Spoliation légale
La spoliation légale, expression de Frédéric Bastiat, décrit le pillage des faibles par les puissants hommes de l'état en violation de la justice naturelle qui interdit le vol et plus généralement les atteintes à la possession naturelle. La forme contemporaine la plus massive de la spoliation légale est le socialisme, dont les chimères lui servent de rationalisations.
La spoliation légale se distingue de la spoliation illégale en ce que les hommes de l'État interdisent la seconde alors qu'ils pratiquent la première.
- "Comment la reconnaître? C'est bien simple. Il faut examiner si la Loi prend aux uns ce qui leur appartient pour donner aux autres ce qui ne leur appartient pas. Il faut examiner si la Loi accomplit, au profit d'un citoyen et au détriment des autres, un acte que ce citoyen ne pourrait accomplir lui-même sans crime. Hâtez-vous d'abroger cette Loi; elle n'est pas seulement une iniquité, elle est une source féconde d'iniquités; car elle appelle les représailles, et si vous n'y prenez garde, le fait exceptionnel s'étendra, se multipliera et deviendra systématique… C'est ce qui est arrivé. La chimère du jour est d'enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres; c'est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l'organiser… précisément le Socialisme invoque la Loi. Il n'aspire pas à la spoliation extra-légale, mais à la spoliation légale. C'est de la Loi même, à l'instar des monopoleurs de toute sorte, qu'il prétend se faire un instrument; et une fois qu'il aura la Loi pour lui, comment voulez-vous tourner la Loi contre lui? .
- "… La loi pervertie! La loi — et à sa suite toutes les forces collectives de la nation, — la Loi, dis-je, non seulement détournée de son but, mais appliquée à poursuivre un but directement contraire! La Loi devenue l'instrument de toutes les cupidités, au lieu d'en être le frein! La Loi accomplissant elle-même l'iniquité qu'elle avait pour mission de punir! Certes, c'est là un fait grave, s'il existe, et sur lequel il doit m'être permis d'appeler l'attention de mes concitoyens.
- "… elle a agi contrairement à sa propre fin; elle a détruit son propre but; elle s'est appliquée à anéantir cette Justice qu'elle devait faire régner, à effacer, entre les Droits, cette limite que sa mission était de faire respecter; elle a mis la force collective au service de ceux qui veulent exploiter, sans risque et sans scrupule, la Personne, la Liberté ou la Propriété d'autrui; elle a converti la Spoliation en Droit, pour la protéger, et la légitime défense en crime, pour la punir.
- "… Il ne pouvait donc s'introduire dans la Société un plus grand changement et un plus grand malheur que celui-là: la Loi convertie en instrument de spoliation. Quelles sont les conséquences d'une telle perturbation ?
- "… La première, c'est d'effacer dans les consciences la notion du juste et de l'injuste.…Quand la Loi et la Morale sont en contradiction, le citoyen se trouve dans la cruelle alternative ou de perdre la notion de Morale ou de perdre le respect de la Loi, deux malheurs aussi grands l'un que l'autre et entre lesquels il est difficile de choisir.
- "…Un autre effet de cette déplorable perversion de la Loi, c'est de donner aux passions et aux luttes politiques, et, en général, à la politique proprement dite, une prépondérance exagérée… Oui, tant qu'il sera admis en principe que la Loi peut être détournée de sa vraie mission, qu'elle peut violer les propriétés au lieu de les garantir, chaque classe voudra faire la Loi, soit pour se défendre contre la spoliation, soit pour l'organiser aussi à son profit. La question politique sera toujours préjudicielle, dominante, absorbante; en un mot, on se battra à la porte du Palais législatif. … Est-il besoin de prouver que cette odieuse perversion de la Loi est une cause perpétuelle de haine, de discorde, pouvant aller jusqu'à la désorganisation sociale?
- (La Loi par Frédéric Bastiat)
Qu'ils commettent systématiquement les actes mêmes qu'ils interdisent aux autres comme autant de crimes et de délits montre à quel point les hommes de l'État se soucient peu de justifier leurs actes, à moins qu'elle ne traduisent la croyance dans le chapeau, qui consiste à croire que la qualification morale et la conséquence sociale des actes changerait à partir du moment où celui qui les accomplit porte un chapeau orné de la mention "homme de l'État".