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La carrière de Peter Bauer doit être une inspiration pour tous ceux qui, avec leurs faibles moyens, se battent contre les orthodoxies dominantes.
La carrière de Peter Bauer doit être une inspiration pour tous ceux qui, avec leurs faibles moyens, se battent contre les orthodoxies dominantes.
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Version actuelle datée du 31 December 2005 à 07:43

Peter Bauer (1915-2002)

Par Thomas Sowell

Article publié sur le site de Townhall.com sous le titre : "Peter Bauer (1915-2002)" le 10 mai 2002. Traduit par François Guillaumat.

La mort de Peter Bauer ne peut pas passer inaperçue. Il était l'une de ces personnes envers qui nous avons une grande dette de reconnaissance, que nous en ayons conscience ou non. Il s'entêtait à parler bon sens, même à l'époque où l'insanité la plus dangereuse était au sommet de sa popularité.

Au cours des deux dernières décennies de sa carrière il était Lord Peter Bauer, grâce à Margaret Thatcher, Premier ministre britannique. Pendant la plus grande partie de sa carrière, cependant, il était le Professeur Peter Bauer de la London School of Economics. Sa spécialité était la théorie économique des pays sous-développés.

L'orthodoxie alors dominante en économie du développement était que les pays du Tiers monde étaient prisonniers d'un cercle vicieux de la pauvreté qu'on ne pourrait briser qu'à coups d'une aide massive des pays industriels plus prospères. Cette doctrine traduisait une conception plus générale de la gauche pour qui le monde se divisait en trois catégories : les salauds sans coeur, les pauvres naturellement incapables et les gens merveilleux de la gauche, qui allaient sauver les pauvres en jouant les Bonnes Fées avec l'argent des contribuables.

Peter Bauer n'avait jamais gobé une seule ligne de cette fable. Il avait trop de respect pour les gens du Tiers monde, où il avait vécu pendant des années, pour y voir des "incapables". "Avant 1886," faisait-il remarquer, "il n'y avait pas un seul plant de cacao en Afrique Occidentale Britannique. Dès les années 1930, il y avait là-bas des millions d'hectares de cacao, toutes possédées et gérées par des Africains." Il rejetait la "condescendance envers les gens ordinaires" du Tiers monde et la "stigmatisation des groupes comme incapables de s'en tirer."

D'après le Professeur Bauer et en dépit d'économistes du développement comme Gunnar Myrdal qui prétendait qu'ils avaient besoin qu'on leur impose une planification centrale d'Etat pour avancer, les gens du Tiers monde étaient tout aussi capables de répondre aux incitations d'une économie de marché que n'importe qui d'autre. L'hostilité au marché des économistes du développement et le "mépris des gens ordinaires" n'étaient pour Bauer que "les deux faces d'une même pièce de monnaie".

Si la pauvreté était un piège dont on ne pouvait pas s'échapper, déclarait Bauer, nous vivrions tous encore à l'Age de pierre, puisque tous les pays ont un jour été aussi pauvres que le sont aujourd'hui ceux du Tiers monde.

Peter Bauer tenait qu'il était arbitraire et intéressé d'appeler aide au développement les transferts internationaux d'argent aux Etats du Tiers monde. S'agissait-il d'une aide ou d'une entrave, c'était à l'expérience de l'établir. Il arrivait que cela ne soit finalement qu'un simple "transfert des pauvres des pays riches vers les riches des pays pauvres".

De même, Bauer rejetait la "surpopulation" comme cause de la pauvreté du Tiers monde, alors même qu'il s'agissait d'un des dogmes-clés de l'"économie du développement". Comme tant d'autres choses qui s'inspiraient de la vision du monde socialiste-gauchiste, les théories de la "surpopulation" étaient des rationalisations pour décider de la vie des autres.

Peter Bauer faisait remarquer que bien des pays du Tiers monde étaient beaucoup moins densément peuplés que des pays industriels prospères comme le Japon, qui avait 10 fois la densité de population de l'Afrique sub-saharienne. En outre, certains pays du Tiers monde avaient uns abondance de terres fertiles, en grande partie inutilisées, et souvent avaient en plus des ressources naturelles de valeur, ce que le Japon n'avait pas.

La recherche ultérieure de Hernando de Soto, publiée dans son ouvrage "The Mystery of Capital" a fourni encore davantage de preuves de la thèse de Peter Bauer suivant laquelle les gens du Tiers monde étaient capables de créer de la richesse, même si leurs gouvernements suivaient des politiques économiquement destructrices qui les empêchaient de progresser.

Pendant des décennies, Peter Bauer est demeuré pratiquement seul à s'opposer aux dogmes officiels des économistes du développement. En retour, ils l'écartaient comme une sorte de marginal. Cependant, avec le passage du temps et la répétition des échecs catastrophiques engendrés par les politiques et les programmes fondées sur les théories officielles, l'orthodoxie a commencé à céder du terrain pour finalement s'effondrer.

A la fin de sa vie, c'était Peter Bauer qui représentait le courant dominant — non parce qu'il aurait changé, mais parce que l'opinion s'était rapprochée de l'endroit où lui s'était toujours trouvé. C'est une note amère, pour ceux qui attribuent les prix Nobel, que Gunnar Myrdal en a reçu un et pas Peter Bauer. Et pourtant, la veille de sa mort, Lord Bauer s'était vu attribuer le Prix Milton Friedman d'un demi-million de dollars, pour son oeuvre.

La carrière de Peter Bauer doit être une inspiration pour tous ceux qui, avec leurs faibles moyens, se battent contre les orthodoxies dominantes.