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Il restait à démontrer que le laissez-faire capitaliste  est conforme  à la justice :  c'est ce qu'il fait dans [[L'Éthique de la Liberté]].  Il y montre  que la seule définition cohérente de la justice  est la propriété  naturelle,  la libre disposition reconnue comme juste de toute possession  qu'on n'a pas volée,  c'est-à-dire prise  à un autre sans son consentement.  ''L'Éthique de la liberté'' décline les conséquences de cette définition,  reprenant de nombreuses solutions de la tradition juridique  et en contestant d'autres.
Il restait à démontrer que le laissez-faire capitaliste  est conforme  à la justice :  c'est ce qu'il fait dans [[L'Éthique de la Liberté]].  Il y montre  que la seule définition cohérente de la justice  est la propriété  naturelle,  la libre disposition reconnue comme juste de toute possession  qu'on n'a pas volée,  c'est-à-dire prise  à un autre sans son consentement.  ''L'Éthique de la liberté'' décline les conséquences de cette définition,  reprenant de nombreuses solutions de la tradition juridique  et en contestant d'autres.


<p>L'application des principes libéraux se heurte évidemment aux dilemmes qu'engendre ''l'emploi de la force pour protéger le Droit'',  dans la mesure où,  sans l'avoir voulu,  cet emploi de la force  implique le risque de faire du tort à des innocents.  Murray Rothbard n'en tirait pas des conclusions pacifistes ni non-violentes.  Dans ''L'Éthique de la liberté'',  il a cherché à définir,  de façon forcément contestable,  les cas où cet emploi de la force reste justifié.  Rothbard  condamnait  les guerres du XXe siècle avec leur proportion croissante  de civils massacrés,  interprétant à sa manière leur déroulement  ainsi que ce qu'il pouvait comprendre de la politique internationale.  Ses successurs ont  "résolu"  une bonne partie des cas de conscience posés  aux décideurs politiques  en réécrivant l'histoire  ou en faisant comme s'ils n'existaient pas.</p>
<p>L'application des principes libéraux se heurte évidemment aux dilemmes qu'engendre ''l'emploi de la force pour protéger le Droit'',  dans la mesure où,  sans l'avoir voulu,  cet emploi de la force  implique le risque de faire du tort à des innocents.  Murray Rothbard n'en tirait pas des conclusions pacifistes ni non-violentes.  Dans ''L'Éthique de la liberté'',  il a cherché à définir,  de façon forcément contestable,  les cas où cet emploi de la force reste justifié.  Rothbard  condamnait  les guerres du XXe siècle avec leur proportion croissante  de civils massacrés,  interprétant à sa manière leur déroulement  ainsi que ce qu'il pouvait comprendre de la politique internationale.  Ses successeurs ont  "résolu"  une bonne partie des cas de conscience posés  aux décideurs politiques  en réécrivant l'histoire  ou en faisant comme s'ils n'existaient pas.  À  ce titre,  ils méritent le titre d'historiens ''révisionnistes'',  certains d'entre eux dans tous les sens du terme.</p>


<p>S'opposant  à l'ordre moral imposé par les hommes de l'État et  dénonçant l'"impérialisme" américain  — en pleine période d'expansion soviétique,  Murray Rothbard aurait pu passer pour « de [[gauche]] » sur l’échelle idéologique contemporaine.  Rien ne saurait être plus faux : Murray Rothbardqui,  à l'âge de 12 ans, défendait Francisco Franco face à sa famille communiste ou anarchiste atterrée,  condamnait au nom de l'objectivité du Bien les vices mêmes qu'il reprochait aux hommes de l'état de prétendre interdire en violation du Droit,  et dénonçait plus que tout les mises en cause du Droit de propriété qu'inspirent le relativisme et le socialisme contemporains.  Son anarchisme  était un anarcho-''capitalisme'',    et dénonçait d'abord l’intrusion des hommes de l'état dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au moyen de contrôles, réglementations, subventions ou interdictions
<p>S'opposant  à l'ordre moral imposé par les hommes de l'État et dénonçant les subventions et privilèges de monopole que les hommes de l'état attribuent aux grandes entreprises,  Murray Rothbard aurait pu passer pour « de [[gauche]] » sur l’échelle idéologique contemporaine.  En fait, par son réalisme épistémologique et éthiqueil appartenait bien davantage à la droite traditionnelle, la compétence économque en plus : à l'âge de 12 ans, il demandait à sa famille communiste ou anarchiste atterrée ce qu'ils reprochaient exactement à…  Francisco Franco !  Contre ce qui fait aujourd'hui l'essence de la gaucheil a toujours condamné au nom de l'objectivité du Bien les vices mêmes qu'il reprochait aux hommes de l'état de prétendre interdire en violation du Droit,  et dénonçait plus que tout les mises en cause du Droit de propriété qu'inspirent le relativisme et le socialisme contemporains.  Son anarchisme  était un anarcho-''capitalisme'',    et dénonçait en priorité l’intrusion des hommes de l'état dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au moyen de contrôles, réglementations, subventions et interdictions.
 
===Les sophismes isolationnistes===
De même qu'en théorie économique Murray Rothbard  recommandait une politique monétaire  incompatible aussi bien avec ses propres principes politiques qu'avec  l'ajustement monétaire,  en politique internationale sa pensée  était marquée par des ''erreurs de raisonnement''  nés de la volonté d'appliquer le raisonnement philosophique au-delà des limites de sa validité.
 
====L'erreur de catégorie de la politique étrangère ''a priori''====
En effet la politique internationale,  comme toute politique mais plus encore que la politique nationale parce qu'elle oppose deux ou plusieurs états,  par définition agressifs et violents,  est  le domaine  du dilemme,  de la recherche  du moindre mal,  où les principes de la liberté ne peuvent pas s'appliquer  directement ni certainement. 
 
Au contraire,  on ne peut connaître la politique à mener que par l'intuition politique,  à la suite d'une une analyse approfondie de ses relations causales.  Cela exige  une connaissance,  et une expérience directe des sociétés politiques en cause,  et de leurs relations,  qu'on ne peut évidemment pas acquérir si on croit pouvoir tout décider à l'avance. 
 
De même,  l'opportunité  d'une politique  dépend essentiellement des circonstances,  ne serait-ce que parce qu'elle dépend de rapports de forces  qui changent constamment. ''Prétendre en décider a priori,  c'est garantit l'échec  de la politique en question;  en quoi que celle-ci puisse consister''.
 
'''Prétendre définir a priori une politique étrangère est donc une erreur de catégorie philosophique qui à son tour garantit l'incompétence en la matière de celui qui la commet'''.
 
Une conséquence logique  du fait que l'opportunité  d'une politique doit forcément dépendre des circonstances,  que tout jugement sur celle-ci doit être le produit final d'une étude historique localisée et datée, et non  d'un raisonnement philosophique général est que ''les notions mêmes'' d'"isolationisme" ou d'"interventionnisme",  de "pacifisme" ou de "bellicisme"  ''n'ont aucun sens dans l'absolu'', c'est-à-dire  indépendamment du contexte politique  auquel le jugement d'opportunité s'applique.
 
Or c'est précisément ce que Murray Rothbard  avait prétendu faire dans ''For a New Liberty'' :  définir  a priori l'''isolationnisme '' comme "la" politique étrangère libérale. 
 
Quiconque a étudié  sérieusement une question de politique internationale n'a pu que constater que Rothbard et les rothbardiens y ''méconnaissent les faits  qui ne vont pas dans le sens de leurs conclusions préétablies''.
Ne connaissant que les États-Unis et et se croyaient dispensés de connaître les autres états,  ils n'ont pas mesuré à quel point ces derniers étaient plus criminels et menteurs encore,  avec pour conséquence qu'ils ont plus souvent qu'à leur tour  pris le parti des pires assassins contre ceux qui essayaient de les neutraliser,  et repris à leur compte les mensonges de leur propagande. 
 
Cette erreur de catégorie  s'accompagne de sophismes secondaires :
 
====La confusion sur l'''interventionnisme''====
Le sophisme le plus simple est une confusion verbale :  l'isolationnisme rothbardien prétend s'autoriser,  pour affirmer que l'"interventionnisme"  à l'étranger ne peut qu'échouer,  du fait que l'"interventionnisme" ''économique'' échoue toujours  à réaliser ses objectifs prétendus. 
 
Or,  si "interventionnisme"  économique échoue bel et bien à réaliser ses objectifs ''prétendus'',  il réalise par définition l'un au moins de ses objectifs ''réels'',  qui est de ''voler les faibles et de donner  aux puissants le butin de ce vol'' .
 
Pour ce qui est des objectifs  affichés,  si l'"interventionnisme" ''économique'' ne peut jamais qu'échouer, c'est parce qu'il prétend  ''servir la production'' alors qu'il est  par définition agressif,  et que ''la violence agressive est pure destruction''. 
Ce n'est pas le cas de l'"interventionnisme" en politique internationale, puisque :
 
:— c'est la ''victoire'', non la ''production'' qui est le critère premier de sa réussite ou de son échec,  et qu'en outre
 
:— cette violence peut parfaitement servir la production,  dans la mesure où elle s'en prend à des criminels, ce que sont par définition les hommes de l'état étrangers.


==L'historien de la société==
==L'historien de la société==
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Il a commencé  sa carirère  avec ''Conceived in Liberty'',  histoire des Etats-Unis  avant la Déclaration d'indépendance.
Il a commencé  sa carirère  avec ''Conceived in Liberty'',  histoire des Etats-Unis  avant la Déclaration d'indépendance.
En 1963,  il publiait ''America's Great Depression'',  explication autrichienne de la crise de 1929  et des sottises  de la politiques américaine avant et après  que l'historien Paul Johnson devait reprendre dans son ouvrage ''Modern Times''.
En 1963,  il publiait ''America's Great Depression'',  explication autrichienne de la crise de 1929  et des sottises  de la politiques américaine avant et après  que l'historien Paul Johnson devait reprendre dans son ouvrage ''Modern Times''.
Il est un des rares auteurs qui ait disserté dans son œuvre ''Perspective autrichienne sur l'histoire de la pensée économique'' sur les écoles qui ont précédé [[Adam Smith]], telles que celles des [[scolastique]]s et des [[Physiocratie|physiocrate]]s.
Il est un des rares auteurs qui ait disserté dans son œuvre ''Perspective autrichienne sur l'histoire de la pensée économique'' sur les écoles qui ont précédé [[Adam Smith]], telles que celles des [[scolastique]]s et des [[Physiocratie|physiocrate]]s.
 
C'est ainsi que Rothbard a permis de réévaluer à leur juste mesure les travaux d'auteurs français comme [[Cantillon]] ou [[Turgot]] (cf. son [http://perso.wanadoo.fr/patrick.madrolle/economie/_turgot1.htm "Eclat de Turgot"]).
 
A contrario, les thèses de Smith constituaient, d'après lui, une régression dans la compréhension de l'économie, Rothbard allant jusqu'à parler d'une "dégringolade gigantesque et calamiteuse par rapport aux sommets atteints par la tradition continentale" (cf. [http://www.demlib.com/dossiers/liberal/1987.pdf "Adam Smith en examen"]).


==Le politicien manqué==
==Le politicien manqué==

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Rothbard.jpg

Murray Newton Rothbard (2 mars 1926 - 7 janvier 1995), fut un économiste américain, théoricien de l'Ecole autrichienne d'économie (élève de Ludwig von Mises), du libéralisme et de l'anarcho-capitalisme.


L'économiste du laissez-faire

En économie, Murray Rothbard a popularisé la pensée de Ludwig von Mises, dans un langage et avec des arguments plus propres à convaincre les économistes contemporains, formés à l'empirisme. Son premier essai économique fut un coup de maître : dans un recueil d'articles publiés en 1956, sous le nom de Towards Liberty il publiait un article intitulé "Toward a Reconstruction of Utility and Welfare Economics", il y réfutait dès l'origine ces rationalisations encore courantes de l'étatisme que sont les "externalités" et les "services collectifs" — aussi parfois appelés "biens publics", montrant que ces rationalisations refusent le seul critère objectivement observable de l'accroissement d'utilité — l'action volontaire — au profit de gloses arbitraires sur des préférences dont la prétendue mise en forme mathématique n'est là que pour faire oublier qu'en réalité on ne peut pas les connaître, ni les mesurer, ni les comparer : l'action, et seule l'action, permet de connaître les préférences, elle en est la preuve authentique et unique.

Le critère de la préférence démontrée comme seule preuve de l'action productive permettra à Rothbard de dépasser son maître Mises dans la compréhension du monopole. Mises admettait la possibilité d'un "monopole" sur un marché libre ; dans le chapitre 10 de Man, Economy and State, intitulé "Monopole et concurrrence", Rothbard démontre que le concept est contradictoire — et il l'est depuis ses origines grecques : toute forme d'organisation contractuelle est a priori productive (et conforme à la justice naturelle), tout acte de violence agressive fausse la concurrence (et viole la justice naturelle) et de ce fait mérite qu'on l'appelle "privilège de monopole".

C'est ainsi que Murray Rothbard établit le caractère productif de tout acte pacifique, et l'impossibilité de prétendre scientifiquement qu'un acte qui viole le consentement d'un propriétaire ajouterait à une quelconque "production totale". Ce qui lui pemet de conclure que le laissez-faire capitaliste réalise la production maximum, et que quiconque affirme que l'intervention de l'état pourrait accroître cette production est ipso facto un charlatan.

À l'imitation de L'Action humaine de von Mises, Rothbard entendait mettre en avant un système complet d'économie politique. D'où les deux tomes de Man, Economy and State, complétés par Power and Market, développement des effets destructeurs de l'intervention étatique déjà évoqués à la fin du premier Traité. Rothbard y fait un large usage du raisonnement à l'équilibre, mais dans les conditions énoncées par Mises. Il y développe aussi la théorie autrichienne de la conjoncture, et le caractère nécessaire du revenu d'intérêt.

L'épistémologue réaliste

Rothbard a aussi établi la "Loi de Rothbard", loi empirique comme quoi c'est dans le domaine où ils sont les plus mauvais que les gens se croient les meilleurs, et s'est employé à l'illustrer lui-même : disciple du plus grand économiste monétaire du XXe siècle, Ludwig von Mises, il a réussi à ne pas comprendre les conditions de l'ajustement monétaire et à prôner l'étalon-or avec 100% de réserves, ce qui est aussi incompatible avec la liberté des contrats qu'implique sa philosophie politique qu'avec toute compréhension de ce qu'est un instrument financier.

Si Rothbard était capable de remettre en cause les plus anciens concepts, et de reconnaître pour vrais des faits généraux de l'action humaine qu'on ne peut pas imaginer autres qu'ills ne sont, c'est parce que Rothbard ne cherchait pas à "vérifier" expérimentalement les propositions de type 2 + 2 = 4. Il tenait pour définitivement établi tout axiome, c'est-à-dire toute proposition dont on est obligé de se servir au cours de toute tentative pour la réfuter. C'est dire qu'il n'était pas empiriste ni positiviste.

Ce parti pris permet aux économistes autrichiens de se libérer des analyses et des concepts qui dépendent de la possibilité d'obtenir des statistiques dans les domaines qui relèvent de la seule logique. Par exemple dans celui de l'incertitude, ou dans celui de l'information, tout comme celui du monopole. Pour illustrer les progrès possibles en appliquant cette méthode appropriée à son objet , on peut rappeler que, s'il a fallu 70 ans à Hayek pour comprendre que la "justice sociale" n'a pas de sens comme concept normatif, c'est parce qu'il faut commencer par se poser la question.

Cependant, à la différence de Mises, Rothbard fondait le raisonnement logique non sur une conception kantienne de l'apriori mais sur une théorie aristotélicienne des concepts, qu'on pourrait rattacher à l'objectivisme de Ayn Rand, Nathaniel Branden et Leonard Peikoff. Ainsi, c'est dans la tradition même d'Aristote qu'il l'avait réfuté sur le monopole, comme Böhm-Bawerk en 1881 sur le revenu d'intérêt.

Le philosophe politique

Il restait à démontrer que le laissez-faire capitaliste est conforme à la justice : c'est ce qu'il fait dans L'Éthique de la Liberté. Il y montre que la seule définition cohérente de la justice est la propriété naturelle, la libre disposition reconnue comme juste de toute possession qu'on n'a pas volée, c'est-à-dire prise à un autre sans son consentement. L'Éthique de la liberté décline les conséquences de cette définition, reprenant de nombreuses solutions de la tradition juridique et en contestant d'autres.

L'application des principes libéraux se heurte évidemment aux dilemmes qu'engendre l'emploi de la force pour protéger le Droit, dans la mesure où, sans l'avoir voulu, cet emploi de la force implique le risque de faire du tort à des innocents. Murray Rothbard n'en tirait pas des conclusions pacifistes ni non-violentes. Dans L'Éthique de la liberté, il a cherché à définir, de façon forcément contestable, les cas où cet emploi de la force reste justifié. Rothbard condamnait les guerres du XXe siècle avec leur proportion croissante de civils massacrés, interprétant à sa manière leur déroulement ainsi que ce qu'il pouvait comprendre de la politique internationale. Ses successeurs ont  "résolu" une bonne partie des cas de conscience posés aux décideurs politiques en réécrivant l'histoire ou en faisant comme s'ils n'existaient pas. À ce titre, ils méritent le titre d'historiens révisionnistes, certains d'entre eux dans tous les sens du terme.

S'opposant à l'ordre moral imposé par les hommes de l'État et dénonçant les subventions et privilèges de monopole que les hommes de l'état attribuent aux grandes entreprises, Murray Rothbard aurait pu passer pour « de gauche » sur l’échelle idéologique contemporaine. En fait, par son réalisme épistémologique et éthique, il appartenait bien davantage à la droite traditionnelle, la compétence économque en plus : à l'âge de 12 ans, il demandait à sa famille communiste ou anarchiste atterrée ce qu'ils reprochaient exactement à…  Francisco Franco ! Contre ce qui fait aujourd'hui l'essence de la gauche, il a toujours condamné au nom de l'objectivité du Bien les vices mêmes qu'il reprochait aux hommes de l'état de prétendre interdire en violation du Droit, et dénonçait plus que tout les mises en cause du Droit de propriété qu'inspirent le relativisme et le socialisme contemporains. Son anarchisme était un anarcho-capitalisme, et dénonçait en priorité l’intrusion des hommes de l'état dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au moyen de contrôles, réglementations, subventions et interdictions.

Les sophismes isolationnistes

De même qu'en théorie économique Murray Rothbard recommandait une politique monétaire incompatible aussi bien avec ses propres principes politiques qu'avec l'ajustement monétaire, en politique internationale sa pensée était marquée par des erreurs de raisonnement nés de la volonté d'appliquer le raisonnement philosophique au-delà des limites de sa validité.

L'erreur de catégorie de la politique étrangère a priori

En effet la politique internationale, comme toute politique mais plus encore que la politique nationale parce qu'elle oppose deux ou plusieurs états, par définition agressifs et violents, est le domaine du dilemme, de la recherche du moindre mal, où les principes de la liberté ne peuvent pas s'appliquer directement ni certainement.

Au contraire, on ne peut connaître la politique à mener que par l'intuition politique, à la suite d'une une analyse approfondie de ses relations causales. Cela exige une connaissance, et une expérience directe des sociétés politiques en cause, et de leurs relations, qu'on ne peut évidemment pas acquérir si on croit pouvoir tout décider à l'avance.

De même, l'opportunité d'une politique dépend essentiellement des circonstances, ne serait-ce que parce qu'elle dépend de rapports de forces qui changent constamment. Prétendre en décider a priori, c'est garantit l'échec de la politique en question; en quoi que celle-ci puisse consister.

Prétendre définir a priori une politique étrangère est donc une erreur de catégorie philosophique qui à son tour garantit l'incompétence en la matière de celui qui la commet.

Une conséquence logique du fait que l'opportunité d'une politique doit forcément dépendre des circonstances, que tout jugement sur celle-ci doit être le produit final d'une étude historique localisée et datée, et non d'un raisonnement philosophique général est que les notions mêmes d'"isolationisme" ou d'"interventionnisme", de "pacifisme" ou de "bellicisme" n'ont aucun sens dans l'absolu, c'est-à-dire indépendamment du contexte politique auquel le jugement d'opportunité s'applique.

Or c'est précisément ce que Murray Rothbard avait prétendu faire dans For a New Liberty : définir a priori l'isolationnisme comme "la" politique étrangère libérale.

Quiconque a étudié sérieusement une question de politique internationale n'a pu que constater que Rothbard et les rothbardiens y méconnaissent les faits qui ne vont pas dans le sens de leurs conclusions préétablies. Ne connaissant que les États-Unis et et se croyaient dispensés de connaître les autres états, ils n'ont pas mesuré à quel point ces derniers étaient plus criminels et menteurs encore, avec pour conséquence qu'ils ont plus souvent qu'à leur tour pris le parti des pires assassins contre ceux qui essayaient de les neutraliser, et repris à leur compte les mensonges de leur propagande.

Cette erreur de catégorie s'accompagne de sophismes secondaires :

La confusion sur l'interventionnisme

Le sophisme le plus simple est une confusion verbale : l'isolationnisme rothbardien prétend s'autoriser, pour affirmer que l'"interventionnisme" à l'étranger ne peut qu'échouer, du fait que l'"interventionnisme" économique échoue toujours à réaliser ses objectifs prétendus.

Or, si "interventionnisme" économique échoue bel et bien à réaliser ses objectifs prétendus, il réalise par définition l'un au moins de ses objectifs réels, qui est de voler les faibles et de donner aux puissants le butin de ce vol .

Pour ce qui est des objectifs affichés, si l'"interventionnisme" économique ne peut jamais qu'échouer, c'est parce qu'il prétend  servir la production alors qu'il est  par définition agressif,  et que la violence agressive est pure destruction.  Ce n'est pas le cas de l'"interventionnisme" en politique internationale, puisque :

— c'est la victoire, non la production qui est le critère premier de sa réussite ou de son échec,  et qu'en outre
— cette violence peut parfaitement servir la production,  dans la mesure où elle s'en prend à des criminels, ce que sont par définition les hommes de l'état étrangers.

L'historien de la société

Outre ses œuvres dans les domaines de l'économie et de la politique, Rothbard s'est également intéressé à l'histoire économique. Il a commencé sa carirère avec Conceived in Liberty, histoire des Etats-Unis avant la Déclaration d'indépendance. En 1963, il publiait America's Great Depression, explication autrichienne de la crise de 1929 et des sottises de la politiques américaine avant et après que l'historien Paul Johnson devait reprendre dans son ouvrage Modern Times. Il est un des rares auteurs qui ait disserté dans son œuvre Perspective autrichienne sur l'histoire de la pensée économique sur les écoles qui ont précédé Adam Smith, telles que celles des scolastiques et des physiocrates.

Le politicien manqué

L'action partisane de Murray Rothbard ne traduit pas une intuition de l'opportunité politique aussi sûre que la plupart de ses démonstrations de philosophie et d'économie politiques. Elle a au contraire traduit les difficultés du philosophe qui voudrait bien appliquer directement ses principes de justice face à une société politique complexe et changeante, et dont la plupart des acteurs cherchent justement à les violer, ces règles de justice.

Incompétent en politique intérieure

Ainsi, Murray Rothbard n'a pas réussi à donner une importance réelle au Libertarian Party américain qu'il avait contribué à fonder. Chercheant à peser sur la politique sans transiger sur ses principes, il s'est retrouvé à prendre des positions politiques qui n'étaient pas seulement fluctuantes mais le mettaient en porte-à-faux vis-à-vis des "camps" susceptibles de prendre le pouvoir.

Pendant la guerre du Vietnam, on l'a vu s'acoquiner avec la gauche communiste et défaitiste qui a provoqué en 1975 la chute du Sud-Viêtnam avec les 3 millions d'assassinats qui en ont résulté. Après que Reagan, qu'il traitait d'"idiot", avait gagné la Guerre froide, son dégoût des candidats réellement éligibles aux postes de pouvoir l'a conduit à faire gagner la gauche en 1992 en soutenant ce candidat de diversion qu'était Ross Perot, puis donner son appui au socialiste de droite (protectionniste) Patrick Buchanan.

À la fin de sa vie, il passait moins de temps à dénoncer les pires ennemis de la liberté que ses alliés potentiels dans l'arène politique, parce que ceux-ci font une analyse réaliste de la situation politique et admettent que pour y exercer une influence il faut afficher une position claire et compatible avec l'appartenance à un camp.

Nuisible en politique étrangère

Ses positions en politique étrangère traduisaient en outre ses erreurs philosophiques en la matière. Murray Rothbard, qui ne lisait aucune langue étrangère et qui avait peur de prendre l'avion, aurait pu s'y reconnaître incompétent. Au lieu de cela, élevé dans la tradition isolationniste du Sénateur Taft, et croyant pouvoir y appliquer directement ses principes, il prétendait définir a priori une politique étrangère libertarienne comme "non interventionniste".

Fort de cette erreur de catégorie, connaissant mieux que quiconque les turpitudes de son propre état et incapable de mesurer celles des autres, il n'a cessé de dénoncer la politique étrangère des seuls États-Unis, exaltant à l'occasion les pires tyrannies et répétant leurs mensonges de propagande.

Certains de ses successeurs le suivent encore sur cette voie, le génie en moins. Sans influence aucune, ils cherchent parfois à se donner de l'importance par des déclarations scandaleuses au profit de quelque génocideur ennemi de leur pays, en espérant que les commentateurs qui comptent à droite leur feront l'aumône d'une dénonciation.

Oeuvres