L'Economie Politique en une leçon

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Par Henry Hazlitt

Dans une société libre, où personne ne peut se tromper sans en subir les conséquences, les économistes joueraient le même rôle que le maître de philosophie du Bourgeois gentilhomme : ils piqueraient notre curiosité en nous faisant remarquer l'identité de nature entre la valeur et le coût, ou résoudraient nos cas de conscience en nous montrant à quel point, dans une telle société où par hypothèse personne ne peut voler personne, on ne ne peut rechercher son intérêt personnel qu'en rendant service aux autres. Peut-être pourraient-ils aussi hâter l'apprentissage de quelque entrepreneur en l'initiant au fonctionnement des marchés ou aux implications des contrats avant qu'il ne les découvre lui-même ; mais on n'en aurait guère besoin pour organiser la société, puisque ce ne sont pas eux qui connaissent l'art de faire travailler ensemble les gens. Dans une société marquée par l'étatisme, il en va tout autrement : les puissants y passent leur temps à faire des choix dont ils forcent les autres à subir les conséquences. Il s'ensuit inévitablement que, non seulement ils n'ont guère idée des effets réels de leurs décisions, mais que le public ne les connaît pas non plus, puisqu'il en est par hypothèse exclu. C'est ainsi que naît l'illusion fiscale, l'écart entre les effets réels des politiques et des institutions et l'idée qu'en présente le discours politique. Le métier de l'économiste est alors de percer à jour les véritables lois de la causalité sociale, d'y voir ce que les autres ne voient pas. Cela ne le rend pas populaire auprès des puissants, car cela ne peut servir qu'à montrer à quel point leurs politiques nuisent à tout le monde, y compris à ceux qui croient en profiter. Frédéric Bastiat a été le premier, dans ses articles, à insister sur ce fait, notamment en attirant l'attention sur les victimes de cette redistribution politique et les charges qu'elle leur inflige. L'étude des effets non directement visibles de l'intervention étatique a fait des progrès depuis, notamment grâce a raisonnement sur l'équilibre qui montre qu'en tendance ces politiques sont purement destructrices et que c'est seulement par pur hasard qu'elles profitent à quelques-uns ; les raisonnements qui démontrent l'inanité de ces politiques n'en sont pas moins à la portée du profane, et partent tous de cette idée que les politiques et les institutions n'ont pas les effets qu'il lui prêtait. Faire comprendre cette idée est la leçon unique à laquelle Henry Hazlitt fait référence dans L'Economie politique en une leçon, son ouvrage de 1946 aujourd'hui réédité par l'Institut Charles Coquelin.

François Guillaumat


New York, 25 mars 1946

Ce livre est l'analyse des illusions économiques aujourd'hui si influentes qu'elles sont presque devenues une nouvelle orthodoxie. Si elles n'y ont point entièrement réussi, c'est à cause de leurs contradictions internes qui ont pour effet de diviser ceux qui en acceptaient les prémisses en une centaine d'écoles différentes ; dans les questions qui touchent à la vie pratique, il est impossible de se tromper tout le temps. Cependant, la différence entre l'une ou l'autre de ces écoles nouvelles est tout simplement que la première s'aperçoit un peu plus tôt que la seconde des conclusions absurdes où leur faux point de départ les a conduites, à ce stade final de leur raisonnement, elles se trouvent alors en contradiction avec elles mêmes, soit qu'elles répugnent à renoncer à leurs principes erronés, soit qu'elles en tirent des conclusions moins troublantes ou moins étranges que ne l'exigerait la simple logique.

Pourtant, à l'heure actuelle, il n'est pas un Gouvernement de quelque importance dont la politique économique ne soit influencée, voire entièrement déterminée par l'une quelconque de ces idées fausses. Le chemin le plus court et le plus sûr pour comprendre sainement les problèmes économiques est peut être de procéder à une analyse de ces erreurs, et surtout à l'analyse de celle qui est à la racine de toutes les autres. Tel est le but de cet ouvrage et le sens de son titre aussi ambitieux que combatif

Ce livre sera donc avant tout un exposé. Il ne se fait gloire d'aucune originalité pour aucune des idées essentielles qu'il développe. Son effort est plutôt de démontrer que beaucoup des thèses qui paraissent brillantes et neuves, ou en avance sur leur temps, sont en réalité de vieilles banalités, habillées au goût du jour, ce qui confirme une fois de plus la vérité de cet antique proverbe : « Ceux qui sont ignorants du passé se condamnent par là même à le réinventer. »

On peut qualifier cet essai, l'avouerai je sans rougir, de classique, ou de vieux jeu, ou encore d'orthodoxe, du moins est ce ainsi que le baptiseront ceux dont on analyse ici les sophismes, et sans nul doute essaieront ils de l'étouffer. Mais l'étudiant qui recherche la vérité ne se laissera pas impressionner par de tels qualificatifs s'il n'a pas l'obsession de découvrir à tout prix un équivalent de la bombe atomique en économie politique. Son esprit, évidemment, sera ouvert aux idées neuves comme aux plus anciennes, mais il ne lui déplaira certainement lias de pouvoir renoncer à l'effort harassant ou charlatanesque de vouloir trouver, coûte que coûte, du neuf ou de l'original. Comme l'a remarqué Morris R. Cohen

« ceux qui prennent l'habitude de rejeter les thèses des penseurs qui les ont précédés ne peuvent espérer voir leurs disciples attacher quelque valeur à leurs propres travaux. »
(Morris R. Cohen, Reason and Nature, 1931, p. X.)

Et c'est parce que ce livre est surtout un travail d'exposition que, très librement et sans le souligner, sauf par de rares notes en bas de page ou par quelques citations, je me suis permis de puiser aux idées des autres. Il ne peut en être autrement lorsqu'on parcourt un domaine que tant de penseurs, et non des moindres, ont exploré avant soi. Cependant, ma dette envers au moins trois d'entre eux est si nette que je ne puis me permettre de la passer sous silence. La plus importante concerne le plan d'exposition de ce travail dans lequel s'insère tout mon développement. Je l'ai emprunté à l'essai de Bastiat intitulé Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, qui date déjà de près d'un siècle. On peut dire que mon livre en est la présentation moderne et qu'il est le développement et la généralisation d'une vérité déjà en puissance dans l'ouvrage de Bastiat. En second lieu, je dois beaucoup à Ph. Wicksteed, surtout en ce qui concerne les chapitres consacrés ici au salaire, et celui de la synthèse finale, qui s'inspirent beaucoup de son livre le Bon sens en Économie Politique. Enfin, c'est à Ludwig von Mises que j'ai fait mon troisième emprunt. Sans parler de ce que ce traité élémentaire doit en vérité à tous ses écrits dans leur ensemble, c'est à son exposé du processus de l'inflation monétaire que je dois le plus.

Quand je procède à l'analyse des idées fausses, j'estime qu'il est moins utile de citer des noms que de leur faire crédit, car, pour ce faire, il eut fallu rendre justice à chaque auteur critiqué en faisant de lui des citations exactes, en tenant compte de l'accent avec lequel il précise ou souligne tel ou tel point, en notant les atténuations qu'il apporte à sa thèse ou la justification de ses propres hésitations, contradictions et ainsi de suite. C'est pourquoi j "espère que personne ne sera trop déçu par l'absence en ces pages de noms tels que ceux de Karl Marx, Thornstein Veblen, Major Douglas, Lord Keynes, le Professeur Alvin Hansen et autres. L'objet de ce livre en effet n'est pas d'exposer les raisonnements erronés propres à certains auteurs, mais ceux que l'on commet dans le public en matière d'économie politique en ce qu'ils ont de plus fréquent, de plus répandu et de plus grave. D'ailleurs les sophismes, lorsqu'ils atteignent la couche populaire de l'opinion deviennent en quelque sorte anonymes. Les raisonnements subtils ou obscurs qu'on pourrait retrouver chez les auteurs responsables de leur propagation sont en quelque manière résorbés, car une doctrine se simplifie à l'usage. Le raisonnement fallacieux qui a pu être masqué par les mailles de l'atténuation, des ambiguïtés ou des équations mathématiques apparaît alors très clairement.

J'espère donc qu'on ne me fera pas le grief d'être injuste sous prétexte que la forme sous laquelle j'aurai présenté une doctrine en vogue n'est pas tout à fait celle que Lord Keynes ou tout autre auteur lui a donnée. Ce sont les doctrines auxquelles croient les groupes politiques et celles sur quoi se fonde l'action du Gouvernement qui nous intéressent ici, et non pas leurs origines et leurs développements historiques.

Enfin je veux espérer qu'on me pardonnera de ne faire que de rares appels aux statistiques dans le cours de ce livre. Si J'avais voulu les utiliser pour essayer de renforcer ma thèse en ce qui concerne par exemple les effets des droits de douane, la fixation des prix, l'inflation et le contrôle économique sur les matières premières telles que le charbon, le caoutchouc, le coton, ce livre aurait pris des dimensions beaucoup plus grandes que celles que je m'étais fixées. Au surplus, en tant que journaliste, je suis particulièrement averti de l'intérêt éphémère des statistiques et je sais comment elles sont rapidement dépassées par les événements. Nous conseillons donc à ceux qu'intéressent les problèmes spécifiquement économiques de lire les discussions d'ordre pratique faites au jour le jour de la documentation statistique ; ils verront qu'il n'est pas difficile d'interpréter celle ci correctement à la lumière des principes de base qu'ils auront appris.

Je me suis efforcé d'écrire ce livre d'une manière aussi simple et aussi dégagée de toute technique qu'il se petit, sans nuire à l'exactitude, de façon qu'il soit lisible même pour un lecteur dépourvu de toute culture économique.

Tandis que je composais, trois de ses chapitres ont paru en articles séparés, aussi ai je le désir de remercier le New York Times, The American Scholar et The New Leader de m'avoir autorisé à les reproduire ici. Je remercie le Professeur von Mises d'avoir bien voulu lire le manuscrit et m'aider de ses suggestions. Mais il va de soi que je suis seul responsable des idées exprimées tout au long de ces pages.


PREMIERE PARTIE : La leçon

Chapitre premier : La leçon

Il n'est pas de science humaine qui soit entachée d'autant de sophismes que l'économie politique. Et cela n'est pas un hasard. Les difficultés qui lui sont inhérentes seraient déjà immenses, mais elles sont multipliées mille fois par un facteur qui, pour d'autres disciplines telles que la physique, les mathématiques ou la médecine, reste insignifiant, je veux parler de la défense des intérêts particuliers. Alors que chaque groupe humain a des intérêts économiques identiques à ceux de ses voisins, chacun d'eux en a aussi qui s'opposent à ceux de tous les autres. Bien qu'une certaine politique puisse assurer le bien de tous, à plus ou moins longue échéance, il en est d'autres qui ne servent qu'un seul groupe au détriment de tous les autres. Le groupe qui serait ainsi favorisé y trouverait un tel intérêt qu'il ne cessera de prôner cette politique par des arguments plausibles et tenaces. Il paiera les avocats les meilleurs pour qu'ils consacrent tout leur temps à défendre sa thèse. Finalement, ou bien ils convaincront le public du bien-fondé de cette thèse, ou bien ils la brouilleront si parfaitement qu'un esprit, même avisé, ne pourra plus y voir clair.

A ces plaidoiries sans nombre en faveur de l'intérêt personnel, un second facteur important s'ajoute pour répandre chaque jour des sophismes économiques, je veux parler de la tendance instinctive des hommes à ne pouvoir considérer que les conséquences immédiates d'une politique donnée, ou les conséquences qu'elle peut avoir sur un seul groupe d'intérêts ou de faits, et d'en négliger totalement les conséquences lointaines, non seulement sur un groupe donné mais sur tous les autres. C'est la funeste erreur de ne pas vouloir s'attacher à étudier les conséquences secondaires d'un acte économique.

Or c'est dans cette erreur grave ou dans cette négligence que réside toute la différence entre une bonne et une mauvaise politique économique. Le mauvais économiste ne voit que ce qui frappe directement son esprit, le bon économiste réfléchit plus avant. Le mauvais économiste n'envisage que les conséquences immédiates d'une action donnée, le bon économiste en voit aussi les effets lointains ou indirects. Le mauvais économiste ne iuge (les résultats d'une politique donnée que par les effets qu'elle a exercés ou exercera sur un seul groupe particulier d'individus ou de faits ; le bon économiste s'inquiète aussi des effets qu'elle aura sur tous les autres.

Cette distinction peut paraître évidente comme peut aussi paraître élémentaire la précaution d'envisager toutes les conséquences d'une politique donnée sur tous les groupes. Mais ne savons-nous pas, tous, par expérience personnelle, qu'il existe envers soi même bien des indulgences qui, sur le moment, sont plaisantes, mais qui, en fin de compte, s'avèrent désastreuses ? Tous les petits garçons ne savent ils pas que s'ils mangent trop de bonbons, ils seront malades ? Et celui qui s'enivre ne sait il pas qu'il se réveillera le lendemain avec mal au cœur et mal à la tête ? Le buveur ne sait-il pas pertinemment qu'il perd son foie et se raccourcit la vie ? Don Juan lui même n'ignore pas qu'il court toutes sortes de risques, depuis le chantage jusqu'à l'avarie ? Enfin pour poser le problème sur un plan économique individuel, les paresseux et les dépensiers, même au plus fort de leur glorieuse ascension, ne savent ils pas très bien qu'ils se préparent un avenir de dettes et de pauvreté ?

Pourtant, lorsqu'il s'agit d'économie politique, on ignore ces vérités élémentaires. Et l'on voit certains économistes considérés pourtant comme des hommes de valeur qui pour sauver l'économie, déconseillent l'épargne et conseillent la prodigalité à l'échelle nationale comme le meilleur moyen de sauver l'économie en péril. Lorsqu'on les met en garde contre les conséquences envisageables d'une telle politique, il s'entend répondre cavalièrement, comme pourrait le faire un fils prodigue à son père qui lui fait des observations : « Mais quand cela arrivera, nous serons tous morts. » Et l'on prend ces creuses billevesées pour des mots d'esprit et l'on accete d'y voir l'expression de la sagesse et de l'expérience.

Or, la tragédie réside justement en ce que, dès maintenant, nous devons subir les conséquences de la politique d'un passé plus ou moins récent. Notre aujourd'hui est déjà le lendemain dont le mauvais économiste vous conseillait hier de ne tenir aucun compte.

Les conséquences lointaines d'une politique économique donnée peuvent devenir évidentes d'ici quelques mois. D'autres ne le deviendront peut être que d'ici quelques années. D'autres encore peuvent même ne se manifester qu'après des dizaines d'années. Mais dans tous les cas, ces conséquences lointaines sont ccontenues dans la politique présente aussi sûrement que la poule naît de l'œuf et la fleur de la graine.

Sous cet angle, donc, on peut condenser le contenu de toute politique économique en une seule leçon, et cette leçon peut être réduite à une seule phrase :

L'art de la politique économique consiste à ne pas considérer uniquement l'aspect immédiat d'un problème ou d'un acte, mais à envisager ses effets plus lointains ; il consiste essentiellement à considérer les conséquences que cette politique peut avoir, non seulement sur un groupe d'homnies oit d'intérêts donnés, niais sur tous les groupes existants.

Les neuf dixièmes des erreurs économiques qui causent tant de ravages dans le monde d'aujourd'hui proviennent du fait qu'on ne tient pas compte de cet axiome. Et toutes se rattachent à l'une ou l'autre de ces deux grosses erreurs fondamentales ou au deux : l'erreur de ne considérer que les conséquences immédiates d'un acte ou d'une proposition, ou l'erreur de ne s'attarder qu'aux conséquences sur un groupe particulier d'intérêts ou de personnes, négligeant celles que tous les autres devront supporter.

Naturellement l'erreur inverse est possible. Si l'on étudie les effets d'une politique, on ne doit pas s'hypnotiser uniquement sur ceux qui se produiront à longue échéance pour l'ensemble du pays. Les économistes classiques commettaient souvent cette erreur. Le sort des groupes plus proches que cette politique heurtait en soi ou par ses conséquences, mais qui s'avérait excellente après un certain temps, les laissait insensibles.

De nos jours, on ne tombe plus dans cette erreur et ceux qui la commettent encore sont surtout des économistes de profession. L'erreur la plus répandue aujourd'hui et de fort loin, celle que l'on entend sans cesse ressasser dès que l'on parle de sujets économiques, celle que l'on retrouve dans des milliers de discours politiques, l'erreur fondamentale de l'économie politique « nouvelle école », consiste à ne vouloir considérer que les conséquences immédiates d'une politique sur quelques groupes particuliers, et à ignorer ou minimiser les conséquences lointaines sur l'ensemble du pays tout entier. Les économistes « modernes », comparant leurs méthodes à celles des économistes « classiques » ou « orthodoxes », se flattent de penser qu'ils ont réalisé un grand progrès, voire une révolution, en tenant compte de ces effets immédiats que ceux ci voulaient ignorer. Mais en oubliant, ou en minimisant eux mêmes les effets plus lointains, l'erreur qu'ils commettent est autremen plus grave. Tandis qu'ils s'absorbent dans cet examen précis et minutieux de quelques uns des arbres de la forêt, ils n'en aperçoivent pas l'ensemble. Leurs méthodes et leurs conclusions sont d'ailleurs souvent typiquement démodées et ils sont parfois surpris eux mêmes de se trouver en accord avec les mercantilistes du XVII' siècle. Et il est de fait qu'ils retombent dans les erreurs d'autrefois, et s'ils n'étaient si peu logiques avec eux mêmes, ils retomberaient dans les erreurs mêmes dont les économistes classiques, on pouvait l'espérer, avaient une fois pour toutes fait justice.

On a souvent fait cette remarque mélancolique que les mauvais économistes présentent leurs erreurs au public avec beaucoup plus d'art que les bons économistes ne présentent leurs vérités. Et l'on déplore souvent que, du haut de leur estrade, les démagogues exposent leurs sottises économiques avec beaucoup plus de persuasion que l'honnête citoyen qui s'efforce à démontrer tout ce qu'elles ont d'inexact. La raison de cette anomalie n'est pas mystérieuse. Elle provient de ce que les démagogues, comme les mauvais économistes, ne présentent que des demi-vérités. Ils ne parlent que de la conséquence immédiate d'une politique donnée, ou de ses effets sur un seul groupe. Il se peut qu'ils aient raison, mais dans certaines limites, et la réponse à leur faire est d'ajouter et de prouver que ladite politique pourrait aussi avoir des conséquences plus lointaines dont les effets seront moins souhaitables, ou qu'elle ne donnerait satisfaction qu'à un seul groupe d'individus, au détriment de tous les autres.

Il suffit donc de compléter et de corriger la demi-vérité qu'ils expriment en présentant l'autre moitié du réel. Mais pour exposer ainsi les répercussions essentielles d'un acte donné sans en oublier aucune, il faut parfois une longue suite de raisonnements, compliqués et fastidieux. La plupart des auditeurs trouvent cela difficile à suivre, leur attention s'émousse vite, l'ennui les gagne. Le mauvais économiste utilise alors cette faiblesse d'attention et cette paresse d'esprit en affirmant que tout cela n'est que conformisme ou libéralisme, ou rationalisation de capitalistes ou tout autre qualificatif trompeur ; cela frappe alors les auditeurs comme autant d'arguments péremptoires, et cela les dispense de suivre les raisonnement exposés, ou de les juger selon leur mérite.

Voilà donc, en termes abstraits, comment se pose le problème de la leçon que nous désirons exposer, et les idées fausses qui font obstacle à sa solution. Cependant, si nous ne l'illustrons pas par des exemples, nous ne le résoudrons pas, et les idées fausses continueront à cheminer sans être démasquées. Grâce à ces exemples, nous pourrons aller des problèmes économiques les plus simples aux plus complexes et aux plus difficiles, grâce à eux nous pourrons détecter d'abord, puis éviter les sophismes les plus évidents et les plus faciles à découvrir, enfin les plus compliqués et les plus fuyants. C'est à ce travail que nous allons procéder maintenant.