Féminisme pétainiste
Que pensez-vous des débats et lois sur la prostitution ?
Elle est très révélatrice de ce qui est protégé aujourd'hui sous le nom de «sexe» à travers tout l'arsenal pénal et civil dont la France s'est dotée, avec la complicité enthousiaste des «avant-gardes» sexuelles. En effet, on voit bien que ce n'est pas la libre disposition de son corps et de son sexe qui est protégée, mais une certaine manière de vivre et de pratiquer la sexualité. Cette sexualité exclut le rapport marchand, parce qu'elle doit être un rapport social, comme si le sexe était le meilleur garant du «lien social». Même le Pacs s'est fait au nom de cette sexualité «utile». Il y a une dissymétrie manifeste entre le fait que l'on protège la possibilité de refuser d'avoir des rapports sexuels, et le fait que l'on rejette en même temps l'idée d'un droit à avoir des rapports sexuels, qui serait reconnu, par exemple, par la légalisation de la prostitution. Alors on ne pourchasse pas totalement la sexualité marchande, mais on crée des degrés de consentement. Car consentir à avoir des rapports sexuels, c'est toujours conçu comme une prise de risque, une mise en danger de son «intégrité sexuelle». C'est je crois le sens de cette nouvelle loi, tout à fait typique de la nouvelle morale sexuelle incarnée par le féminisme pétainiste si en faveur en France. Les féministes françaises feraient bien de s'informer un peu des débats qui, depuis trente ans, agitent les féministes américaines. Je suis régulièrement accusée d'antiféminisme. C'est l'inverse. Je crois à la nécessité urgente de reconstruire un féminisme progressiste en France, plus dans l'héritage de Simone de Beauvoir que de madame Royal, obsédée par l'apologie de la maternité et la promotion de la vertu.