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== Le revenu universel, la panacée pour sortir de l’ornière capitaliste? ==
== Le revenu universel, la panacée pour sortir de l’ornière capitaliste? ==


Claude Grimm, 24 mai 2011, ''Le Courrier'', [http://www.lecourrier.ch/le_revenu_universel_la_panacee_pour_sortir_de_l_orniere_capitaliste]
Claude Grimm, 24 mai 2011, ''Le Courrier'' [http://www.lecourrier.ch/le_revenu_universel_la_panacee_pour_sortir_de_l_orniere_capitaliste] [https://web.archive.org/web/20110526033525/http://www.lecourrier.ch/le_revenu_universel_la_panacee_pour_sortir_de_l_orniere_capitaliste]


''L’économiste comportementaliste [[Samuel Bendahan]] est convaincu que le [[revenu universel]] est une réponse réaliste aux problèmes liés à notre modèle économique.''
''L’économiste comportementaliste [[Samuel Bendahan]] est convaincu que le [[revenu universel]] est une réponse réaliste aux problèmes liés à notre modèle économique.''

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« Il est extrêmement rare de trouver des sociétés qui ne travaillent pas. Mais si les gens ne veulent pas travailler et que la société veut plus de production, elle devra l’obtenir autrement. On pourrait imaginer que l’on astreigne les gens à effectuer des tâches comme on le fait aujourd’hui avec l’armée.

Samuel Bendahan, vice-président du Parti socialiste suisse,“Le revenu universel, la panacée pour sortir de l’ornière capitaliste?”, Le Courrier, 2011

Le revenu universel, la panacée pour sortir de l’ornière capitaliste?

Claude Grimm, 24 mai 2011, Le Courrier [1] [2]

L’économiste comportementaliste Samuel Bendahan est convaincu que le revenu universel est une réponse réaliste aux problèmes liés à notre modèle économique.

Un revenu universel permettant à chacun de vivre décemment, quel que soit son statut, son âge ou sa situation, tel est le concept que Samuel Bendahan viendra présenter jeudi soir au Club 44 à La Chaux-de-Fonds1. Pour ce docteur en sciences économiques, chargé de cours à l’EPFL, il ne s’agit pas d’une utopie mais d’une solution pour régler un grand nombre de problèmes inhérents à notre modèle économique. Interview.

Lorsque vous abordez la question d’un revenu universel pour tous, quelles sont les réactions? Samuel Bendahan: La première chose qu’on se dit, c’est que c’est un rêve! On aurait tous de l’argent gratuit qui nous tomberait du ciel sans avoir besoin de rien faire. Certains disent que ça va rendre les gens paresseux. C’est vrai, pourquoi travailler si la société vous donne tout? D’autres disent que c’est trop cher. Ce sont à mon avis les premières questions qu’on se pose. Il y a bien évidemment différents modèles. Mais l’idée fondamentale est que chacun a droit à un revenu de base sans contrepartie.

Justement, on parle de revenu universel, d’allocation universelle ou de revenu de base. Quelle différence y a-t-il entre ces différentes approches? Je ne fais pas tellement de différences entre le revenu universel et l’allocation universelle ou le revenu de base, si ce n’est que le premier est censé être suffisant pour vivre, tandis que les deux autres permettent de couvrir les besoins fondamentaux... qu’il s’agit encore de définir. Mais quoi qu’il en soit, à travers ces notions, c’est un droit humain que l’on reconnaît, celui d’avoir accès à un certain revenu pour vivre. L’allocation universelle vise plutôt à remplacer les assurances sociales telles que l’AVS, l’AI, l’assurance-chômage, tandis que le revenu universel va un peu plus loin en reconnaissant que chacun a droit à un revenu par le fait simple fait d’exister. Mais ces deux logiques amènent souvent aux mêmes mesures. Leur force est d’être à la fois une réponse à des valeurs, à des problèmes économiques, et une solution à des problèmes du modèle économique actuel.

Comment envisageriez-vous l’instauration d’une allocation universelle en Suisse? Il faudrait mettre en place un modèle qui soit compatible avec le système suisse et qui permette de couvrir les besoins de base avec un petit plus, à savoir le logement, la nourriture, les coûts de formation et un peu de culture. L’allocation se monterait probablement aux alentours de 1500 – 2000 francs par personne et remplacerait les prestations sociales de base. Elle ne devrait en aucun cas péjorer les conditions des assurances sociales.

Et si les gens choisissent de ne plus travailler? Il est extrêmement rare de trouver des sociétés qui ne travaillent pas. Mais si les gens ne veulent pas travailler et que la société veut plus de production, elle devra l’obtenir autrement. On pourrait imaginer que l’on astreigne les gens à effectuer des tâches comme on le fait aujourd’hui avec l’armée. L’autre solution serait d’améliorer les conditions de travail en investissant non pour être plus productif mais pour rendre le travail plus agréable, plus facile, moins dangereux, plus attractif. Actuellement il n’est pas très intéressant pour les entreprises d’investir dans le bien-être des employés, mais le jour où elles devront attirer les travailleurs, elles n’auront pas le choix.

Pourquoi le revenu universel paraît-il si utopique? Le changement paraît radical, les résistances au changement sont énormes et l’idée d’un revenu universel est quand même très éloignée des bases économiques sur lesquelles se fonde le système capitaliste. Même si celui-ci se base sur des dogmes économiques dont on sait aujourd’hui qu’ils ne se vérifient pas dans la réalité, ils sont encore profondément ancrés dans la population. Il faut aussi rappeler qu’il y a actuellement un rapport de force politique qui ne permet pas la prise en considération d’un système jugé très à gauche, pour autant qu’on n’aboutisse pas à une diminution des conditions de travail au détriment des prestations sociales. Les personnes haut placées dans la hiérarchie n’ont pas intérêt à mettre en place un revenu universel qui devra être financé, assez logiquement, par les impôts. S’ils sont progressifs cela signifie que cette catégorie de la population sera contrainte de payer davantage. J’ai aussi souvent entendu des gens s’attaquer au spectre de l’ex-URSS, même si cela ne fait aucun sens. Le concept du revenu universel est issu d’un modèle démocratique alors que le modèle économique stalinien est tout sauf démocratique, avec une concentration de richesses encore plus forte que celle que nous connaissons aujourd’hui.

A-t-on les moyens d’instaurer un revenu universel? Contrairement aux idées préconçues, cela ne coûterait pas tellement cher. En Suisse, le produit intérieur brut est de l’ordre de 500 milliards et d’environ 70 000 fr. de production par personne. Avec seulement un tiers de cette somme, on pourrait imaginer octroyer 2000 fr. par personne, y compris aux bébés. On pourrait aussi commencer avec un revenu universel faible de 500 fr. par personne. Pour Vaud, une telle mesure coûterait environ 30 millions de francs, ce qui est peu en regard des bénéfices du canton. Par contre si on veut donner à chacun en revenu de 4000 fr., cela coûtera cher et ne laissera aucune marge pour des salaires plus élevés.

Quelle est selon vous l’échelle idéale pour mettre en place une telle mesure? L’idéal serait de mettre en place un revenu universel à grande échelle, mais c’est plus compliqué. Il faudra peut-être que certains cantons montrent l’exemple afin d’ouvrir la voie au niveau suisse. Il n’est pas non plus impossible d’imaginer un tel système à l’échelle d’une ville, même s’il faudra éviter les abus pour que le système ne devienne pas impopulaire.

D’où pourrait venir l’impulsion? Il y a deux manières d’adopter un revenu universel: soit par le haut, soit par le bas. Mais si ça vient du bas, les gouvernements seront finalement contraints de céder et il y a plus de chances pour que ça fonctionne. Le revenu universel est pour moi tout aussi utopique que l’étaient les révolutions dans le monde arabe. Il faut faire attention lorsqu’on dit qu’un tel système est loin d’être réalisable car il est tout à fait réaliste d’un point de vue économique. I


1Jeudi 26 mai à 20 h 15, au Club 44, La Chaux-de-Fonds. A Genève, le Bien-CH organise également une conférence-discussion autour de l’allocation universelle inconditionnelle. Le documentaire Le revenu de base sera projeté, puis Bernard Kundig, président du Bien, animera le débat avec le public. Samedi 4 juin à 18 h, à la Maison des associations, 15 rue des Savoises. Entrée libre.