Joseph Staline/Discours au Politburo, 19 août 1939

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Discours de Staline au Politburo, 19 août 1939

Discours de I. V. Staline au Plenum du Politburo du Comité Central du Parti Communiste Panrusse Bolchevique le 19 août 1939.[1]Texte découvert par T. S. Bouchtchevoï dans les archives spéciales de l’URSS (Centre de dépôt de la Collection historico-documentaire des anciennes archives spéciales de l’URSS, F7, op 1, d. 1223) (version allemande traduite par François Guillaumat).

La question de la guerre ou de la paix entre dans une phase qui pour nous est critique. Si nous concluons le traité d’assistance mutuelle avec la France et la Grande-Bretagne, l’Allemagne renoncera à la Pologne et recherchera un modus vivendi avec les puissances occidentales. La guerre sera écartée, mais par la suite les événements pourront prendre un caractère dangereux pour l’URSS. Si nous acceptons l’offre de l’Allemagne pour la conclusion d’un pacte de non-agression, elle attaquera naturellement la Pologne et l’entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans cette guerre deviendra inévitable. L’Europe de l’Ouest sera prise dans des troubles et des désordres sérieux. Dans ces conditions, nous aurons de grandes chances de rester en dehors du conflit, et nous pouvons espérer une entrée en guerre favorable pour nous.

L’expérience des 20 dernières années montre qu’en temps de paix le mouvement communiste en Europe n’a aucune chance d’être assez fort pour prendre le pouvoir. La dictature d’un parti communiste ne peut être envisageable que comme résultat d’une grande guerre. Nous allons prendre notre décision et celle-ci est sans équivoque. Nous devons accepter la proposition allemande et renvoyer poliment la mission franco-anglaise. Le premier avantage que nous nous assurerons sera la prise de la Pologne jusqu’aux portes de Varsovie, y compris la Galicie ukrainienne.

L’Allemagne nous réserve la pleine liberté d’action dans les Etats baltes et n’élève aucune objection au retour de la Bessarabie dans l’URSS. Ils (les Allemands) sont prêts à nous abandonner la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie à titre de sphère d’influence. Demeure ouverte la question yougoslave... En même temps nous devons prendre en considération les conséquences aussi bien d’une défaite que d’une victoire de l’Allemagne. En cas de défaite de l’Allemagne s’ensuivra inéluctablement la soviétisation de l’Allemagne et la création d’un gouvernement communiste. Nous ne devons pas oublier non plus qu’une Allemagne soviétisée sera en grand danger, au cas où cette soviétisation se présenterait comme la conséquence d’une défaite-éclair. L’Angleterre et la France disposeraient encore de forces suffisantes pour s’emparer de Berlin et empêcher une Allemagne soviétique, et nous ne serions pas en mesure de venir en aide à nos camarades de Berlin.

Ainsi, notre tâche consiste à faire en sorte que l’Allemagne mène une guerre la plus longue possible, de sorte que l’Angleterre et la France soient à tel point épuisées qu’elles ne soient plus à même de représenter une menace pour une Allemagne soviétique. Pendant que nous conserverons une position de neutralité en attendant notre heure, l’URSS accordera à l’Allemagne actuelle une aide qui lui fournira matières premières et ravitaillement. Mais il va de soi que notre aide dans ce sens ne doit pas dépasser un ordre de grandeur tel qu’il puisse entamer notre propre économie ou affaiblir la capacité offensive de notre armée.

En même temps, nous devons mener une propagande communiste active, en particulier dans le bloc franco-anglais et avant tout en France. Nous devons être préparés à ce que, dans ces pays, le Parti soit contraint d’abandonner ses activités légales et de passer dans la clandestinité. Nous sommes bien conscients du fait que ce travail exigera beaucoup de victimes, mais nos camarades français n’auront aucune hésitation. Feront partie de ces tâches la décomposition et la démoralisation de l’Armée et de la défense. Lorsque cette activité préparatoire aura été menée à bien comme il se doit, la sécurité de l’Allemagne soviétique sera assurée, et cela sera à son tour favorable à une soviétisation de la France.

Pour la réalisation de ces plans, il est indispensable de prolonger la guerre le plus longtemps possible, et c’est dans ce sens précis que l’on doit orienter toutes les forces avec lesquelles nous agirons en Europe occidentale et dans les Balkans.

Considérons maintenant une deuxième hypothèse, à savoir une victoire de l’Allemagne. Certains ont présenté le point de vue selon lequel cette éventualité nous mettrait en grand danger. Il y a un petit quantum de vérité dans cette affirmation, mais ce serait une erreur de croire que ce danger doive être si proche et si grand que certains se le représentent. Si l’Allemagne l’emporte, elle sortira de la guerre trop affaiblie pour s’engager dans un conflit militaire qui durerait au moins dix ans.

Le souci principal de l’Allemagne sera de surveiller les Etats vaincus de l’Angleterre et de la France. D’un autre côté, une Allemagne victorieuse s’emparera de territoire immenses et sera de ce fait occupée pendant des années à leur « mise en valeur » et à l’installation de l’ordre allemand. Il est évident que l’Allemagne sera trop occupée ailleurs pour se retourner contre nous. Il y a encore autre chose qui sert notre sécurité. Dans la France vaincue, le PCF sera très puissant. La révolution communiste se produira immanquablement et nous pourrons alors exploiter cette circonstance pour venir au secours de la France et en faire notre alliée. En outre, tous les peuples tombés sous la « protection » de l’Allemagne victorieuse deviendront de même nos alliés. Nous avons devant nous un large champ d’action pour développer la Révolution mondiale.

Camarades ! C’est l’intérêt de l’URSS, de la Patrie des Travailleurs, que la guerre éclate entre le Reich et le bloc capitaliste franco-anglais. On doit tout faire pour que celle-ci dure le plus longtemps possible avec pour but d’affaiblir les deux côtés. C’est pour ces raisons que nous devons en priorité approuver la conclusion du pacte proposé par l’Allemagne, et travailler pour que cette guerre, qui sera déclarée dans quelques jours, soit menée dans l’étendue de temps la plus longue possible. Il est donc nécessaire de renforcer le travail de propagande dans les pays qui y seront entrés, afin qu’ils soient prêts pour la période d’après-guerre...

  1. VKP(b) : Vsiérossiiskaïa Kommunistitcheskaïa Partiïa Bol’chevikov. La dénomination de Parti Communiste d’Union Soviétique (KPSS) date de décembre 1952.