État digne de ce nom
L’anti-concept de l’État digne de ce nom (« proper State » ou « proper government » en anglais) est un triple sophisme employé par Rand et ses disciples randroïdes afin de faire oublier leur manque cruel de théorie de l’État – de théorie expliquant ce qu’est un État, comment il émerge historiquement, ce qui détermine son territoire[1], comment sont sélectionnés ses dirigeants (Arrow), ce qui détermine le comportement de ses agents (Théorie des choix publics), et comment mettre des limites à ce dernier (illusion constitutionnaliste).
- The only proper purpose of a government is to protect man’s rights, which means: to protect him from physical violence. A proper government is only a policeman, acting as an agent of man’s self-defense, and, as such, may resort to force only against those who start the use of force. The only proper functions of a government are: the police, to protect you from criminals; the army, to protect you from foreign invaders; and the courts, to protect your property and contracts from breach or fraud by others, to settle disputes by rational rules, according to objective law.
- A properly functioning government, one whose purpose is to protect individual rights against attack
- Peter Schwartz, « Libertarianism: The Perversion of Liberty » in The Voice of Reason: Essays in Objectivist Thought, 1988.
Triple sophisme :
- sophisme du chat-qui-aboie : vouloir un État, mais respectueux des droits individuels (ce qui ne correspond ni à la définition commune de l’État, ni à aucun État n’ayant jamais existé ou existant) ;
- sophisme du No true Scotsman : prétendre que tout autre État ne serait pas un vrai État, pas un État digne de ce nom[3][4] (combiné au sophisme précédent : prétendre que tout chat qui n’aboierait pas, ne serait pas un vrai chat) ;
- sophisme de l’épouvantail inversé : traiter les États existants comme s’ils correspondaient à la définition donnée – alors qu’ils n’y correspondent pas, et ne peuvent pas y correspondre (autrement dit : exiger un chat-qui-aboie, proclamer que tout chat qui n’aboierait pas ne serait pas un chat, puis accepter tout de même un chat existant, faire comme s’il aboyait à toutes fins pratiques, et se scandaliser que d’infâmes anarchistes osent lui préférer un chien lorsqu’il est question d’aboyer).
Ainsi,
- But a government that initiates the employment of force against men who had forced no one, the employment of armed compulsion against disarmed victims, is a nightmare infernal machine designed to annihilate morality: such a government reverses its only moral purpose and switches from the role of protector to the role of man’s deadliest enemy, from the role of policeman to the role of a criminal vested with the right to the wielding of violence against victims deprived of the right of self-defense.
Nous pouvons dès lors poser plusieurs questions très simples : est-ce que oui ou non le gouvernement des États-Unis (ne serait-ce que de par l’anticonstitutionnelle et contraire au Droit guerre à la drogue) « initiates the employment of force against men who had forced no one » ? À l’évidence oui. Et est-ce que dès lors Rand et ses disciples se comportent ou se comportaient vis-à-vis de cet État conformément au fait qu’il s’agit d’une « nightmare infernal machine designed to annihilate morality » ? Certainement pas : Rand votait pour divers candidats à la présidence de cette « nightmare infernal machine » (qui n’avaient eux-mêmes nulle intention de changer la nature de cette « nightmare infernal machine »), exprimait un avis sur le sexe approprié du président (de cette « nightmare infernal machine », donc), contestait la légitimité de la désertion (des militaires conscrits par la « nightmare infernal machine », et forcés à tuer selon les ordres de ses dirigeants) etc. (voir aussi [6] 3.2.2).
- Mais par quelle magie attend-on d’un monopole violent qu’il fasse soudain le contraire de ce qui constitue tout à la fois son principe de base, la condition de sa survie, et l’intérêt de ses agents ?
- if you wish to know how libertarians regard the State and any of its acts, simply think of the State as a criminal band, and all of the libertarian attitudes will logically fall into place
En fin de compte, le sophisme de « l’État digne de ce nom » se rapproche ainsi de celui du bon chasseur :
- « un mauvais État c’est un État qui viole le Droit »;
- « un bon État, ben c’est un État, bon, ok, il viole aussi le Droit, mais c’est un bon État, quoi ».
Ayn Rand anarchiste ?
Ayn Rand rejettait l’anarchisme avec virulence... Cependant, dès lors que tous les États existants ou ayant existé un jour correspondent à sa définition d’une « nightmare infernal machine », et non à celle d’un « État digne de ce nom », si elle avait eu un minimum de cohérence, son attitude envers les États réels aurait dû être exactement la même que celle des libéraux.