Chauve

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L'exemple des "chauves" et des "chevelus" a été suggéré par Marcela Iacub pour illustrer les différences biologiques non-pertinentes pour le Droit, cf. Marcela Iacub, Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, Paris, Flammarion, 2002, pp. 366-367.

Or, si l’on prend l’ordre juridique, non pas comme un ordre symbolique mais pour ce que modestement il est, on peut arriver à des conclusions différentes de celles d’Irène Théry. Si le droit contemporain continue de sexuer les sujets, les personnes juridiques, c’est parce que l’égalité des droits entre hommes et femmes n’est pas encore absolue et parce qu’il existe une contrainte hétérosexuelle hiérarchisant les unions et les rapports sexuels (dont la preuve est le fait que le mariage et la filiation ne sont pas ouverts aux couples homosexuels).
On pourrait rétorquer à ceci qu’un droit qui n’établirait aucune distinction entre les hommes et les femmes dénierait une réalité factuelle incommensurable qui est le fait que les femmes peuvent, dans un grand nombre de cas, être enceintes et accoucher d’enfants. Le droit ne peut pas ne pas tenir compte de cette inéluctable différence et voilà les raisons pour lesquels il est indispensable qu’il différencie les hommes des femmes. On pourrait affirmer aussi que seule la conjonction de deux sexes est susceptible d’engendrer des enfants et voilà les raisons de la prééminence juridique du couple hétérosexuel par rapport au couple homosexuel.
Mais ces deux raisons ne sont au fond que deux contraintes techniques qui peuvent être signifiées selon des modalités très différentes. Pour illustrer ceci, on peut penser au célèbre exemple des chauves et des chevelus. Les chauves et les chevelus peuvent avoir des expériences très différentes, compte tenu de leur condition capillaire, sans que pour autant une distinction des droits et des obligations entre eux paraisse indispensable.
En outre, et puisqu’il s’agit des contraintes techniques, que se passerait-il si l’on réussissait à transformer les conditions de la procréation et à ce que ce soient des machines qui soient enceintes à la place des femmes ? Quelles seraient les raisons d’octroyer aux hommes et aux femmes des destins juridiques différents et de poser une quelconque hiérarchie entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ? Peut-on fonder sur une pure contrainte technique une théorie des limites intangibles des transformations du droit ?

Marcela Iacub, Le couple homosexuel, le droit et l’ordre symbolique