passivité. Cela garantit que ni les uns ni les autres n'ont plus les mêmes raisons de réfléchir aux conséquences réelles de cette décision.

Cette double destruction d'information, produit inéluctable de la violence agressive, la protège déjà en soi de la critique : on ne peut plus la surmonter que par une réflexion conceptuelle délibérée, qui demeure le métier de l'économiste. L'irresponsabilité institutionnelle imposée par la redistribution politique fait passer ses propres effets réels, pour reprendre l'expression de Frédéric Bastiat, du domaine de ce qui se voit dans celui de ce qui ne se voit pas — et que seuls connaîtront encore ceux dont c'est le métier de le savoir.

La raison d'être de l'économiste est de dissiper l'illusion fiscale

Et les occasions ne manquent pas de constater qu'en effet, malgré leur prétention technocratique à tout savoir mieux que les autres, les hommes de l'Etat en réalité savent rarement ce qu'ils font. L'économiste observe tous les jours qu'ils ne connaissent des effets réels de leurs politiques que ce qu'ils veulent bien en connaître, de sorte que Michel Crozier pouvait dire qu'

"une organisation centralisée est une organisation où le centre ne sait rien de ce qui se passe à la périphérie".

les politiques et les institutions ont bien d'autres effets que ceux que leur prêtent leurs promoteurs, c'est la leçon fondamentale de l'économie politique, on pourrait même dire sa raison d'être principale  : décrire les effets des politiques et des institutions que les politiques, irresponsables institutionnels, ne voient pas.

L'existence même du métier d'économiste, et sa nécessité, témoignent donc des ravages sur la conscience publique de l'irresponsabilité institutionnelle qui affecte les hommes de l'Etat. En témoignent aussi les difficultés que l'économiste rencontre pour le faire comprendre, car cette irresponsabilité institutionnelle explique aussi pourquoi, de ce problème énorme, l'opinion n'a qu'une conscience parcellaire et transitoire.

En effet, lorsque les hommes de l'Etat s'emparent de la prise de décision, ils privent les autres des occasions d'y penser, et cela empêche de se rendre compte à quelle point cette organisation pourrait être meilleure s'ils ne s'en mêlaient pas du tout : alors qu'ils ne sont pas obligés de s'informer à la hauteur de ses enjeux, et que par conséquent ils ne le font pas, ils paraissent souvent être les seuls qui réfléchissent à l'organisation de la société puisqu'ils sont désormais les seuls à pouvoir agir. Leur sentiment d'être le seuls à savoir ne leur vient que de ce qu'ils ont monopolisé le pouvoir de décision.

Et ce sentiment de supériorité tient aussi à leur irresponsabilité institutionnelle, qui garantit qu'ils seront partiellement aveugles, puisqu'elle les dispense de regarder en face la plupart des pertes qu'ils infligent, aux autres, par leur ignorance et leur méchanceté : de sorte qu'ils ne sauront jamais à quel point ils se sont trompés, ni à quel point les destructions que l'on constate sont de leur fait.

C'est pourquoi on peut observer que si les problèmes insolubles s'accumulent - ce qu'on appelle les "problèmes de société", et qu'on ferait mieux d'appeler les "calamités du socialisme", c'est à proportion de l'ingérence qu'on a laissé exercer aux hommes de l'Etat : parce que ceux-ci, qui auraient le pouvoir de régler ces problèmes, n'ont aucun intérêt réel à le faire, et que s'ils ont ce pouvoir, c'est pour l'avoir soustrait à ceux qui y sont confrontés.

Pourtant, l'illusion fiscale affecte même les économistes qui sont censés la combattre

Et ces destructions, ils n'en mesurent pas plus l'ampleur qu'ils ne s'en reconnaissent les auteurs.

Il se trouve qu'à ce titre, leur intervention introduit un facteur de ruine supplémentaire dans la société parce qu'elle viole les droits de propriété : cela y introduit le principe de la redistribution politique où, par définition, les puissants dépouillent les faibles (sous prétexte ou non de "solidarité") ; et cette redistribution politique-là, en fait, détruit tout ce dont elle s'empare : car ceux qui y opèrent sont prêts à y consacrer des ressources à la hauteur de l'enjeu, que ce soit pour y prendre aux autres ou pour leur échapper, et ces ressources-là sont perdues pour la satisfaction des besoins humains - c'est la Loi de la Destruction Totale ou Loi de Bitur-Camember.

Or, même les économistes n'avaient pas jusqu'à présent découvert cette loi, qui démontre que la redistribution politique, en tendance, détruit l'équivaent de toute richesse dont elle s'empare. De même, on peut trouver des études qui prétendent étudier la manière dont l'opinion se trompe ou non, sur la redistribution politique la plus visible -impôts et subventions- et dont les auteurs ne tiennent eux-mêmes aucun compte des lois de l'incidence réelle, qui font que les payeurs de l'impôt et ses receleurs ne sont que rarement ceux que la législation désigne comme tels.

C'est dire l'omniprésence et l'importance de l'illusion fiscale.