« Vol de concept » : différence entre les versions

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Le "vol de conceptsconsiste à se servir implicitement d'une notion  au cours d'un discours  qui le nie expressément, contradiction qui réfute évidemment ce discours.
Le « vol de concepts » consiste à se servir dans un raisonnement d’une notion dont par ailleurs on a nié qu’elle corresponde à une réalité existante, contradiction pratique qui réfute évidemment le discours qui en dépendrait.


Le "vol de conceptsest une notion implicite  chez tous les philosophes réalistes  --dans la tradition d'Aristote et de saint Thomas d'Aquin,  parce  que ceux-ci connaissent l'interdépendance et la hiérarchie des concepts,  ainsi que leur dépendance  vis-à-vis de l'observation.
La notion de « vol de concepts » est aussi nécessaire que difficile à faire comprendre :


Cependant,  il a fallu attendre la réaction contemporaine des objectivistes  au subjectivisme  épistémologique, c'est-dire à l'affirmation (elle-même voleuse de concepts)  comme quoi les définitions seraient purement arbitraires et conventionnelles,  pour que,  dans le cadre de cette tradition,  on formalise le vol de concepts comme moyen de réfutation spécifique.
en effet une bonne partie des « philosophes » contemporains, ou soi-disant tels, passent leur temps à dire que les définitions seraient « purement arbitraires et conventionnelles » ;


On méconnaît forcément l'intérêt de la notion de vol de concepts à une époque  où même les  "philosophes", ou soi-disant tels,  passent leur temps  à le dire,  que les définitions seraient "purement arbitraires et conventionnelles". 
et c’est justement cette pratique, elle-même totalement voleuse de concepts, qui fait aujourd’hui du critère du « vol de concepts » un instrument majeur de la « détection philosophique » au sens de Ayn Rand, c’est-à-dire de l’identification des énoncés qui sont par définition philosophiquement faux parce qu’ils sont en eux-mêmes contradictoires.
Or,  le critère du vol de concepts est aujourd'hui  le moyen principal de la "détection philosophique", c'est-à-dire de l'identification des énoncés qui sont philosophiquement faux,  c'est-à-dire en eux-mêmes contradictoires.


Un énoncé qui implique  que les définitions seraient "purement arbitraires et conventionnelles" nie notamment,  implicitement ou explicitement,  toute possibilité de reconnaître comme concluantes les preuves philosophiques, dont la validité dépend, justement, de celles des définitions. 
En effet, un énoncé qui affirme, ou qui sous-entend, que les définitions seraient « purement arbitraires et conventionnelles » nie toute possibilité de reconnaître comme vraies les démonstrations philosophiques, dont la validité dépend, justement, de la correspondance avec le réel de la définition des mots dont ces démonstrations se servent.  
Et comme dans cette mesure  il est lui-même de nature philosophique,  il se réfute automatiquement ''ipso facto'',  ce qui permet de ne pas perdre de temps avec les auteurs qui le prennent au sérieux.  


Et comme dans cette mesure il est lui-même de nature philosophique, il se réfute automatiquement ''ipso facto'', ce qui permet de ne plus perdre de temps avec les auteurs qui le prennent au sérieux.


Exemples de vol de concepts :
Le « vol de concepts » est certes une notion implicite chez tous les philosophes réalistes — dans la tradition d’Aristote et de saint Thomas d’Aquin, parce que ceux-ci, à la différence des subjectivistes épistémologiques, connaissent et reconnaissent l’interdépendance et la hiérarchie des concepts, ainsi que leur dépendance vis-à-vis de l’observation du réel.


:- "la propriété, c'est le vol" : le concept de vol présuppose le concept de propriété légitime : on ne peut donc pas définir le "vol"  si on ne reconnaît pas qu'une "propriété légitime" peut exister.  Or,  c'est ce que fait l'énoncé en cause,  du moins dans son acception ostensible (certains pourraient le croire de la seule propriété ''foncière'',  ce qui est également faux,  mais on ne le démontre pas aussi directement). 
Cependant, il a fallu attendre la réaction contemporaine des objectivistes au subjectivisme épistémologique dominant pour que, dans le cadre de cette tradition, la notion de vol de concepts apparaisse expressément comme un puissant moyen de réfutation.
:Cet énoncé  est donc contradictoire,  et il érige  automatiquement son contraire au statut d'axiome :  une propriété légitime existe forcément --ne serait-ce parce que,  si elle n'existait pas,  on n'aurait  le Droit de rien faire  et on ne serait plus en vie pour en parler.


:- "on ne peut avoir foi dans la raison" : le concept de "foi" ne peut pas précéder la raison, il ne peut par définition fournir le fondement d'une acceptation de la raison.
 
Autres exemples de vol de concepts :
 
:- « la propriété, c’est le vol » : le concept de vol présuppose le concept de propriété légitime : on ne peut donc pas définir le « vol » si on ne reconnaît pas qu’une « propriété légitime » peut exister. Or, c’est ce que fait l’énoncé en cause, du moins dans son acception ostensible (certains pourraient le croire de la seule propriété ''foncière'', ce qui est également faux, mais on ne le démontre pas aussi directement).
:Cet énoncé est donc contradictoire, et il érige automatiquement son contraire au statut d’axiome : une propriété légitime existe forcément — ne serait-ce parce que, si elle n’existait pas, on n’aurait le Droit de rien faire et on ne serait plus en vie pour en parler.
 
:- « on ne peut adhérer à la raison que par un acte de foi » est une proposition contradictoire parce que le concept contemporain de « foi » désigne une adhésion de l’esprit indépendante de la raison, distincte de celle-ci voire opposée à elle : il ne peut être défini que si la raison existe indépendamment comme motif d’adhérer à une opinion
:— exemple de la dépendance logique de certains concepts vis-à-vis d’autres, que le subjectivisme épistémologique ne peut que méconnaître par définition.  


==Le vol de concepts par [[Nathaniel Branden]]==
==Le vol de concepts par [[Nathaniel Branden]]==


"The Stolen Concept", article de The Objectivist Newsletter, novembre 1962, pp. 2 & 4.
''« The Stolen Concept », article de ''The Objectivist Newsletter'', novembre 1962, pp. 2 & 4. Traduction [[François Guillaumat]].''
 
Le trait caractéristique de la philosophie au XXe siècle est la résurgence de l’irrationalisme, de la révolte contre la raison.
 
Les étudiants en philosophie sont assaillis d’affirmations suivant lesquelles aucune certitude ne serait possible quant aux faits de la réalité, le contenu de l’esprit humain n’entretenant aucune relation nécessaire avec eux. D’ailleurs, le concept lui-même de « fait de la réalité » serait une superstition démodée ; la « réalité » ne serait que pure apparence et l’homme ne pourrait, fondamentalement, rien savoir à proprement parler.
 
Avec la prépondérance de telles idées, le mysticisme primitif connaît son plus beau triomphe et peut bien croire qu’il a - pour l’instant - eu le dernier mot. Car on apprend aux gens à accepter, comme étant la voix de la science, l’idée suivant laquelle la raison humaine serait impuissante à saisir le monde « réel », celui qui est accessible à notre raison ne l’étant pas. Mon propos ici est de m’en tenir à un sophisme unique - une erreur fondamentale de raisonnement - qui pullule dans les écrits des néo-mystiques, et sans lequel aucune de leurs doctrines ne pourrait se propager.
 
Nous appelons ce sophisme le « vol de concepts ».


Le trait  caractéristique  de la philosophie  au XX° siècle  est  la résurgence  de l'irrationalisme, de la révolte  contre la raison.
Pour comprendre en quoi il consiste, prenons-en un exemple dans le domaine politique : le fameux « la propriété, c’est le vol » de Proudhon.


Les étudiants  en philosophie  sont assaillis  d'affirmations suivant lesquelles  aucune certitude  ne serait possible  quant aux faits  de la réalité,  le contenu  de l'esprit humain n'entretenant  aucune relation  nécessaire  avec eux. D'ailleurs, le concept lui-même  de "fait  de la réalité"  serait  une superstition  démodée ; la "réalité"  ne serait  que  pure apparence et l'homme  ne pourrait, fondamentalement, rien savoir  à proprement parler.
Le « vol » est un concept qui, logiquement et pour sa formation, dépend totalement d’un concept antécédent, qui est la « propriété légitime ». Il désigne l’acte consistant à s’emparer de cette propriété légitime contre le consentement de son détenteur. Ainsi, affirmer que « la propriété, c’est le vol » implique une contradiction interne : employer le concept de « vol » en niant la validité du concept de « propriété », c’est se servir du « vol » comme d’un concept auquel, logiquement, on n’a plus droit. En somme, un concept volé.


Avec la prépondérance de telles idées, le mysticisme  primitif connaît  son plus beau triomphe  et peut bien croire  qu'il a - pour l'instant -  eu  le dernier mot. Car on apprend  aux gens  à accepter, comme étant  la voix de la science, l'idée  suivant laquelle  la raison humaine  serait impuissante  à saisir  le monde "réel", celui qui est accessible  à notre raison  ne l'étant pas. Mon propos  ici  est de m'en tenir  à un sophisme unique  - une erreur  fondamentale  de raisonnement - qui pullule  dans les écrits des néo-mystiques, et sans lequel  aucune de leurs doctrines ne pourrait  se propager.
Toute la connaissance de l’homme, de même que ses concepts, forme une construction hiérarchisée. La fondation, la base ultime de cette connaissance est constituée par les perceptions de nos sens ; elles constituent le point de départ de sa réflexion. A partir de ces perceptions, l’homme constitue ses premiers
concepts et définitions (ostensibles ), puis continue à construire l’édifice de sa connaissance en identifiant et en intégrant de nouveaux concepts sur une échelle de plus en plus large. Le processus construit donc ses identifications les unes sur les autres et les unes à partir des autres. Il s’agit de déduire des abstractions plus larges à partir d’abstractions déjà connues, ou de diviser des abstractions plus larges en distinctions plus fines. Les concepts de l’homme sont déduits, ou dépendent, de concepts plus fondamentaux qui sont leurs racines génétiques. Par exemple, le concept de « parent » est présupposé par le concept d’« orphelin » ; si on n’a pas compris le premier, on ne comprendra pas le second, et celui-ci ne saurait avoir de sens.


Nous appelons  ce sophisme  le "vol de concepts".
La nature hiérarchisée du savoir humain implique un important principe qui doit guider le raisonnement de l’homme : quand on se sert de concepts, il faut absolument reconnaître leurs racines génétiques, ce dont ils dépendent logiquement et qu’ils présupposent.


Pour comprendre  en quoi  il consiste, prenons-en  un exemple dans le domaine  politique : le fameux "la propriété,  c'est le volde Proudhon.
Méconnaître ce principe - comme dans le slogan : « la propriété c’est le vol » - constitue le sophisme du vol de concepts.


Le "vol"  est un concept qui,  logiquement  et pour sa formation, dépend  totalement  d'un concept antécédent,  qui est  la "propriété légitime".  Il désigne  l'acte  consistant  à s'emparer de cette propriété légitime contre le consentement  de son détenteur. Ainsi,  affirmer  que "la propriété,  c'est le vol" implique une contradiction  interne :  employer  le concept  de "vol"  en niant  la validité  du concept  de "propriété",  c'est  se servir du "vol"  comme d'un concept  auquel,  logiquement,  on n'a  plus droit.  En somme,  un concept volé.
Examinons maintenant quelques-uns des dogmes irrationalistes les plus en vue et observons à quel point ils dépendent de cette fraude intellectuelle.


Toute la connaissance de l'homme, de même  que ses concepts, forme une construction  hiérarchisée.  La fondation,  la base ultime de cette connaissance  est constituée  par les perceptions de nos sens ;  elles constituent  le point  de départ  de sa réflexion.  A partir  de ces perceptions, l'homme  constitue  ses premiers
Prenons les lois de la logique. Pour l’école de pensée d’Aristote, on reconnaît ces lois comme une formulation abstraite de vérités évidentes, vérités qui sont implicites dans les premières perceptions humaines de la réalité, implicites dans le concept même d’existence, de l’être en tant qu’être ; ces lois reconnaissent le fait qu’être, c’est toujours être quelque chose, qu’une chose est elle-même. Pour nombre de philosophes contemporains, c’est la mode que de contester cela - et d’affirmer que les axiomes de la logique seraient « arbitraires » ou « hypothétiques ». Déclarer que les axiomes de la logique seraient « arbitraires » implique de mépriser le cadre d’où un concept tel qu’« arbitraire » a pu sortir.
concepts  et définitions  (ostensibles ), puis continue à construire l'édifice  de sa connaissance  en identifiant  et en intégrant de nouveaux concepts  sur une échelle  de plus en plus large.  Le processus  construit donc  ses identifications  les unes  sur les autres  et les unes  à partir des autres.  Il s'agit  de déduire  des abstractions  plus larges  à partir  d'abstractions  déjà connues, ou de diviser  des abstractions  plus larges  en distinctions  plus fines. Les concepts  de l'homme  sont déduits,  ou dépendent, de concepts  plus fondamentaux  qui sont  leurs racines génétiques. Par exemple,  le concept de "parent"  est présupposé  par le concept d'"orphelin" ; si  on n'a pas  compris  le premier,  on  ne comprendra  pas le second,  et  celui-ci  ne saurait avoir  de sens.


La nature  hiérarchisée  du savoir humain  implique  un important principe  qui doit guider  le raisonnement de l'homme :  quand  on se sert  de concepts, il faut absolument  reconnaître  leurs racines génétiques, ce dont  ils dépendent  logiquement  et qu'ils présupposent.
Une idée arbitraire est une idée acceptée par hasard, par caprice, au passage ; elle s’oppose à une idée acceptée pour des raisons logiques, en vue précisément de l’en distinguer.  


Méconnaître  ce principe - comme dans le slogan : "la propriété c'est le vol" - constitue  le sophisme  du vol  de concepts.
L’existence d’un concept tel qu’une idée « arbitraire » n’est rendue possible que par l’existence d’idées logiquement nécessaires ; la première ne saurait être tenue pour une primaire, étant génétiquement dépendante des secondes. Tenir la logique pour « arbitraire », c’est dépouiller le concept d’« arbitraire » de tout sens.


Examinons maintenant  quelques-uns des dogmes  irrationalistes les plus en vue  et observons  à quel point  ils dépendent de cette fraude  intellectuelle.
Déclarer que les axiomes de la logique seraient « hypothétiques » (ou seulement « probables ») est se rendre coupable de la même contradiction. Le concept de l’« hypothétique » (ou du « probable ») n’est pas non plus primaire ; il n’acquiert un sens que par opposition au connu, au certain, au logiquement prouvé. Ce n’est que lorsqu’on connaît quelque chose de certain qu’on peut arriver à l’idée de ce qui ne l’est pas. Et il n’y a que la logique qui puisse départager les deux.


Prenons  les lois de la logique.  Pour l'école  de pensée d'Aristote, on reconnaît  ces lois  comme une formulation abstraite  de vérités évidentes,  vérités  qui sont implicites  dans  les premières perceptions  humaines  de la réalité,  implicites  dans le concept même  d'existence,  de l'être  en tant qu'être ;  ces lois reconnaissent  le fait qu'être,  c'est toujours  être quelque chose, qu'une chose  est elle-même.  Pour nombre  de philosophes contemporains,  c'est la mode  que de contester  cela  - et d'affirmer  que les axiomes  de la logique  seraient "arbitraires" ou "hypothétiques". Déclarer  que les axiomes  de la logique seraient  "arbitraires"  implique  de mépriser  le cadre d'où un concept tel qu'"arbitraire"  a pu sortir.
:"Un axiome est un énoncé qui identifie le fondement de la connaissance et de tout énoncé ultérieur relatif à cette connaissance ; un énoncé nécessairement impliqué par tous les autres, qu’un locuteur particulier choisisse de l’identifier ou non.
:Un axiome est une proposition qui met ses adversaires en déroute par le fait même qu’ils sont obligés de l’accepter et de s’en servir au cours de toute tentative pour la réfuter. Que l’homme des cavernes qui ne choisit pas d’accepter l’axiome de l’identité essaie de présenter sa théorie sans se servir du concept d’identité ni d’aucun concept qui en serait déduit... "  
:(''Atlas Shrugged'').


Une idée arbitraire  est une idée  acceptée  par hasard, par caprice, au passage ; elle s'oppose  à une idée  acceptée  pour des raisons  logiques, en vue  précisément  de l'en  distinguer.  
Lorsque des « néo-mystiques » mettent en cause le concept d’« entité » et annoncent que, la « naïve » raison nonobstant, tout ce qui existe ne serait que mouvement et changement
:- (« il n’y a pas d’impossibilité logique à ce que le fait de marcher se produise comme phénomène isolé, sans qu’il fasse partie d’une de ces séries que nous appelons ’personne’ », écrit Bertrand Russell) -
ils évacuent le fait que seule l’existence d’entités rend possibles les concepts de « mouvement » ou de « changement » ;
que le « changement », le « mouvement » présupposent des entités qui changent et se meuvent ;
et que celui qui prétend se dispenser du concept d’« entité » perd son droit logique aux concepts de « changement » et de « mouvement » ; ayant coupé leur racine génétique, il n’a plus aucun moyen de leur donner un sens intelligible.


L'existence  d'un concept tel qu'une idée "arbitraire"  n'est rendue possible  que  par l'existence d'idées  logiquement nécessaires ; la première  ne saurait être tenue  pour une primaire,  étant génétiquement  dépendante  des secondes. Tenir  la logique pour "arbitraire", c'est dépouiller  le concept d'"arbitraire" de tout sens.
Lorsque des néo-mystiques affirment que ce que l’homme perçoit n’est pas la réalité objective mais une simple apparence, ils esquivent la question de savoir comment on fait pour obtenir un concept comme l’« illusion » ou l’« apparence » sans qu’il existe quelque chose qui ne soit pas une illusion ou pure apparence. S’il n’y avait aucune perception objective de la réalité, dont on puisse entendre que les « illusions » et les « apparences » soient distinctes, alors ces derniers concepts seraient inintelligibles.


Déclarer  que les axiomes  de la logique seraient "hypothétiques" (ou seulement  "probables")  est se rendre coupable  de la même contradiction. Le concept  de l'"hypothétique" (ou du  "probable") n'est pas non plus  primaire ;  il n'acquiert  un sens  que par opposition  au connu, au certain, au logiquement  prouvé.  Ce n'est que  lorsqu'on connaît  quelque chose  de certain  qu'on peut arriver  à l'idée  de ce qui  ne l'est pas.  Et  il n'y a  que la logique  qui puisse  départager  les deux.
Lorsque des néo-mystiques déclarent que l’homme ne peut jamais connaître les faits de la réalité, ce qu’ils déclarent est que l’homme n’est pas conscient. Si l’homme ne connaît pas les faits de la réalité, alors il ne connaît rien - parce qu’il n’y a rien d’autre à connaître. S’il ne peut pas percevoir l’existence, il ne peut rien percevoir du tout - parce qu’il n’y a rien d’autre à percevoir. Ne rien connaître et ne rien percevoir, c’est être inconscient. Mais parvenir - à la suite d’un enchaînement complexe de raisonnements et d’une longue série de concepts tels que la « connaissance », la « perception », la « preuve », l’« inférence », la « démonstration » - à la conclusion qu’on ne serait pas conscient, c’est difficilement admissible du point de vue épistémologique.


"Un axiome  est un énoncé  qui identifie  le fondement de la connaissance  et de tout énoncé  ultérieur  relatif  à cette connaissance ; un énoncé  nécessairement impliqué  par tous les autres, qu'un locuteur  particulier  choisisse  de l'identifier ou non.  Un axiome  est une proposition  qui met  ses adversaires  en déroute  par le fait même  qu'ils sont obligés  de l'accepter  et de s'en servir  au cours  de toute tentative  pour la réfuter. Que l'homme des cavernes  qui ne choisit pas  d'accepter l'axiome  de l'identité  essaie  de présenter  sa théorie  sans  se servir  du concept d'identité  ni d'aucun concept  qui en serait déduit... "(Atlas Shrugged ).
:"’Nous savons que nous ne savons rien’, jacassent-ils, faisant l’impasse sur le fait qu’ils sont justement en train de prétendre savoir quelque chose.
:’Il n’y a pas d’absolu’, clabaudent-ils, sans voir qu’ils sont justement en train d’énoncer un absolu.
:’Vous ne pouvez pas prouver que vous existez ou que vous êtes conscient’, cancanent-ils, oblitérant le fait que la preuve présuppose l’existence, la conscience, et un réseau complexe de connaissances interdépendantes. :L’existence de quelque chose à connaître, d’une conscience capable de l’appréhender, et d’un savoir qui aurait appris à distinguer entre des concepts tels que ’prouvé’ ou ’non prouvé’"  
:(''Atlas Shrugged'').


Lorsque  des "néo-mystiques"  mettent en cause  le concept d'"entité"  et annoncent  que,  la "naïve"  raison nonobstant,  tout ce qui existe ne serait  que mouvement  et changement - ("il n'y a pas  d'impossibilité  logique  à ce que le fait  de marcher se produise comme phénomène isolé, sans qu'il fasse partie  d'une de ces séries  que nous appelons  'personne'",  écrit  Bertrand Russell) - ils évacuent  le fait  que seule  l'existence  d'entités rend possibles  les concepts de "mouvement"  ou de "changement" ; que le "changement", le "mouvement"  présupposent  des entités  qui changent  et se meuvent ;  et que  celui  qui prétend  se dispenser du concept  d'"entité"  perd son droit logique  aux concepts de "changement"  et de "mouvement" ;  ayant coupé  leur racine génétique,  il n'a  plus aucun moyen de leur donner  un sens intelligible.
L’existence existe (ce qui est, ''est'') et la conscience est
consciente (l’homme est capable de percevoir la réalité) - ces axiomes sont à la base de toute la connaissance humaine, de tous les concepts humains. Lorsque les néo-mystiques les contestent ou les nient, absolument tous les concepts dont ils se servent par la suite sont volés. Ils n’ont droit qu’aux concepts qu’ils pourraient déduire de la non-existence au moyen de l’inconscience.


Lorsque  des néo-mystiques  affirment que ce que l'homme perçoit n'est pas  la réalité objective mais une simple apparence, ils esquivent  la question de savoir  comment on fait  pour obtenir un concept  comme  l'"illusion"  ou l'"apparence"  sans  qu'il existe quelque chose  qui ne soit pas une illusion  ou  pure apparence. S'il n'y avait  aucune  perception objective de la réalité, dont on puisse entendre  que les "illusions"  et les "apparences"  soient distinctes,  alors  ces derniers concepts  seraient inintelligibles.
Il est rationnel de demander : « — comment peut-on accéder à la connaissance ? ». Il n’est pas rationnel de demander : « — est-il possible d’accéder à la connaissance ? » - parce que la possibilité de poser la question présuppose une connaissance de l’homme et de la nature de la connaissance.
Il est rationnel de demander : « — ''qu’est-ce'' qui existe ? » Il n’est pas rationnel de demander : « — ''est-ce'' que quelque chose existe ? » parce que la première chose sur quoi il faudrait fermer les yeux est l’existence de la question et celle d’un être qui est là pour la poser.
Il est rationnel de demander : « — ''comment'' les sens permettent-ils à l’homme de percevoir la réalité ? » ; il n’est pas rationnel de demander « — ''est-ce'' que les sens permettent à l’homme de percevoir la réalité ? » - parce que s’ils ne le font pas, par quels moyens le locuteur a-t-il acquis sa connaissance des sens, de la perception, de l’homme et de la réalité ?


Lorsque  des néo-mystiques déclarent  que l'homme  ne peut jamais connaître  les faits  de la réalité,  ce qu'ils déclarent  est  que l'homme  n'est pas conscient.  Si  l'homme  ne connaît pas  les faits de la réalité,  alors  il ne connaît rien  - parce qu'il n'y a  rien d'autre  à connaître.  S'il  ne peut pas  percevoir l'existence,  il ne peut  rien  percevoir  du tout - parce qu'il n'y a rien d'autre à percevoir.  Ne rien connaître  et ne rien percevoir,  c'est être inconscient.  Mais parvenir  - à la suite d'un enchaînement complexe de raisonnements et d'une longue série  de concepts  tels que la "connaissance", la "perception", la "preuve", l'"inférence", la "démonstration" - à la conclusion  qu'on ne serait pas conscient, c'est difficilement admissible du point de vue épistémologique.
On peut observer un des plus grotesques exemples de vol de concepts dans l’affirmation courante - faite par des néo-mystiques aussi bien que par des paléo-mystiques - suivant laquelle l’acceptation de la raison reposerait en dernière analyse sur « un acte de foi ».


"'Nous savons  que nous  ne savons rien', jacassent-ils,  faisant l'impasse  sur le fait  qu'ils sont  justement  en train de prétendre savoir  quelque chose. 'Il n'y a pas d'absolu',  clabaudent-ils, sans voir  qu'ils sont  justement  en train d'énoncer  un absolu. - 'Vous ne pouvez  pas prouver  que vous existez  ou  que vous êtes conscient', cancanent-ils,  oblitérant  le fait  que la preuve présuppose l'existence,  la conscience,  et  un réseau complexe  de connaissances interdépendantes. L'existence  de quelque chose  à connaître,  d'une conscience  capable  de l'appréhender,  et d'un savoir  qui aurait appris  à distinguer  entre des concepts  tels que 'prouvé'  ou 'non prouvé'" (Atlas Shrugged ).
La raison est la faculté qui identifie et intègre les matériaux fournis par les sens. La foi consiste à accepter des idées sans preuve sensorielle ni démonstration rationnelle . Avoir « foi en la raison » est une contradiction dans les termes. « La  »foi« est un concept qui n’a de sens qu’en opposition à la raison. Le concept de »foi" ne peut pas précéder la raison, il ne peut pas fournir le fondement d’une acceptation de la raison. C’est une révolte contre la raison.


L'existence  existe  (ce qui est, est)  et la conscience  est
C’est en vain que l’on cherchera un seul exemple d’attaque contre la raison, contre la perception sensorielle, contre le statut ontologique des lois de la logique, contre l’efficacité cognitive de l’esprit humain, qui ne soit pas fondé sur le sophisme du vol de concepts.
consciente  (l'homme  est capable  de percevoir  la réalité) -  ces axiomes  sont à la base  de toute  la connaissance  humaine, de tous les concepts  humains.  Lorsque  les néo-mystiques  les contestent ou les nient,  absolument tous  les concepts  dont ils se servent par la suite  sont volés. Ils n'ont droit  qu'aux concepts qu'ils pourraient déduire  de la non-existence  au moyen de l'inconscience.


Il est rationnel  de demander :  "comment  peut-on  accéder  à la connaissance ?". Il n'est  pas  rationnel  de demander : "est-il possible d'accéder à la connaissance ?" - parce que  la possibilité de poser  la question présuppose  une connaissance  de l'homme  et de la nature  de la connaissance.  Il est rationnel  de demander : "qu'est-ce qui existe ?" Il n'est pas rationnel de demander : "est-ce que quelque chose existe ?" parce que  la première chose  sur quoi  il faudrait  fermer les yeux  est l'existence  de la question et celle  d'un être  qui est là  pour la poser. Il est rationnel de demander :  "comment  les sens  permettent-ils  à l'homme  de percevoir  la réalité ?" ; il n'est  pas rationnel  de demander "est-ce  que les sens  permettent  à l'homme  de percevoir la réalité ?" - parce que  s'ils ne le font pas,  par quels moyens  le locuteur  a-t-il acquis  sa connaissance  des sens,  de la perception,  de l'homme  et de la réalité ?
Le sophisme consiste dans le fait de se servir d’un concept tout en méconnaissant, contredisant ou niant la validité des concepts dont, logiquement, il dépend. Ce procédé sophistique doit être reconnu et rejeté par tout penseur, si ce sont la vérité et la réalité qu’il recherche. A moins d’une telle reconnaissance, à moins d’un tel rejet, les vannes sont ouvertes pour la plus mortelle des formes du mysticisme : le mysticisme qui se donne pour « scientifique ».


On peut  observer  un des plus grotesques exemples  de vol de concepts  dans l'affirmation courante  - faite par des néo-mystiques aussi bien  que par des paléo-mystiques -  suivant laquelle l'acceptation  de la raison  reposerait  en dernière analyse  sur "un acte de foi".
Qui sont les victimes de ce néo-mysticisme ?


La raison  est la faculté  qui identifie  et intègre  les matériaux fournis  par les sens.  La foi consiste à accepter  des idées sans preuve sensorielle  ni démonstration rationnelle .  Avoir  "foi en la raison"  est  une contradiction  dans les termes.  "La "foi" est un concept  qui n'a de sens  qu'en opposition  à la raison. Le concept  de "foi"  ne peut pas  précéder  la raison, il ne peut pas fournir  le fondement  d'une acceptation  de la raison.  C'est une révolte  contre  la raison.
Eh bien, tout étudiant qui s’inscrit à des cours de philosophie, qui cherche ardemment une conception rationnelle et complète de l’homme - et que l’on conduit à abdiquer sa conviction que son esprit peut avoir une efficacité quelconque ; ou qui, dans le meilleur des cas, abandonne la philosophie avec dégoût et mépris, en conclut qu’il s’agit d’une charlatanerie pour poseurs intellectuels, et accepte ainsi cette croyance tragique que la philosophie n’aurait aucune importance pratique pour la vie de l’homme sur terre.


C'est en vain  que l'on cherchera  un seul exemple  d'attaque  contre la raison, contre la perception  sensorielle,  contre le statut ontologique  des lois  de la logique, contre l'efficacité  cognitive de l'esprit humain,  qui ne soit pas fondé sur le sophisme  du vol de concepts.


Le sophisme  consiste  dans le fait  de se servir  d'un concept  tout en méconnaissant,  contredisant  ou niant  la validité  des concepts dont, logiquement,  il dépend. Ce procédé  sophistique  doit être reconnu  et rejeté  par tout penseur,  si ce sont la vérité  et la réalité  qu'il recherche. A moins  d'une telle  reconnaissance,  à moins  d'un tel rejet,  les vannes  sont ouvertes  pour la plus mortelle  des formes  du mysticisme :  le mysticisme  qui se donne  pour "scientifique".
== Voir aussi ==


Qui sont  les victimes  de ce  néo-mysticisme ?
* [[Dichotomie analytique-synthétique|Leonard Peikoff : La Dichotomie analytique-synthétique]]


Eh bien,  tout étudiant  qui s'inscrit à des cours de philosophie, qui cherche  ardemment  une conception  rationnelle et complète  de l'homme -  et que l'on conduit  à abdiquer  sa conviction  que son esprit  peut avoir  une efficacité quelconque ;  ou qui,  dans le meilleur des cas,  abandonne  la philosophie  avec dégoût et mépris, en conclut qu'il s'agit d'une charlatanerie  pour poseurs intellectuels,  et accepte ainsi  cette croyance tragique  que la philosophie n'aurait  aucune importance  pratique  pour la vie  de l'homme  sur terre.
* [https://docs.google.com/document/d/1Bb9UtmCr4GH70kPxd5TB6tWruS54UbuwaFNLL4eVNIM/edit Ayn Rand : ''Introduction à l’épistémologie objectiviste'']
[[category:sophismes]]
[[category:sophismes]]
[[es: Concepto robado]]

Version actuelle datée du 30 November 2017 à 19:01

Le « vol de concepts » consiste à se servir dans un raisonnement d’une notion dont par ailleurs on a nié qu’elle corresponde à une réalité existante, contradiction pratique qui réfute évidemment le discours qui en dépendrait.

La notion de « vol de concepts » est aussi nécessaire que difficile à faire comprendre :

en effet une bonne partie des « philosophes » contemporains, ou soi-disant tels, passent leur temps à dire que les définitions seraient « purement arbitraires et conventionnelles » ;

et c’est justement cette pratique, elle-même totalement voleuse de concepts, qui fait aujourd’hui du critère du « vol de concepts » un instrument majeur de la « détection philosophique » au sens de Ayn Rand, c’est-à-dire de l’identification des énoncés qui sont par définition philosophiquement faux parce qu’ils sont en eux-mêmes contradictoires.

En effet, un énoncé qui affirme, ou qui sous-entend, que les définitions seraient « purement arbitraires et conventionnelles » nie toute possibilité de reconnaître comme vraies les démonstrations philosophiques, dont la validité dépend, justement, de la correspondance avec le réel de la définition des mots dont ces démonstrations se servent.

Et comme dans cette mesure il est lui-même de nature philosophique, il se réfute automatiquement ipso facto, ce qui permet de ne plus perdre de temps avec les auteurs qui le prennent au sérieux.

Le « vol de concepts » est certes une notion implicite chez tous les philosophes réalistes — dans la tradition d’Aristote et de saint Thomas d’Aquin, parce que ceux-ci, à la différence des subjectivistes épistémologiques, connaissent et reconnaissent l’interdépendance et la hiérarchie des concepts, ainsi que leur dépendance vis-à-vis de l’observation du réel.

Cependant, il a fallu attendre la réaction contemporaine des objectivistes au subjectivisme épistémologique dominant pour que, dans le cadre de cette tradition, la notion de vol de concepts apparaisse expressément comme un puissant moyen de réfutation.


Autres exemples de vol de concepts :

- « la propriété, c’est le vol » : le concept de vol présuppose le concept de propriété légitime : on ne peut donc pas définir le « vol » si on ne reconnaît pas qu’une « propriété légitime » peut exister. Or, c’est ce que fait l’énoncé en cause, du moins dans son acception ostensible (certains pourraient le croire de la seule propriété foncière, ce qui est également faux, mais on ne le démontre pas aussi directement).
Cet énoncé est donc contradictoire, et il érige automatiquement son contraire au statut d’axiome : une propriété légitime existe forcément — ne serait-ce parce que, si elle n’existait pas, on n’aurait le Droit de rien faire et on ne serait plus en vie pour en parler.
- « on ne peut adhérer à la raison que par un acte de foi » est une proposition contradictoire parce que le concept contemporain de « foi » désigne une adhésion de l’esprit indépendante de la raison, distincte de celle-ci voire opposée à elle : il ne peut être défini que si la raison existe indépendamment comme motif d’adhérer à une opinion
— exemple de la dépendance logique de certains concepts vis-à-vis d’autres, que le subjectivisme épistémologique ne peut que méconnaître par définition.

Le vol de concepts par Nathaniel Branden

« The Stolen Concept », article de The Objectivist Newsletter, novembre 1962, pp. 2 & 4. Traduction François Guillaumat.

Le trait caractéristique de la philosophie au XXe siècle est la résurgence de l’irrationalisme, de la révolte contre la raison.

Les étudiants en philosophie sont assaillis d’affirmations suivant lesquelles aucune certitude ne serait possible quant aux faits de la réalité, le contenu de l’esprit humain n’entretenant aucune relation nécessaire avec eux. D’ailleurs, le concept lui-même de « fait de la réalité » serait une superstition démodée ; la « réalité » ne serait que pure apparence et l’homme ne pourrait, fondamentalement, rien savoir à proprement parler.

Avec la prépondérance de telles idées, le mysticisme primitif connaît son plus beau triomphe et peut bien croire qu’il a - pour l’instant - eu le dernier mot. Car on apprend aux gens à accepter, comme étant la voix de la science, l’idée suivant laquelle la raison humaine serait impuissante à saisir le monde « réel », celui qui est accessible à notre raison ne l’étant pas. Mon propos ici est de m’en tenir à un sophisme unique - une erreur fondamentale de raisonnement - qui pullule dans les écrits des néo-mystiques, et sans lequel aucune de leurs doctrines ne pourrait se propager.

Nous appelons ce sophisme le « vol de concepts ».

Pour comprendre en quoi il consiste, prenons-en un exemple dans le domaine politique : le fameux « la propriété, c’est le vol » de Proudhon.

Le « vol » est un concept qui, logiquement et pour sa formation, dépend totalement d’un concept antécédent, qui est la « propriété légitime ». Il désigne l’acte consistant à s’emparer de cette propriété légitime contre le consentement de son détenteur. Ainsi, affirmer que « la propriété, c’est le vol » implique une contradiction interne : employer le concept de « vol » en niant la validité du concept de « propriété », c’est se servir du « vol » comme d’un concept auquel, logiquement, on n’a plus droit. En somme, un concept volé.

Toute la connaissance de l’homme, de même que ses concepts, forme une construction hiérarchisée. La fondation, la base ultime de cette connaissance est constituée par les perceptions de nos sens ; elles constituent le point de départ de sa réflexion. A partir de ces perceptions, l’homme constitue ses premiers concepts et définitions (ostensibles ), puis continue à construire l’édifice de sa connaissance en identifiant et en intégrant de nouveaux concepts sur une échelle de plus en plus large. Le processus construit donc ses identifications les unes sur les autres et les unes à partir des autres. Il s’agit de déduire des abstractions plus larges à partir d’abstractions déjà connues, ou de diviser des abstractions plus larges en distinctions plus fines. Les concepts de l’homme sont déduits, ou dépendent, de concepts plus fondamentaux qui sont leurs racines génétiques. Par exemple, le concept de « parent » est présupposé par le concept d’« orphelin » ; si on n’a pas compris le premier, on ne comprendra pas le second, et celui-ci ne saurait avoir de sens.

La nature hiérarchisée du savoir humain implique un important principe qui doit guider le raisonnement de l’homme : quand on se sert de concepts, il faut absolument reconnaître leurs racines génétiques, ce dont ils dépendent logiquement et qu’ils présupposent.

Méconnaître ce principe - comme dans le slogan : « la propriété c’est le vol » - constitue le sophisme du vol de concepts.

Examinons maintenant quelques-uns des dogmes irrationalistes les plus en vue et observons à quel point ils dépendent de cette fraude intellectuelle.

Prenons les lois de la logique. Pour l’école de pensée d’Aristote, on reconnaît ces lois comme une formulation abstraite de vérités évidentes, vérités qui sont implicites dans les premières perceptions humaines de la réalité, implicites dans le concept même d’existence, de l’être en tant qu’être ; ces lois reconnaissent le fait qu’être, c’est toujours être quelque chose, qu’une chose est elle-même. Pour nombre de philosophes contemporains, c’est la mode que de contester cela - et d’affirmer que les axiomes de la logique seraient « arbitraires » ou « hypothétiques ». Déclarer que les axiomes de la logique seraient « arbitraires » implique de mépriser le cadre d’où un concept tel qu’« arbitraire » a pu sortir.

Une idée arbitraire est une idée acceptée par hasard, par caprice, au passage ; elle s’oppose à une idée acceptée pour des raisons logiques, en vue précisément de l’en distinguer.

L’existence d’un concept tel qu’une idée « arbitraire » n’est rendue possible que par l’existence d’idées logiquement nécessaires ; la première ne saurait être tenue pour une primaire, étant génétiquement dépendante des secondes. Tenir la logique pour « arbitraire », c’est dépouiller le concept d’« arbitraire » de tout sens.

Déclarer que les axiomes de la logique seraient « hypothétiques » (ou seulement « probables ») est se rendre coupable de la même contradiction. Le concept de l’« hypothétique » (ou du « probable ») n’est pas non plus primaire ; il n’acquiert un sens que par opposition au connu, au certain, au logiquement prouvé. Ce n’est que lorsqu’on connaît quelque chose de certain qu’on peut arriver à l’idée de ce qui ne l’est pas. Et il n’y a que la logique qui puisse départager les deux.

"Un axiome est un énoncé qui identifie le fondement de la connaissance et de tout énoncé ultérieur relatif à cette connaissance ; un énoncé nécessairement impliqué par tous les autres, qu’un locuteur particulier choisisse de l’identifier ou non.
Un axiome est une proposition qui met ses adversaires en déroute par le fait même qu’ils sont obligés de l’accepter et de s’en servir au cours de toute tentative pour la réfuter. Que l’homme des cavernes qui ne choisit pas d’accepter l’axiome de l’identité essaie de présenter sa théorie sans se servir du concept d’identité ni d’aucun concept qui en serait déduit... "
(Atlas Shrugged).

Lorsque des « néo-mystiques » mettent en cause le concept d’« entité » et annoncent que, la « naïve » raison nonobstant, tout ce qui existe ne serait que mouvement et changement

- (« il n’y a pas d’impossibilité logique à ce que le fait de marcher se produise comme phénomène isolé, sans qu’il fasse partie d’une de ces séries que nous appelons ’personne’ », écrit Bertrand Russell) -

ils évacuent le fait que seule l’existence d’entités rend possibles les concepts de « mouvement » ou de « changement » ; que le « changement », le « mouvement » présupposent des entités qui changent et se meuvent ; et que celui qui prétend se dispenser du concept d’« entité » perd son droit logique aux concepts de « changement » et de « mouvement » ; ayant coupé leur racine génétique, il n’a plus aucun moyen de leur donner un sens intelligible.

Lorsque des néo-mystiques affirment que ce que l’homme perçoit n’est pas la réalité objective mais une simple apparence, ils esquivent la question de savoir comment on fait pour obtenir un concept comme l’« illusion » ou l’« apparence » sans qu’il existe quelque chose qui ne soit pas une illusion ou pure apparence. S’il n’y avait aucune perception objective de la réalité, dont on puisse entendre que les « illusions » et les « apparences » soient distinctes, alors ces derniers concepts seraient inintelligibles.

Lorsque des néo-mystiques déclarent que l’homme ne peut jamais connaître les faits de la réalité, ce qu’ils déclarent est que l’homme n’est pas conscient. Si l’homme ne connaît pas les faits de la réalité, alors il ne connaît rien - parce qu’il n’y a rien d’autre à connaître. S’il ne peut pas percevoir l’existence, il ne peut rien percevoir du tout - parce qu’il n’y a rien d’autre à percevoir. Ne rien connaître et ne rien percevoir, c’est être inconscient. Mais parvenir - à la suite d’un enchaînement complexe de raisonnements et d’une longue série de concepts tels que la « connaissance », la « perception », la « preuve », l’« inférence », la « démonstration » - à la conclusion qu’on ne serait pas conscient, c’est difficilement admissible du point de vue épistémologique.

"’Nous savons que nous ne savons rien’, jacassent-ils, faisant l’impasse sur le fait qu’ils sont justement en train de prétendre savoir quelque chose.
’Il n’y a pas d’absolu’, clabaudent-ils, sans voir qu’ils sont justement en train d’énoncer un absolu.
’Vous ne pouvez pas prouver que vous existez ou que vous êtes conscient’, cancanent-ils, oblitérant le fait que la preuve présuppose l’existence, la conscience, et un réseau complexe de connaissances interdépendantes. :L’existence de quelque chose à connaître, d’une conscience capable de l’appréhender, et d’un savoir qui aurait appris à distinguer entre des concepts tels que ’prouvé’ ou ’non prouvé’"
(Atlas Shrugged).

L’existence existe (ce qui est, est) et la conscience est consciente (l’homme est capable de percevoir la réalité) - ces axiomes sont à la base de toute la connaissance humaine, de tous les concepts humains. Lorsque les néo-mystiques les contestent ou les nient, absolument tous les concepts dont ils se servent par la suite sont volés. Ils n’ont droit qu’aux concepts qu’ils pourraient déduire de la non-existence au moyen de l’inconscience.

Il est rationnel de demander : « — comment peut-on accéder à la connaissance ? ». Il n’est pas rationnel de demander : « — est-il possible d’accéder à la connaissance ? » - parce que la possibilité de poser la question présuppose une connaissance de l’homme et de la nature de la connaissance. Il est rationnel de demander : « — qu’est-ce qui existe ? » Il n’est pas rationnel de demander : « — est-ce que quelque chose existe ? » parce que la première chose sur quoi il faudrait fermer les yeux est l’existence de la question et celle d’un être qui est là pour la poser. Il est rationnel de demander : « — comment les sens permettent-ils à l’homme de percevoir la réalité ? » ; il n’est pas rationnel de demander « — est-ce que les sens permettent à l’homme de percevoir la réalité ? » - parce que s’ils ne le font pas, par quels moyens le locuteur a-t-il acquis sa connaissance des sens, de la perception, de l’homme et de la réalité ?

On peut observer un des plus grotesques exemples de vol de concepts dans l’affirmation courante - faite par des néo-mystiques aussi bien que par des paléo-mystiques - suivant laquelle l’acceptation de la raison reposerait en dernière analyse sur « un acte de foi ».

La raison est la faculté qui identifie et intègre les matériaux fournis par les sens. La foi consiste à accepter des idées sans preuve sensorielle ni démonstration rationnelle . Avoir « foi en la raison » est une contradiction dans les termes. « La  »foi« est un concept qui n’a de sens qu’en opposition à la raison. Le concept de »foi" ne peut pas précéder la raison, il ne peut pas fournir le fondement d’une acceptation de la raison. C’est une révolte contre la raison.

C’est en vain que l’on cherchera un seul exemple d’attaque contre la raison, contre la perception sensorielle, contre le statut ontologique des lois de la logique, contre l’efficacité cognitive de l’esprit humain, qui ne soit pas fondé sur le sophisme du vol de concepts.

Le sophisme consiste dans le fait de se servir d’un concept tout en méconnaissant, contredisant ou niant la validité des concepts dont, logiquement, il dépend. Ce procédé sophistique doit être reconnu et rejeté par tout penseur, si ce sont la vérité et la réalité qu’il recherche. A moins d’une telle reconnaissance, à moins d’un tel rejet, les vannes sont ouvertes pour la plus mortelle des formes du mysticisme : le mysticisme qui se donne pour « scientifique ».

Qui sont les victimes de ce néo-mysticisme ?

Eh bien, tout étudiant qui s’inscrit à des cours de philosophie, qui cherche ardemment une conception rationnelle et complète de l’homme - et que l’on conduit à abdiquer sa conviction que son esprit peut avoir une efficacité quelconque ; ou qui, dans le meilleur des cas, abandonne la philosophie avec dégoût et mépris, en conclut qu’il s’agit d’une charlatanerie pour poseurs intellectuels, et accepte ainsi cette croyance tragique que la philosophie n’aurait aucune importance pratique pour la vie de l’homme sur terre.


Voir aussi