« Invention de l’anarcho-capitalisme » : différence entre les versions
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; si vous réduisiez l'État à n'être plus désormais | ; si vous réduisiez l'État à n'être plus désormais qu'un gendarme, un soldat ou un juge. Cependant, non !... car le communisme de la sécurité est la clef de voûte du vieux édifice de la servitude. Je ne vois d'ailleurs aucune raison pour vous accorder celui-là plutôt que les autres. De deux choses l'une, en effet : Ou le communisme vaut mieux que la liberté, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l'État ou dans la commune. Ou la liberté est préférable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organisées en commun, aussi bien la justice et la police que l'enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc. </b> | ||
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de la sécurité est la clef de voûte du vieux édifice | |||
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Revision as of 30 December 2005 à 08:34
Extraits de Les Soirées de la rue Saint-Lazare, par Gustave de Molinari, 1849, Onzième soirée. Les mises en gras sont de nous.
LE CONSERVATEUR.
Dans votre système d'absolue propriété
et de pleine liberté économique, quelle est donc la fonction
du gouvernement ?
L'ÉCONOMISTE.
La fonction du gouvernement consiste uniquement à
assurer à chacun la conservation de sa propriété.
LE SOCIALISTE.
A mon tour, j'ai une question à vous faire : Il
y a aujourd'hui, dans le monde, deux sortes de gouvernements : les uns
font remonter leur origine à un prétendu droit divin.....
LE SOCIALISTE.
Les autres sont issus de la souveraineté du peuple.
Lesquels préférez-vous ?
L'ÉCONOMISTE.
Je ne veux ni des uns ni des autres. Les premiers sont
des gouvernements de monopole, les seconds sont des gouvernements communistes.
Au nom du principe de la propriété, au nom du droit que
je possède de me pourvoir moi-même de sécurité,
ou d'en acheter à qui bon me semble, je demande des gouvernements
libres.
LE CONSERVATEUR.
Qu'est-ce à dire ?
L'ÉCONOMISTE.
C'est-à-dire, des gouvernements dont je puisse,
au gré de ma volonté individuelle, accepter ou refuser les
services.
LE CONSERVATEUR.
Parlez-vous sérieusement ?
L'ÉCONOMISTE.
Le monopole du gouvernement ne vaut pas mieux qu'un autre.
On ne gouverne pas bien, et surtout on ne gouverne pas à bon marché,
lorsqu'on n'a aucune concurrence à redouter, lorsque les gouvernements
sont privés du droit de choisir librement leurs gouvernants. Accordez
à un épicier la fourniture exclusive d'un quartier, défendez
aux habitants de ce quartier d'acheter aucune denrée chez les épiciers
voisins, ou bien encore de s'approvisionner eux-mêmes d'épiceries,
et vous verrez quelles détestables drogues l'épicier privilégié
finira par débiter et à quel prix ! Vous verrez de quelle
façon il s'engraissera aux dépens des infortunés consommateurs,
quel faste royal il étalera pour la plus grande gloire du quartier...
Eh bien ! ce qui est vrai pour les services les plus infimes ne l'est pas
moins pour les services les plus élevés. Le monopole d'un
gouvernement ne saurait valoir mieux que celui d'une boutique d'épiceries.
La production de la sécurité devient inévitablement
coûteuse et mauvaise lorsqu'elle est organisée en monopole.
C'est dans le monopole de la sécurité que réside la
principale cause des guerres qui ont, jusqu'à nos jours, désolé
l'humanité.
LE CONSERVATEUR.
Comment cela ?
L'ÉCONOMISTE.
Quelle est la tendance naturelle de tout producteur,
privilégié ou non ? C'est d'élever le chiffre de sa
clientèle afin d'accroître ses bénéfices. Or,
sous un régime de monopole, quels moyens les producteurs de sécurité
peuvent-ils employer pour augmenter leur clientèle ? Les peuples
ne comptant pas sous ce régime, les peuples formant le domaine légitime
des oints du Seigneur, nul ne peut invoquer leur volonté pour acquérir
le droit de les administrer. Les souverains sont donc obligés de
recourir aux procédés suivants pour augmenter le nombre de
leurs sujets : 1° acheter à prix d'argent des royaumes
ou des provinces ; 2° épouser des héritières apportant
en dot des souverainetés ou devant en hériter plus tard ;
3° conquérir de vive force les domaines de leurs voisins. Première
cause de guerre !
LE SOCIALISTE.
Vous préférez donc les gouvernements issus
de la souveraineté du peuple. Vous mettez les républiques
démocratiques au-dessus des monarchies et des aristocraties. A la
bonne heure !
L'ÉCONOMISTE.
Distinguons, je vous en prie. Je préfère
les gouvernements issus de la souveraineté du peuple, mais les républiques
que vous nommez démocratiques ne sont pas le moins du monde l'expression
vraie de la souveraineté du peuple. Ces gouvernements sont des monopoles
étendus, des communismes. Or, la souveraineté du peuple est
incompatible avec le monopole et le communisme.
LE SOCIALISTE.
Qu'est-ce donc à vos yeux que la souveraineté
du peuple ?
L'ÉCONOMISTE.
C'est le droit que possède tout homme de disposer
librement de sa personne et de ses biens, de se gouverner lui-même.
Si l'homme-souverain a le droit de disposer, en maître, de sa personne
et de ses biens, il a naturellement aussi le droit de les défendre.
Il possède le droit de libre défense. Mais chacun peut-il
exercer isolément ce droit ? Chacun peut-il être son gendarme
et son soldat ? Non ! pas plus que le même homme ne peut être
son laboureur, son boulanger, son tailleur, son épicier, son médecin,
son prêtre. L'homme ne demeure complètement souverain que
sous un régime de pleine liberté. Tout monopole, tout privilège
est une atteinte portée à sa souveraineté. Au
premier rang des industries organisées en commun figure celle qui
a pour objet de protéger, de défendre contre toute agression
la propriété des personnes et des choses.
Il faut tout simplement rendre libre les différentes
industries jadis constituées en monopoles, et aujourd'hui exercées
en commun. Il faut abandonner à la libre activité
des individus les industries encore exercées ou réglementées
dans l'État ou dans la commune. Alors l'homme possédant,
comme avant l'établissement des sociétés, le droit
d'appliquer librement, sans entrave ni charge aucune, ses facultés
à toute espèce de travaux, jouira de nouveau, pleinement,
de sa souveraineté.
LE SOCIALISTE.
Et l'administration de la justice donc ?
LE CONSERVATEUR.
Oui, et l'administration de la justice. Est-il possible
que ces industries, pour parler votre langage, soient exercées autrement
qu'en commun, dans la nation et dans la commune.
L'ÉCONOMISTE.
Je glisserais peut-être sur ces deux communismes-là
si vous consentiez bien franchement à m'abandonner tous les autres
- si vous réduisiez l'État à n'être plus désormais qu'un gendarme, un soldat ou un juge. Cependant, non !... car le communisme de la sécurité est la clef de voûte du vieux édifice de la servitude. Je ne vois d'ailleurs aucune raison pour vous accorder celui-là plutôt que les autres. De deux choses l'une, en effet
- Ou le communisme vaut mieux que la liberté, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l'État ou dans la commune. Ou la liberté est préférable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organisées en commun, aussi bien la justice et la police que l'enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc.
LE SOCIALISTE.
C'est logique.
LE CONSERVATEUR.
Mais est-ce possible ?
L'ÉCONOMISTE.
Je suppose qu'après avoir bien reconnu que le
communisme partiel de l'État et de la commune est décidément
mauvais, on laisse libres toutes les branches de la production, à
l'exception de la justice et de la défense publique. Pourquoi donc,
après avoir affranchi les différents emplois de la propriété,
n'affranchissez-vous pas aussi ceux qui assurent le maintien de la propriété
? Comme les autres, ces industries-là ne seront-elles pas exercées
d'une manière plus équitable et plus utile si elles sont
rendues libres ? Vous affirmez que c'est impraticable. Pourquoi. D'un côté,
n'y a-t-il pas, au sein de la société, des hommes spécialement
propres, les uns à juger les différends qui surviennent entre
les propriétaires et à apprécier les délits
commis contre la propriété, les autres à défendre
la propriété des personnes et des choses contre les agressions
de la violence et de la ruse ? Or s'il y a d'un côté des hommes
propres à pourvoir à un besoin de la société,
d'un autre côté, des hommes disposés à s'imposer
des sacrifices pour obtenir la satisfaction de ce besoin, ne suffit-il
pas de laisser faire les uns et les autres pour que la denrée
demandée, matérielle ou immatérielle, se produise,
et que le besoin soit satisfait ? Ne suis-je donc pas fondé à
dire que si une société renonçait à pourvoir
à la sécurité publique, cette industrie particulière
n'en serait pas moins exercée ? Ne suis-je pas fondé à
ajouter qu'elle le serait mieux sous le régime de la liberté
qu'elle ne pouvait l'être sous le régime de la communauté.
LE CONSERVATEUR.
De quelle manière ?
L'ÉCONOMISTE.
Cela ne regarde pas les économistes. L'économie
politique peut dire : si tel besoin existe, il sera satisfait, et
il le sera mieux sous un régime d'entière liberté
que tout autre. A cette règle, aucune exception ! mais comment s'organisera
cette industrie, quels seront ses procédés techniques, voilà
ce que l'économie politique ne saurait dire. Je prétends
donc que si une communauté déclarait renoncer, au bout d'un
certain délai, un an par exemple, à salarier des juges, des
soldats et des gendarmes, au bout de l'année cette communauté
n'en posséderait pas moins des tribunaux et des gouvernements prêts
à fonctionner ; et j'ajoute que si, sous ce nouveau régime,
chacun conservait le droit d'exercer librement ces deux industries et d'en
acheter librement les services, la sécurité serait produite
le plus économiquement et le mieux possible.
LE CONSERVATEUR.
Comment ces compagnies libres s'entendraient-elles pour
pourvoir à la sécurité générale ?
L'ÉCONOMISTE.
Elles s'entendraient comme s'entendent aujourd'hui
les gouvernements monopoleurs et communistes, parce qu'elles auraient intérêt
à s'entendre. Plus, en effet, elles se donneraient de facilités
mutuelles pour saisir les voleurs et les assassins, et plus elles diminueraient
leurs frais. Par la nature même de leur industrie, les compagnies
d'assurances sur la propriété ne pourraient dépasser
certaines circonscriptions : elles perdraient à entretenir une police
dans les endroits où elles n'auraient qu'une faible clientèle.
Dans leurs circonscriptions elles ne pourraient néanmoins opprimer
ni exploiter leurs clients, sous peine de voir surgir instantanément
des concurrences.
LE SOCIALISTE.
Et si la compagnie existante voulait empêcher les
concurrences de s'établir ?
L'ÉCONOMISTE.
En un mot, si elle portait atteinte à la propriété
de ses concurrents et à la souveraineté de tous... Oh ! alors,
tous ceux dont les monopoleurs menaceraient la propriété
et l'indépendance se lèveraient pour les châtier.
LE SOCIALISTE.
Et si toutes les compagnies s'entendaient pour se constituer
en monopoles. Si elles formaient une sainte-alliance pour s'imposer
aux nations, et si fortifiées par cette coalition, elles exploitaient
sans merci les malheureux consommateurs de sécurité, si elles
attiraient à elles par ce lourds impôts la meilleure part
des fruits du travail des peuples ?
L'ÉCONOMISTE.
Si, pour tout dire, elles recommençaient à
faire ce que les vieilles aristocraties ont fait jusqu'à nos jours...
Eh ! bien, alors, les peuples suivraient le conseil de l'étranger : Peuples, formez une Sainte-Alliance Et donnez-vous la main. Ils s'uniraient, à leur tour, et comme ils possèdent des moyens de communication que n'avaient pas leurs ancêtres, comme ils sont cent fois plus nombreux que leurs vieux dominateurs, la sainte-alliance des aristocraties serait bientôt anéantie. Nul ne serait plus tenté alors, je vous le jure, de constituer un monopole.