Friedrich Hayek

From Liberpédia
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Critiques libérales

Les libéraux rationalistes tiennent que l'influence de Hayek auprès de ses contemporains, et l'embarras dans lequel il a fini par mettre la gauche pour quelque temps, ont une seule et même source : la proscription de la preuve philosophique par le nominalisme et l'empirisme, qui explique leur refus commun de se plier à la cohérence logique comme exigence minimale de la réflexion sociale normative.

  • Les tenants d'une théorie économique purement rationnelle, tout en reconnaissant en Hayek un grand économiste notamment grâce à Ludwig von Mises, lui reprochent d'avoir finalement rejoint l'épistémologie de Karl Popper, à l'encontre de l'approche franco-autrichienne dont il était issu, et qu'il a pourtant contribué à réhabiliter.
  • Les tenants d'une philosophie politique rationnelle ont exposé la contradiction qu'il y avait à argumenter pour telle ou telle norme sociale tout en niant expressément la possibilité d'une définition rationnelle de la justice : contradiction pratique que Ayn Rand et ses Objectivistes appellent le sophisme du "vol de concepts".
Dès la parution de La Constitution de la liberté de Hayek en 1960, Rothbard a exposé (dans L'Ethique de la liberté) le caractère incohérent de sa notion de "coercition" qui fourre sous cette dénomination commune aussi bien des actes violents que l'exercice paisible d'un Droit de propriété. Dans Droit, législation et liberté Hayek a pensé intégrer les critiques que lui avait faites Bruno Leoni, mais on reste loin d'une conception cohérente du droit et le tome III, The Fatal Conceit ("L'arrogance meurtrière", publié en français sous le titre La Présomption fatale) parît plus irrationaliste encore.
A la suite de Droit, législation et liberté, Hans-Hermann Hoppe, dans "F.A. Hayek on Government and Social Evolution: A Critique" (Review of Austrian Economics, Vol. 7 Num. 1), montre que les incohérences de Hayek, come celles de Nozick, naissent du refus de reconnaître la propriété de soi (ou la non agression qui lui est équivalente) comme le seul critère de justice intellectuellement défendable ; il expose la fausseté absurde de la théorie "évolutionniste" de la formation des normes chez hayek, née du parti pris faussement scientifique d'exclure la pensée comme explication d'un processus où celle-ci est par définition à l'oeuvre toujours et partout.
  • Hayek définissait le constructivisme comme une "surestimation des pouvoirs de la raison". Si les libéraux cohérents reconnaissent que le concept de "constructivisme" chez Hayek corespond à quelque chose de réel, ils objectent à sa définition qu'à l'évidence, si les constructivistes surestiment les pouvoirs de leur propre raison, c'est parce qu'ils ne font que mépriser la rationalité des autres. S'ils nient leurs Droits, c'est parce qu'ils les considérent comme des objets à manipuler et non comme des êtres pensants qui savent des choses qu'eux-mêmes ne peuvent pas savoir.
  • Ils ne doutent pas que le socialisme, en plus d'être un esclavagisme - Tocqueville disait "une nouvelle forme de servitude", est un illogisme de principe, un absurdisme, qui ne se sert des oripeaux de la science (l'expression est de Rothbard dans Economistes et charlatans) que pour camoufler son refus de se plier à l'évidence rationnelle du principe de non agression.- en invoquant une "rationalité" mécanique qui consiste d'abord à faire comme si celle des autres n'existait pas, en prétendant multiplier les "expériences" et simuler force "mesures" sur ses semblables.
  • Si de ces libéraux cohérents Hayek ne faisait par principe pas partie, c'est quand même dans sa Counter-revolution of science (partiellement traduite par Raymond Barre comme Scientisme et sciences sociales) que l'on trouve la meilleure description historique de cet abus de la méthode expérimentale là où elle est logiquement inapplicable (il l'avait conçu avant de tomber sous l'influence de Karl Popper) pour détruire la morale commune et le Droit naturel, en disqualifiant a priori le raisonnement philosophique qui les fonde.
  • Si Hayek diffère des autres démocrates-sociaux modérés, en particulier de ses critiques français, c'est parce que lui connaissait l'histoire de la pensée juridique. A ce titre, les libéraux rationalistes lui savent gré :
- d'avoir remis au goût du jour la philosophie politique rationnelle, en la pratiquant avec entrain à défaut d'avoir su la reconnaître dans son principe et d'en avoir tiré une construction cohérente ;
- d'avoir réhabilité la preuve logique en théorie sociale, même si c'était pour l'abandonner à la fin sous l'infuence d'un empirisme de mauvais aloi.
- d'avoir, en développant les analyses de Ludwig von Mises à partir d'autres points de vue, mis l'accent sur le rôle de l'esprit humain dans la société (le thème du roman de Ayn Rand, Atlas shrugged), et la manière dont les violations du Droit, en premier lieu par l'Etat, détruisent l'information nécessaire à la régulation sociale, d'abord dans la planification centrale, ensuite dans la politique conjoncturelle, enfin dans toutes les autres formes d'interventionnisme étatique.
- d'avoir ainsi, par une influence née aussi bien de ses concessions de principe à l'irrationalisme et au collectivisme dominants que de sa reconnaissance tardive comme économiste, contribué à discréditer des politiques destructrices comme la planification autoritaire et l'inflation, et inspiré un mouvement d'idées libérales aussi bien en théorie sociale descriptive qu'en philosophie politique.
- Ainsi, Il a pu initier ses lecteurs à toutes sortes de traditions libérales, même si lui-même les représentait de façon imparfaite, voire contradictoire ; il les a mis sur tant de bonnes pistes - à condition de ne pas partager ses incohérences - qu'il est possible d'avoir une grande dette intellectuelle à son égard.