Maurice Allais

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Commentaire introductif au texte de François Guillaumat qui suit, rédigé à l'origine au milieu des années 2000 : Le pseudo-libéral Maurice Allais est, parmi d'autres mais lui essentiellement, le personnage qui a rendu depuis le début des années 1990 les droites conservatrice, souverainiste et nationaliste françaises encore plus aveugles – ou stupides, selon le point de vue – qu'elles ne l'étaient auparavant, c'est-à-dire encore plus étatistes et socialistes (et accessoirement anti-américaines) [autre personnage éminemment nuisible à cet égard, Pierre-Marie Gallois (1911-2010) alias « le général Gallois »].


Maurice Allais (1910-2010) a provoqué une catastrophe politique en convertissant les milieux pseudo-conservateurs et pseudo-nationalistes au socialisme, sous celui de ses aspects qui est le plus propre à les duper, à savoir la violation des Droits existants pour empêcher le changement social..

Ils étaient déjà auparavant, par définition du pseudo-conservatisme et du pseudo-nationalisme, tentés par le monopolisme protectionniste, mais on pouvait les intimider en leur rappelant qu'ils ignorent tout de la science économique. Or, à partir du moment où "Leûûû Prix Nobel" (comme s'il n'en avait pas une cinquantaine d'autres) s'est mis à cautionner leurs divagations d'analphabètes, il n'a plus été possible de leur faire entendre raison.

Il s'en est ensuivi que la droite nationale, sans qu'elle soit forcément capable de le reconnaître pour tel, tient désormais un discours aussi socialiste que celui des autres partis, ce qui non seulement brise effectivement la résistance au socialisme qui caractérisait l'électorat de droite jusqu'au début des années 1990, mais libère à cet égard les traîtres qui dirigent la fausse droite de toute contrainte vis-à-vis de leurs électeurs.

J'ai appelé Maurice Allais "le demi-fou matérialiste" non pas pour l'insulter — il se trompait de bonne foi, il ne mérite pas cela — mais pour expliquer ses erreurs.

Le matérialisme méthodologique explique ses erreurs de raisonnement

S'il ne s'est pas rendu compte que les théories du libre-échange sont aussi vraies que deux et deux font quatre, c'est parce qu'il n'a jamais été qu'un ingénieur, qui n'avait jamais subi le moindre apprentissage spécifique de la science économique.
Il s'est d'ailleurs toujours présenté comme "autodidacte" en la matière, quoique, comme le dit Frédéric Sautet, il n'apparaisse vraiment pas comme "didacte" à l'économiste correctement formé, et qu'on puisse lui reprocher de n'être pas "auto" non plus, vu que l'insurmontable prégnance de ses préjugés scientistes, il la doit aux études qu'il a faites.

L'aveuglement principal que lui vaut ce défaut de sa formation est en effet son matérialisme méthodologique : incapable de tirer les conséquences formelles du fait que c'est la pensée de l'homme qui inspire son action, il n'envisage pas un seul instant d'étudier celle-ci autrement que par la méthode expérimentale, alors que celle-ci , par construction, doit présupposer que les objets de son étude ne créent aucune information et n'engendrent aucune nouveauté :
de sorte qu'en l'espèce, il entend appliquer ladite méthode à une question dont même un pseudo-expérimentaliste aussi convaincu que Milton Friedman a expressément reconnu qu'elle n'en relève pas.

Méconnaissance du statut scientifique des théories du libre-échange

D'où sa prétention absurde à "réfuter statistiquement" les théories du libre-échange, dont on ne répétera jamais assez que, correctement énoncées, elles sont aussi vraies que deux et deux font quatre ; et si aussi vraies que deux et deux font quatre, c'est parce qu'elles sont une simple déduction du fait que deux et deux font quatre : ce sont des démonstrations algébriques élémentaires du fait que le protectionnisme s'imagine que ça ferait moins quatre, étant donné qu'il prend un gain pour une perte et une perte pour un gain (Frédéric Bastiat).

Plus précisément, ce préjugé pseudo-expérimentaliste conduit spontanément les ingénieurs à considérer comme "plus scientifique", parce que "plus réaliste" et plus "vérifiable par l'expérience", un examen théorique du libre-échange qui mélangerait des considérations d'incertitude à l'examen comparatif des institutions.
Et cette première erreur a donné à Maurice Allais deux occasions supplémentaires de se tromper :

— la première occasion tient à ce que la question du libre-échange est de nature purement institutionnelle, catégoriquement distincte de celle de l'incertitude, qui ne lui est pas spécifiquement liée et en fait n'a rien à voir avec elle.
C'est pour cela — parce qu'ils comprennent la nature du problème et non pour le "simplifier", que les théoriciens correctement formés raisonnent en "statique comparative" sur le libre-échange, et que leurs conclusions en la matière ne sont pas approximatives, mais absolues toutes choses égales par ailleurs.
Par ailleurs, rappelons-le, elles ne sont pas non plus "contingentes", mais universelles et certaines, ce qui réfute d'avance toute prétention à les "vérifier" statistiquement (c'est la capacité à tirer les conséquences de ce fait -- que les effets prévisibles de choix institutionnels supposés connus au départ ne doivent par définition rien à l'incertitude -- qui permet de poser l' égalité de Bitur-Camember comme une loi universelle et certaine, quoi que l'on puisse observer par ailleurs ; en fait, c'est la découverte de l'erreur de Maurice Allais en la matière qui a conduit à sa démonstration).

— La deuxième occasion de se tromper, liée à la première, tient à ce que Maurice Allais, avec ses préjugés matérialistes de physicien dépourvu de toute formation en sciences morales et de toute expérience en finance, n'a jamais su raisonner sur l'information, et par conséquent sur l'incertitude en économie.
En particulier, on ne sait s'il faut rire ou pleurer à lire les critiques des marchés financiers faites par Maurice Allais, tant ils révèlent d'incompréhension des problèmes d'information et de régulation sociale.

Il ne cesse en effet de raisonner à partir de représentations mécanistes de l'économie qui refusent de tenir les gens pour des êtres pensants et sont donc incapables de prendre en compte leurs prévisions et leurs projets, ainsi que le rôle du Droit dans la solution de leurs problèmes.
Il avait d'ailleurs refusé de signer le communiqué commun à l'issue de la première réunion de la Société du Mont-Pèlerin en avril 1947, parce que celle-ci y défendait le Droit de propriété -- à la site d'un raisonnement matérialiste dont les postulats empiriques supposés ne correspondaient à rien de réel, et qui avait conclu que le taux d'intérêt devrait être nul -- absurdité réfutée par Böhm-Bawerk à la fin du XIX° siècle.

Rappelons que le Droit de propriété n'est pas seulement une norme dont l'économiste ferait bien de reconnaître les mérites, mais une réalité sociale sans laquelle il ne peut tout simplement pas raisonner, puisque les jugements de valeur en dépendent.
L'économiste qui refuse de reconnaître les Droits de propriété ou, comme c'est le plus souvent le cas, se met à oublier qu'il l'a fait au départ de son raisonnement, dit littéralement n'importe quoi : son discours n'est plus qu'une litanie absurde, née d'un vol de concepts.
L'économiste, ou soi-disant tel, qui prône la violation du Droit de propriété soi-disant au nom de raisonnements théoriques qui doivent nécessairement reconnaître celui-ci comme condition préalable de leur existence se vautre dans la contradiction et, s'il s'obstine, dans l'absurdisme.
Et le protectionnisme viole le Droit de propriété.

Seule l'incertitude peut expliquer quelque perte que ce soit

C'est pour ces deux raisons majeures que Maurice Allais

— a faussement attribué au libre-échange des pertes éventuellement observables à la suite d'une ouverture des frontières qui ne peuvent en réalité être dues qu'à l'incertitude — en l'occurrence une incertitude politique, que l'on doit en dernière analyse au fait que les hommes de l'état… avaient auparavant interdit les échanges qui seront désormais autorisés.

L'incertitude est la seule cause possible de ces pertes, parce que si on pouvait prévoir à l'avance tous les changements, on prendrait toujours ses dispositions à l'avance de manière à n'en subir aucune. L'existence de ces pertes, comme de toute perte d'ailleurs, dépend donc exclusivement de l'ampleur des erreurs de prévision commises dans le passé.

Il faut noter que Maurice Allais, habitué comme tous les "économistes" mathématiciens à des "modèles" qui font par hypothèse abstraction de l'incertitude et où il ne peut donc pas y avoir de pertes ni de profits, aurait pu, s'il avait seulement compris ces modèles, en déduire que les unes comme les autres, lorsqu'on les observe, ne peuvent s'expliquer que par elle.

Mais comme il ne savait pas non plus raisonner en la matière, il

— a faussement prêté au protectionnisme une capacité à atténuer ces pertes, alors que ce n'est qu'un procédé de redistribution politique socialiste, qui ne peut atténuer la charge du risque pour les uns qu'en forçant les autres à le subir à leur place — et qui y surajoute les risques nés de l'arbitraire politique, ce qu'on appelle l'"incertitude institutionnelle".
Et comme n'y a pas plus de profit certain dans la redistribution politique qu'il n'y en a dans la production, ceux qui obtiennent ce privilège ont dû ou devront le payer d'une manière ou d'une autre, et porter leur part des risques supplémentaires qui naissent de cet arbitraire politique :
on ne peut donc même pas dire qu'ils en tirent un avantage net.
Il s'ensuit que pour ce qui est de réduire les pertes le protectionnisme n'est rien d'autre qu'une politique de Gribouille : comme toute intervention de l'état, le protectionnisme n'allège pas un fardeau de l'existence, il ne fait que l'aggraver en tentant de l'imposer à d'autres que ceux qui devraient le porter.

Comment un incompétent s'est retrouvé Professeur

De ce fait les raisonnements de Maurice Allais contre le libre-échange ont toujours été formellement absurdes, et donc antiscientifiques. Sa méconnaissance des conditions d'application des lois économiques l'a rendu dans la pratique aussi incompétent que s'il ne les connaissait pas, comme d'ailleurs les ignorent ceux qui le prennent au sérieux.

Il faut rappeler que Maurice Allais n'a absolument jamais reçu aucun diplôme en Science économique, ni en Science politique, ni en histoire, ni en Droit, ni dans aucune des sciences morales, qui traitent de l'esprit humain et de ses créations.
S'il s'est trouvé autorisé à enseigner la Science économique dans un établissement d'enseignement supérieur, à savoir l'École Nationale des Mines de Paris, c'est à la suite d'une exceptionnelle conjonction des incompétences. C'est un certain Raymond Fischesser, un de ses camarades, parfaitement ignorant de la science économique et donc incapable de le juger — il a fait depuis carrière dans la minéralogie, ce pourquoi l'un et l'autre avaient été formés — qui lui a obtenu ce poste.
J'ai retrouvé ce que je considère comme des aveux, même si cet honorable idiot se vante de ce qui demeure à jamais un scandale scientifique et universitaire :

J'ai le privilège d'avoir été le premier lecteur d'À la recherche d'une discipline économique. Son auteur, s'illusionnant sur ma capacité de jugement [c'est moi qui souligne], m'envoyait régulièrement (nous étions voisins !) photocopie de sa lente rédaction pour, très amicalement, susciter mes réactions. Je ne sais pas ce que j'ai pu lui apporter de valable, mais le décryptage (sur papier Ozalid) de ce texte difficile m'ancra tout au moins dans la conviction qu'il s'agissait là d'une oeuvre capitale, et dont on parlerait.
[…] Un an plus tard, la Libération survenue, on me confiait la sous-direction de l'École des mines de Paris. Mes attributions comportaient, entre autres, la direction des Études de cet honorable établissement.
Presque dans la foulée, la chaire d'économie y devint vacante. Il me parut clair comme le jour que Maurice Allais était tout désigné pour l'occuper. L'évidence n'en était pas aussi éclatante aux yeux des " intégristes " de la Maison et de certains membres du Conseil de Perfectionnement, soucieux de préserver dans sa pureté l'héritage napoléonien
[Napoléon étant un analphabète économique, il ne devait pas y avoir une seule personne compétente dans ce noble aréopage ; mais, au moins, lui disait : "la grande immoralité, c'est de faire un métier qu'on ne sait pas"].
Mais enfin, au prix de quelques palabres, tout se passa pour le mieux ; une (faible) majorité du Conseil suivit ma proposition : le jeune énergumène enseignerait l'analyse économique en cet Hôtel de Vendôme, qui, 45 ans plus tard, demeure son "point fixe ".
L'École des mines de Paris a saisi (par les cheveux !) l'occasion que d'autres, ultérieurement, et prestigieux (ne précisons pas) laisseront malencontreusement échapper : le spectre de Walras [un autre faux savant] ne hantera plus ses couloirs !
Raymond FISCHESSER, "Maurice Allais, promotion 1931", La Jaune et la Rouge, février 1989.[1]

Un Prix Nobel "politique"

Maurice Allais ne méritait d'ailleurs pas non plus son prix Nobel : il n'a jamais rien inventé de vrai en théorie économique, et sa seule invention réelle dans les sciences sociales, la "prime à la certitude", c'est à la psychologie expérimentale qu'elle appartient même si, comme tout choix humain, c'est par le raisonnement praxéologique qu'elle s'explique a posteriori.
C'est pour des raisons politiques qu'on lui a attribué le prix, parce qu'on voulait le donner à un Français peut-être parce que de loin -- de très loin, il pouvait passer pour libéral, et parce qu'Edmond Malinvaud, l'autre candidat qui, quoiqu'il ait pu s'imaginer, n'avait rien inventé non plus qui soit vrai en économie, était vraiment trop gris, trop fonctionnaire, trop conformiste -- et qu'en outre il était l'élève du premier.

Maurice Allais n'a jamais été un véritable économiste ; on n'aurait jamais dû l'autoriser à enseigner, et il n'a pas mérité son Prix Nobel. Mais au moins c'était un génie, et un génie courageux, qui avait lu les meilleurs économistes de son temps, même s'il ne les avait pas compris : Ludwig von Mises, Friedrich Hayek et même Rothbard !!!
On ne peut qu'en regretter davantage qu'il n'ait pas poursuivi ses recherches dans le domaine de la physique, où il avait été correctement formé, et où d'ailleurs il prétend tout autant avoir fait des découvertes aussi renversantes que méconnues.

L'halluciné de la récession Trichet

Cependant, je l'ai appelé "le demi-fou" : parce que pour moi il était évident que le gâtisme explique certaines de ses dernières erreurs. Non seulement on l'a vu se contredire dans ses écrits (par exemple, affirmer que l'unification monétaire européenne était impossible, puis appeler dans la foulée à un système de changes fixes au niveau mondial, ce qui est encore plus difficile — c'est hélas le genre de contradictions qui échappent au profane) mais il a "vu" littéralement le contraire de ce qui, en fait, était en train de se passer : l'effet le plus spectaculaire et le plus caractéristique de la récession Trichet de 1992-95, qu'avait causée la politique déflationniste de la Banque de France, c'était l'effondrement des importations, jamais vu auparavant en temps de paix. Or, n'est-ce pas le moment qu'a choisi Allais pour hurler à l'invasion des produits étrangers, prétendre qu'elle était la cause de la récession, et nier que la politique monétaire avait causée celle-ci ? Aussi mal formé à l'économie qu'il soit, Maurice Allais n'aurait jamais pu avoir une telle hallucination s'il avait encore eu toute sa tête.

Un nuisible exceptionnel

Et ce n'est pas parce qu'il n'aurait plus été responsable de ses actes qu'on ne doit pas mesurer le mal qu'il a fait, et continue à faire, à son propre pays - ni dire la vérité à son sujet. Malheureusement, il est bien tard.

J'ai porté ce jugement à l'époque, et je le confirme : en convertissant la droite de conviction au socialisme, aucune personnalité française, à l'exception du communiste Chirac, n'a fait plus de mal à son pays que Maurice Allais au cours des années 1990. Depuis, on a vu le Front National défendre le prétendu service public, tandis que Maurice Allais éditorialisait dans L'Humanité où se trouvait sa vraie place — Frédéric Bastiat, auteur de "Protectionnisme et communisme", n'en eût guère été surpris.

Voir aussi

Mots clés : absurdiste