Illusion constitutionnaliste

From Liberpédia

L’illusion constitutionnaliste consiste à croire que les constitutions peuvent servir à protéger les droits individuels contre les excès et les abus du pouvoir politique, notamment en démocratie, c’est-à-dire des violations de droits individuels décidées par une majorité politique, un gouvernement élu, ou toute autre autorité politique.

Incohérence conceptuelle

Les constitutions c’est bien joli, mais d’où sortent-elles ? Le seul constitutionnalisme logique – défaut d’être crédible – est encore celui qui dit que les Constitutions sont tombées du ciel, car sinon d’où viennent-elles ? Si elles viennent de la majorité, comment l’empêcher de la renverser ? Et si elles viennent d’une minorité, comment pourrait-elle les imposer tout en restant dans le cadre démocratique ?

Application pratique

Comment le respect des constitutions peut-il être garanti, en pratique ? Une cour constitutionnelle peut y veiller, mais elle-même, d’où vient-elle, sinon du pouvoir politique majoritaire ?

  • Aux États-Unis, les juges à la Cour suprême sont nommés par le président.
  • En Suisse, la Constitution est utilisée par le pouvoir fédéral contre le fédéralisme, mais en revanche, la constitutionnalité des lois fédérales n’est soumise à aucun contrôle :
le système suisse n’offre aucune possibilité de contrôle judiciaire abstrait, ou direct, de la constitutionnalité des lois fédérales. [1]
Les actes de l’Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral. [2]

Les constitutions qui nient le Droit

Il peut y avoir des constitutions qui se contentent simplement d’énoncer le principe de la loi du plus grand nombre :

Notre Constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre[3]

Et celles qui ne font qu’énoncer le Droit

D’autres, telle l’américaine, peuvent prétendre au contraire limiter l’arbitraire du pouvoir de l’État et de la majorité en garantissant les droits individuels. Le problème, c’est que la constitution ne tombe pas du ciel, il faut bien que quelqu’un l’écrive et l’approuve. Donc, dans une démocratie, comment faire pour que la constitution soit en dehors du processus démocratique ? La définition même d’une constitution au sens formel implique une procédure de révision plus lourde, c.-à-d. que la simple volonté de la majorité du Parlement ou du peuple ne suffit pas. Il faut donc parfois une double majorité (peuple et États composant une fédération), une majorité qualifiée, ou l’approbation d’une autorité spéciale élue séparément du parlement. Mais dans tous les cas, il faut bien que quelqu’un ait décidé que cette procédure soit ainsi, il faut bien que quelqu’un élise le Conseil constitutionnel, et c’est bien de majorité, fédérale ou qualifiée, qu’il s’agit également. Bref : ces limites au pouvoir démocratique sont issues de ce même pouvoir démocratique, et donc ne sont pas universelles et absolues.

Quelques bonnes constitutions, c’est-à-dire des constitutions qui se contentent de reconnaître, sans prétendre créer, les droits individuels inaliénables, mais avec quel résultat ?

Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs
We hold these truths to be self-evident

Si la Bill of Rights et la Declaration of Independenace sont libérales, les libéraux américains qui défendent la Constitution américaine, notamment ses premier et deuxième amendements, oublient un peu vite d’autres amendements moins glorieux, tel le XVIIIe.

Et de toute façon, les constitutions sont :

• Illégitimes

Les constitutions ne sont pas des contrats. Une constitution, n’a une quelconque valeur juridique que pour ceux qui l’ont signée ou approuvée explicitement, c’est-à-dire qu’elle n’engage qu’eux et ne peut s’appliquer qu’à eux :

The Constitution has no inherent authority or obligation. It has no authority or obligation at all, unless as a contract between man and man. And it does not so much as even purport to be a contract between persons now existing. It purports, at most, to be only a contract between persons living eighty years ago. And it can be supposed to have been a contract then only between persons who had already come to years of discretion, so as to be competent to make reasonable and obligatory contracts. Furthermore, we know, historically, that only a small portion even of the people then existing were consulted on the subject, or asked, or permitted to express either their consent or dissent in any formal manner. Those persons, if any, who did give their consent formally, are all dead now.
Lysander Spooner, No Treason, No VI, The Constitution of No Authority

• Contradictoires

Par exemple, la Constitution suisse se contredit elle-même, notamment en affirmant l’égalité hommes-femmes dans un article et instaurant la conscription pour les hommes uniquement dans un autre ! Comment accorder une quelconque crédibilité à un tel bout de papier ?

• Inefficaces

Et il faut bien voir que les hommes de l’État ne respectent la Constitution que lorsque cela les arrange. [4] [5]

Conclusion

Si les anarchistes ont compris depuis longtemps que les constitutions n’étaient que des bouts de papier, certains libéraux minarchistes, en particulier ceux qui vivent dans des pays à constitution plutôt libérale comme les États-Unis, persistent, malgré l’incohérence conceptuelle et l’échec historique manifeste des constitutions limitatives, à y voir une protection pour la liberté. Or, il n’est pas possible d’éviter le vrai débat, qui n’est pas « constitution figée » contre « constitution vivante »[6], mais bien politique contre Droit [7].

Voir aussi

https://en.wikipedia.org/wiki/Nuclear_option

"The procedure thus allows the Senate to decide any issue by majority vote, regardless of existing procedural rules, such as current Senate rules specifying that ending a filibuster requires the consent of 60 senators (out of 100) for legislation, and 67 for amending a Senate rule."