Dignité humaine

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La « dignité humaine » est un anti-concept qui s’oppose aux droits de l’homme.

« Ainsi, une autre technique politique, la référence à la “dignité humaine” a-t-elle permis aux juges de limiter le droit des personnes à disposer d’elles-mêmes et de leur propre corps, et s’est accompagnée d’une prolifération de justifications inquiétantes des limitations des droits de l’homme au nom d’une indéfinissable “dignité” dont les juges seuls auraient l’appréciation. Le caractère très transgressif de cette notion au regard des principes et des normes fondamentales d’un État démocratique a été fort bien analysé dans les travaux du juriste Olivier Cayla – voir notamment avec Yan Thomas, L’Enfant, la Mère, la Personne, Paris, Gallimard, 2001. »
Marcela Iacub, Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, Paris, Flammarion, 2002, p. 9.

La dignité humaine ou le Droit

Certes, la dignité humaine a en commun avec les droits de l’homme l’universalité de son sujet, soit la personne humaine en tant que sujet de Droit ou titulaire de la dignité.

Cependant, alors que la science du Droit relève d’une étude objective et d’une identification de droits universels, la « dignité humaine » repose sur de simples opinions subjectives plus ou moins partagées ; alors que le Droit repose sur des droits reconnaissables par toutes les personnes[1] et applicables à toutes les personnes, la dignité humaine ne propose que différentes définitions nécessairement subjectives de la dignité applicables à toutes les personnes. Le Droit, symétrique, est également applicable par toutes les personnes : n’importe qui peut empêcher un assassinat ou appréhender un assassin. Il n’est pas clair si la « dignité humaine » est pareillement censée être applicable par toutes les personnes, selon ses partisans, ou si elle est pleinement asymétrique, au sens que seuls les détenteurs (désignés comment ?) de la définition officielle peuvent la faire respecter.

Par ailleurs, l’anti-concept de « dignité humaine » se développe en parasitant une perception légitime issue du Droit : si tout le monde s’accorde pour reconnaître que le Droit inclut le droit de ne pas être torturé ou assassiné, alors il sera facile d’accepter qu’être torturé ou assassiné est également contraire à la dignité humaine. On peut aussi suggérer que jeter une personne en prison est de même contraire à la dignité humaine.

Or, cet amalgame en vient à glisser vers une définition par traits secondaires de l’injuste. Par le biais d’un sophisme de l’épouvantail inversé, la dignité humaine comme synonyme du Droit est alors oubliée, et avec elle les définitions objectives de ces violations, pour ne plus garder que l’anti-concept de dignité humaine, définissable arbitrairement. Et ne reposant dès lors non plus sur un Droit acceptable pour tous, mais uniquement sur des perceptions subjectives, quitte à violer le Droit :

  • la personne A pense qu’être pourchassé par la police, tabassé, torturé, emprisonné et exécuté est contraire à la dignité humaine ;
  • la personne B pense que manger des carottes est contraire à la dignité humaine.

La personne B estime qu’une personne – par exemple la personne A – s’adonnant à la vile activité abaissante et humiliante de consommation de produits caroténés ne saurait être « pleinement et complètement » digne. Pour empêcher la personne A de se détruire ainsi par cette existence immorale et indigne, tous les moyens deviennent alors légitimes pour la personne B... y compris ceux auxquels la personne A s’oppose explicitement, qui impliquent une violence contre elle, et qui sont donc ipso facto contraires à sa dignité humaine selon son propre jugement à elle.

Autres critiques

Exemples

« Par conséquent, toute pratique tendant à commercialiser les organes humains ou à les considérer comme des biens pouvant faire l’objet d’échanges ou de commerce doit être considérée comme moralement inacceptable, car utiliser le corps comme un “objet” signifie violer la dignité de la personne humaine. »
Discours du pape Jean-Paul II au 18e Congrès international sur la transplantation d’organes, 29 août 2000 [2].

Le pape Paul VI a utilisé la « dignité humaine » pour défendre le droit à la liberté religieuse.

La liberté religieuse est bien inattaquable en tant que droit négatif, restreint uniquement par les autres droits négatifs dans le cadre du Droit : « Le texte [de Paul VI] enseigne la liberté des actions externes individuelles en matière religieuse, au sens où chaque homme a le droit de ne pas être empêché par les autorités civiles d’exercer, au for externe de la vie en société, les actes religieux qu’il se sent en conscience tenu d’accomplir, pour autant que ces actes ne troublent pas l’ordre public. » [3]

En revanche, défendue par l’anti-concept de « dignité humaine » elle peut être attaquée au nom de ce même anti-concept :

« Mais il reste toujours nécessaire et légitime que l’autorité intervienne pour empêcher l’expression publique de l’erreur et du mal, afin de préserver la dignité complète de l’homme. » FSSPX [4]

Autrement dit, « l’autorité » définit ou interprète à sa discrétion en quoi consiste « la dignité complète de l’homme », et décide à sa discrétion des moyens violents qu’elle peut exercer pour la « préserver ».

  • La dignité humaine comme pseudo-argument contre la libre disposition de son corps dans le cadre de la prostitution :
Attac, Mondialisation de la prostitution : une atteinte à la dignité humaine

Voir aussi