« Murray Rothbard » : différence entre les versions

From Liberpédia
Line 34: Line 34:


==Le politicien manqué==
==Le politicien manqué==
L'action partisane de Murray Rothbard  ne traduit pas  une intuition de l'opportunité politique  aussi sûre que la plupart de ses démonstrations de philosophie  et d'économie politiques. Il n'a pas réussi à donner une importance réelle au [[Libertarian Party]] américain qu'il avait contribué  à fonder,  et son dégoût des candidats réellement éligibles aux postes de pouvoir  l'a conduit à soutenir des candidatures de diversion comme Ross Perot  en 1992 et des socialistes de droite (protectionnistes) comme Patrick Buchanan.   
L'action partisane de Murray Rothbard  ne traduit pas  une intuition de l'opportunité politique  aussi sûre que la plupart de ses démonstrations de philosophie  et d'économie politiques. Il n'a pas réussi à donner une importance réelle au ''Libertarian Party'' américain qu'il avait contribué  à fonder,  et son dégoût des candidats réellement éligibles aux postes de pouvoir  l'a conduit à soutenir des candidatures de diversion comme Ross Perot  en 1992 et des socialistes de droite (protectionnistes) comme Patrick Buchanan.   


Ses positions en politique étrangère  s'inspiraient en outre d'une erreur de raisonnement : plus encore que la politique nationale,  la politique internationale,  qui oppose des états entre eux, est  le domaine du moindre mal,  où l'intuition de la politique à mener,  même au service des principes les plus rigoureux,  exige  une connaissance,  et une expérience approfondies des sociétés politiques en cause,  et de leurs relations.  Murray Rothbard,  qui ne lisait aucune langue étrangère  et  qui avait peur de prendre  l'avion,  aurait pu s'y reconnaître incompétent.  Au lieu de cela,  élevé  dans la tradition isolationniste du Sénateur Taft,  et assuré  de ses principes politiques,  il a cru  au contraire  — dans ''For a New Liberty'' — pouvoir définir  a priori  une politique étrangère  libertarienne,  comme "non interventionniste".  Fort de cette erreur de catégorie,  connaissant mieux que  quiconque les turpitudes de son propre état  et incapable de mesurer  celles des autres,  il n'a cessé de dénoncer la politique étrangère des États-Unis,  exaltant à l'occasion  les pires tyrannies et répétant leurs mensonges de propagande.
Ses positions en politique étrangère  s'inspiraient en outre d'une erreur de raisonnement : plus encore que la politique nationale,  la politique internationale,  qui oppose des états entre eux, est  le domaine du moindre mal,  où l'intuition de la politique à mener,  même au service des principes les plus rigoureux,  exige  une connaissance,  et une expérience approfondies des sociétés politiques en cause,  et de leurs relations.  Murray Rothbard,  qui ne lisait aucune langue étrangère  et  qui avait peur de prendre  l'avion,  aurait pu s'y reconnaître incompétent.  Au lieu de cela,  élevé  dans la tradition isolationniste du Sénateur Taft,  et assuré  de ses principes politiques,  il a cru  au contraire  — dans ''For a New Liberty'' — pouvoir définir  a priori  une politique étrangère  libertarienne,  comme "non interventionniste".  Fort de cette erreur de catégorie,  connaissant mieux que  quiconque les turpitudes de son propre état  et incapable de mesurer  celles des autres,  il n'a cessé de dénoncer la politique étrangère des États-Unis,  exaltant à l'occasion  les pires tyrannies et répétant leurs mensonges de propagande.

Revision as of 31 December 2005 à 13:14

Murray Newton Rothbard (2 mars 1926 - 7 janvier 1995), fut un économiste américain, théoricien de l'Ecole autrichienne d'économie (élève de Ludwig von Mises), du libéralisme et de l'anarcho-capitalisme.

L'économiste du laissez-faire

En économie, Murray Rothbard a popularisé la pensée de Ludwig von Mises, dans un langage et avec des arguments plus propres à convaincre les économistes contemporains, formés à l'empirisme. Son premier essai économique fut un coup de maître : dans un recueil d'articles publiés en 1956, sous le nom de Towards Liberty il publiait un article intitulé "Toward a Reconstruction of Utility and Welfare Economics", il y réfutait dès l'origine ces rationalisations encore courantes de l'étatisme que sont les "externalités" et les "services collectifs" — aussi parfois appelés "biens publics", montrant que ces rationalisations refusent le seul critère objectivement observable de l'accroissement d'utilité — l'action volontaire — au profit de gloses arbitraires sur des préférences dont la prétendue mise en forme mathématique n'est là que pour faire oublier qu'en réalité on ne peut pas les connaître, ni les mesurer, ni les comparer : l'action, et seule l'action, permet de connaître les préférences, elle en est la preuve authentique et unique.

Le critère de la préférence démontrée comme seule preuve de l'action productive permettra à Rothbard de dépasser son maître Mises dans la compréhension du monopole. Mises admettait la possibilité d'un "monopole" sur un marché libre ; dans le chapitre 10 de Man, Economy and State, intitulé "Monopole et concurrrence", Rothbard démontre que le concept est contradictoire — et il l'est depuis ses origines grecques : toute forme d'organisation contractuelle est a priori productive (et conforme à la justice naturelle), tout acte de violence agressive fausse la concurrence (et viole la justice naturelle) et de ce fait mérite qu'on l'appelle "privilège de monopole".

C'est ainsi que Murray Rothbard établit le caractère productif de tout acte pacifique, et l'impossibilité de prétendre scientifiquement qu'un acte qui viole le consentement d'un propriétaire ajouterait à une quelconque "production totale". Ce qui lui pemet de conclure que le laissez-faire capitaliste réalise la production maximum, et que quiconque affirme que l'intervention de l'état pourrait accroître cette production est ipso facto un charlatan.

À l'imitation de L'Action humaine de von Mises, Rothbard entendait mettre en avant un système complet d'économie politique. D'où les deux tomes de Man, Economy and State, complétés par Power and Market, développement des effets destructeurs de l'intervention étatique déjà évoqués à la fin du premier Traité. Rothbard y fait un large usage du raisonnement à l'équilibre, mais dans les conditions énoncées par Mises. Il y développe aussi la théorie autrichienne de la conjoncture, et le caractère nécessaire du revenu d'intérêt.

L'épistémologue réaliste

Rothbard a aussi établi la "Loi de Rothbard", loi empirique comme quoi c'est dans le domaine où ils sont les plus mauvais que les gens se croient les meilleurs, et s'est employé à l'illustrer lui-même : disciple du plus grand économiste monétaire du XXe siècle, Ludwig von Mises, il a réussi à ne pas comprendre les conditions de l'ajustement monétaire et à prôner l'étalon-or avec 100% de réserves, ce qui est aussi incompatible avec la liberté des contrats qu'implique sa philosophie politique qu'avec toute compréhension de ce qu'est un instrument financier.

Si Rothbard était capable de remettre en cause les plus anciens concepts, et de reconnaître pour vrais des faits généraux de l'action humaine qu'on ne peut pas imaginer autres qu'ills ne sont, c'est parce que Rothbard ne cherchait pas à "vérifier" expérimentalement les propositions de type 2 + 2 = 4. Il tenait pour définitivement établi tout axiome, c'est-à-dire toute proposition dont on est obligé de se servir au cours de toute tentative pour la réfuter. C'est dire qu'il n'était pas empiriste ni positiviste.

Ce parti pris permet aux économistes autrichiens de se libérer des analyses et des concepts qui dépendent de la possibilité d'obtenir des statistiques dans les domaines qui relèvent de la seule logique. Par exemple dans celui de l'incertitude, ou dans celui de l'information, tout comme celui du monopole. Pour illustrer les progrès possibles en appliquant cette méthode appropriée à son objet , on peut rappeler que, s'il a fallu 70 ans à Hayek pour comprendre que la "justice sociale" n'a pas de sens comme concept normatif, c'est parce qu'il faut commencer par se poser la question.

Cependant, à la différence de Mises, Rothbard fondait le raisonnement logique non sur une conception kantienne de l'apriori mais sur une théorie aristotélicienne des concepts, qu'on pourrait rattacher à l'objectivisme de Ayn Rand, Nathaniel Branden et Leonard Peikoff. Ainsi, c'est dans la tradition même d'Aristote qu'il l'avait réfuté sur le monopole, comme Böhm-Bawerk en 1881 sur le revenu d'intérêt.

Le philosophe politique

Il restait à démontrer que le laissez-faire capitaliste est conforme à la justice : c'est ce qu'il fait dans L'Éthique de la Liberté. Il y montre que la seule définition cohérente de la justice est la propriété naturelle, la libre disposition reconnue comme juste de toute possession qu'on n'a pas volée, c'est-à-dire prise à un autre sans son consentement. L'Éthique de la liberté décline les conséquences de cette définition, reprenant de nombreuses solutions de la tradition juridique et en contestant d'autres.

L'application des principes libéraux se heurte évidemment aux dilemmes qu'engendre l'emploi de la force pour protéger le Droit, dans la mesure où, sans l'avoir voulu, cet emploi de la force implique le risque de faire du tort à des innocents. Murray Rothbard n'en tirait pas des conclusions pacifistes ni non-violentes. Dans L'Éthique de la liberté, il a cherché à définir, de façon forcément contestable, les cas où cet emploi de la force reste justifié. Rothbard condamnait les guerres du XXe siècle avec leur proportion croissante de civils massacrés, interprétant à sa manière leur déroulement ainsi que ce qu'il pouvait comprendre de la politique internationale. Réécrire l'histoire a permis à ses adeptes, en les évacuant ou en les ignorant, de "résoudre" en une bonne partie des cas de conscience posés aux décideurs politiques.

Pour son opposition à l'ordre moral imposé par les hommes de l'État et sa dénonciation — en pleine période d'expansion soviétique — de l'"impérialisme" américain, Murray Rothbard aurait pu passer pour « de gauche » sur l’échelle idéologique contemporaine. Rien ne saurait être plus faux : Murray Rothbard, qui, à l'âge de 12 ans, défendait Francisco Franco face à sa famille communiste ou anarchiste atterrée, condamnait au nom de l'objectivité du Bien les vices mêmes qu'il reprochait aux hommes de l'état de prétendre interdire en violation du Droit, et dénonçait plus que tout les mises en cause du Droit de propriété privée qu'inspirent le relativisme et le socialisme contemporains, et tout autant l’intrusion des hommes de l'état dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au moyen de contrôles, réglementations, subventions ou interdictions

L'historien de la société

Outre ses œuvres dans les domaines de l'économie et de la politique, Rothbard s'est également intéressé à l'histoire économique. Il a commencé sa carirère avec Conceived in Liberty, histoire des Etats-Unis avant la Déclaration d'indépendance. En 1963, il publiait America's Great Depression, explication autrichienne de la crise de 1929 et des sottises de la politiques américaine avant et après que l'historien Paul Johnson devait reprendre dans son ouvrage Modern Times. Il est un des rares auteurs qui ait disserté dans son œuvre Perspective autrichienne sur l'histoire de la pensée économique sur les écoles qui ont précédé Adam Smith, telles que celles des scolastiques et des physiocrates.

Le politicien manqué

L'action partisane de Murray Rothbard ne traduit pas une intuition de l'opportunité politique aussi sûre que la plupart de ses démonstrations de philosophie et d'économie politiques. Il n'a pas réussi à donner une importance réelle au Libertarian Party américain qu'il avait contribué à fonder, et son dégoût des candidats réellement éligibles aux postes de pouvoir l'a conduit à soutenir des candidatures de diversion comme Ross Perot en 1992 et des socialistes de droite (protectionnistes) comme Patrick Buchanan.

Ses positions en politique étrangère s'inspiraient en outre d'une erreur de raisonnement : plus encore que la politique nationale, la politique internationale, qui oppose des états entre eux, est le domaine du moindre mal, où l'intuition de la politique à mener, même au service des principes les plus rigoureux, exige une connaissance, et une expérience approfondies des sociétés politiques en cause, et de leurs relations. Murray Rothbard, qui ne lisait aucune langue étrangère et qui avait peur de prendre l'avion, aurait pu s'y reconnaître incompétent. Au lieu de cela, élevé dans la tradition isolationniste du Sénateur Taft, et assuré de ses principes politiques, il a cru au contraire — dans For a New Liberty — pouvoir définir a priori une politique étrangère libertarienne, comme "non interventionniste". Fort de cette erreur de catégorie, connaissant mieux que quiconque les turpitudes de son propre état et incapable de mesurer celles des autres, il n'a cessé de dénoncer la politique étrangère des États-Unis, exaltant à l'occasion les pires tyrannies et répétant leurs mensonges de propagande.

Oeuvres