Protectionnisme
Le protectionnisme consiste dans le fait d'empêcher, par la force, Paul de faire du commerce avec Jean sous prétexte que Paul habite un certain pays et Jean autre pays, et que si Paul est empêché de commercer avec Jean, avec lequel il souhaite commercer, peut-être commercera-t-il avec Henry, avec lequel il ne souhaite pas commercer et dont le seul mérite est d'être du même pays que lui.
Le protectionnisme, qui est donc indissociable d'un certain pseudo-nationalisme, viole les droits individuels et encourage l'inefficacité économique. Fondé sur la distinction entre les résidents du pays et les salzétrangers, il engendre un conflit d'intérêt entre les "gentils nationaux" en volant les uns au profit supposé des autres, et en les forçant en outre à payer des douaniers pour leur imposer ce vol par la violence.
L'argument de l'« intérêt national »
Le protectionnisme serait censé être dans l'intérêt « du pays » car il permettrait de préserver des emplois « nationaux » et l'économie « nationale ». Or, en réalité, le protectionnisme appauvrit l'ensemble du pays, en le forçant à travailler davantage pour obtenir les mêmes produits.
Les avantages supposés qu'il distribue à certains producteurs sont pris aux acheteurs et par leur truchement à leurs autres fournisseurs ; il ne favorise que certains producteurs, et ne profite qu'exceptionnellement à ceux qui croient en profiter. Il entretient par la force des emplois dans des domaines d'activité non rentables, et donc réduit la production par rapport à ce qu'elle pourrait être. Si l'on croit protéger voire développer l'emploi en entretenant artificiellement ceux qui sont les moins productifs, pourquoi ne pas revenir à la productivité du Moyen-Âge, où les 9 / 10 de la population travaillait la terre, avec la pauvreté qui l'accompagnait ? Pour saisir toute l'absurdité de cet argument, lire la Pétition des fabricants de chandelles par Frédéric Bastiat.
L'argument de l'autarcie
Certains pourraient rétorquer que malgré son coût énorme, le protectionnisme agricole est indispensable pour assurer l'autarcie alimentaire du pays en cas de guerre.
Or, c'est un argument de "biens publics" qui ne vaut pas plus cher que n'importe quel autre c'est-à-dire rien du tout. Le risque d'approvisionnement, comme tout risque, est individuel, et il n'y a aucune raison de ne pas reconnaître ce fait.
En la matière, l'intervention de l'Etat ne fait que substituer une forme d'assurance imposée, donc forcément inadaptée et plus généralement associée à des interdictions de produire et d'échanger, à celle que les gens auraient organisée pour eux-mêmes. L'utopie de l'autarcie est une variante de l'utopie de sécurité sociale, et elle se dissout à l'examen rationnel par les experts de l'analyse du risque et de leur couverture.
Pour l'essentiel, l'effet des entraves à l'approvisionnement sur un marché libre est de renchérir temporairement les produits : la pénurie ne peut apparaître que si, en plus, les hommes de l'état imposent des prix maximum ou pire, un rationnement.
Et la violence des hommes de l'état sous prétexte de faire face au risque d'approvisionnement ne fait que surajouter ses effets destructeurs propres aux éventuelles entraves qui naîtraient de la violence des autres états : elle ne fait que provoquer un renchérissement permanent et sans commune mesure qui, en privant artificiellement ses victimes d'une partie de leurs richesses, les prive aussi de moyens pour faire face à l'éventuel renchérissement temporaire en cas de difficultés d'approvisionnement. Et de ce renchérissement permanent les pauvres sont les premières victimes. C'est donc la politique de Gribouille qui se jetait à l'eau pour éviter d'être mouillé par la pluie.
Si on énumère les moyens privés de faire face aux difficultés d'approvisionnement : constitution de réserves associée à la spéculation, conversion des moyens de production en cas de hausse des prix, on peut facilement s'apercevoir que l'ingérence étatique est purement nuisible.
Lorsque les hommes de l'état prétendent assurer une fonction de prévoyance, ils spéculent sur l'évolution à venir des prix des matières premières ; mais quelle différence avec les autres spéculateurs qui opèrent sur le marché en question ? C'est qu'ils sont irresponsables, qu'ils peuvent forcer les autres à payer pour leurs erreurs avec pour conséquence que les pertes qu'ils causent, fort loin de les priver des moyens de se tromper à l'avenir, pourrait fort bien leur fournir de nouveaux prétextes pour ce faire --ayant provoqué des catastrophes dont l'illusion fiscale masque les véritables coupables, ils peuvent même se poser en sauveurs, ce qu'on voit sans arrêt dans tous les domaines.
L'ingérence des hommes de l'état pour faire face aux difficultés d'approvisionnement a donc pour effet non seulement d'instituer en permanence les inconvénients contre lesquels ils prétendent nous protéger – une hausse relative des prix – mais d'imposer une procédure de décision perverse qui surajoute l'incertitude dont leur arbitraire est la cause à celle qui naît des errances de la politique internationale.
Bien entendu, aux sophismes de la "gestion collective du risque" le protectionnisme agricole surajoute le sophisme consistant à faire de l'alimentation un cas à part, comme si le risque y associé y était un risque de pénurie absolue, ce qui n'a aucun sens pour un pays assez grand pour être indépendant, comme s'il n'existait pas de possibilité de réaffecter les facteurs de production en cas de changement de prix, et comme si l'agriculture elle-même n'était pas elle-même dépendante d'approvisionnements --et de débouchés-- dont le protectionnisme agricole ne peut évidemment rien faire pour les rendre plus sûrs.