« Invention de l’anarcho-capitalisme » : différence entre les versions

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LE CONSERVATEUR.
LE CONSERVATEUR.
<br />Dans votre syst&egrave;me d'absolue propri&eacute;t&eacute;
<br />Dans votre syst&egrave;me d’absolue propri&eacute;t&eacute;
et de pleine libert&eacute; &eacute;conomique, quelle est donc la fonction
et de pleine libert&eacute; &eacute;conomique, quelle est donc la fonction
du gouvernement ?&nbsp;
du gouvernement&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />La fonction du gouvernement consiste uniquement &agrave;
<br />La fonction du gouvernement consiste uniquement &agrave;
assurer &agrave; chacun la conservation de sa propri&eacute;t&eacute;.&nbsp;
assurer &agrave; chacun la conservation de sa propri&eacute;t&eacute;.&nbsp;
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />A mon tour, j'ai une question &agrave; vous faire : Il
<br />A mon tour, j’ai une question &agrave; vous faire&nbsp;: Il
y a aujourd'hui, dans le monde, deux sortes de gouvernements : les uns
y a aujourd’hui, dans le monde, deux sortes de gouvernements&nbsp;: les uns
font remonter leur origine &agrave; un pr&eacute;tendu droit divin.....&nbsp;
font remonter leur origine &agrave; un pr&eacute;tendu droit divin.....&nbsp;
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Les autres sont issus de la souverainet&eacute; du peuple.
<br />Les autres sont issus de la souverainet&eacute; du peuple.
Lesquels pr&eacute;f&eacute;rez-vous ?&nbsp;
Lesquels pr&eacute;f&eacute;rez-vous&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Je ne veux ni des uns ni des autres. Les premiers sont
<br />Je ne veux ni des uns ni des autres. Les premiers sont
des gouvernements de monopole, les seconds sont des gouvernements communistes.
des gouvernements de monopole, les seconds sont des gouvernements communistes.
<b>Au nom du principe de la propri&eacute;t&eacute;, au nom du droit que
<b>Au nom du principe de la propri&eacute;t&eacute;, au nom du droit que
je poss&egrave;de de me pourvoir moi-m&ecirc;me de <i>s&eacute;curit&eacute;</i>,
je poss&egrave;de de me pourvoir moi-m&ecirc;me de <i>s&eacute;curit&eacute;</i>,
ou d'en acheter &agrave; qui bon me semble, je demande des <i>gouvernements
ou d’en acheter &agrave; qui bon me semble, je demande des <i>gouvernements
libres</i>.&nbsp;</b>
libres</i>.&nbsp;</b>
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Qu'est-ce &agrave; dire ?&nbsp;
<br />Qu’est-ce &agrave; dire&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />C'est-&agrave;-dire, <b>des gouvernements dont je puisse,
<br />C’est-&agrave;-dire, <b>des gouvernements dont je puisse,
au gr&eacute; de ma volont&eacute; individuelle, accepter ou refuser les
au gr&eacute; de ma volont&eacute; individuelle, accepter ou refuser les
services.&nbsp;</b>
services.&nbsp;</b>
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Parlez-vous s&eacute;rieusement ?&nbsp;
<br />Parlez-vous s&eacute;rieusement&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Le monopole du gouvernement ne vaut pas mieux qu'un autre.
<br />Le monopole du gouvernement ne vaut pas mieux qu’un autre.
On ne gouverne pas bien, et surtout on ne gouverne pas &agrave; bon march&eacute;,
On ne gouverne pas bien, et surtout on ne gouverne pas &agrave; bon march&eacute;,
lorsqu'on n'a aucune concurrence &agrave; redouter, lorsque les gouvernements
lorsqu’on n’a aucune concurrence &agrave; redouter, lorsque les gouvernements
sont priv&eacute;s du droit de choisir librement leurs gouvernants. Accordez
sont priv&eacute;s du droit de choisir librement leurs gouvernants. Accordez
&agrave; un &eacute;picier la fourniture exclusive d'un quartier, d&eacute;fendez
&agrave; un &eacute;picier la fourniture exclusive d’un quartier, d&eacute;fendez
aux habitants de ce quartier d'acheter aucune denr&eacute;e chez les &eacute;piciers
aux habitants de ce quartier d’acheter aucune denr&eacute;e chez les &eacute;piciers
voisins, ou bien encore de s'approvisionner eux-m&ecirc;mes d'&eacute;piceries,
voisins, ou bien encore de s’approvisionner eux-m&ecirc;mes d’&eacute;piceries,
et vous verrez quelles d&eacute;testables drogues l'&eacute;picier privil&eacute;gi&eacute;
et vous verrez quelles d&eacute;testables drogues l’&eacute;picier privil&eacute;gi&eacute;
finira par d&eacute;biter et &agrave; quel prix ! Vous verrez de quelle
finira par d&eacute;biter et &agrave; quel prix&#8239;! Vous verrez de quelle
fa&ccedil;on il s'engraissera aux d&eacute;pens des infortun&eacute;s consommateurs,
fa&ccedil;on il s’engraissera aux d&eacute;pens des infortun&eacute;s consommateurs,
quel faste royal il &eacute;talera pour la plus grande gloire du quartier...
quel faste royal il &eacute;talera pour la plus grande gloire du quartier...
Eh bien ! ce qui est vrai pour les services les plus infimes ne l'est pas
Eh bien&#8239;! ce qui est vrai pour les services les plus infimes ne l’est pas
moins pour les services les plus &eacute;lev&eacute;s. <b>Le monopole d'un
moins pour les services les plus &eacute;lev&eacute;s. <b>Le monopole d’un
gouvernement ne saurait valoir mieux que celui d'une boutique d'&eacute;piceries.</b>
gouvernement ne saurait valoir mieux que celui d’une boutique d’&eacute;piceries.</b>
La <i>production de la s&eacute;curit&eacute;</i> devient in&eacute;vitablement
La <i>production de la s&eacute;curit&eacute;</i> devient in&eacute;vitablement
co&ucirc;teuse et mauvaise lorsqu'elle est organis&eacute;e en monopole.
co&ucirc;teuse et mauvaise lorsqu’elle est organis&eacute;e en monopole.
C'est dans le monopole de la s&eacute;curit&eacute; que r&eacute;side la
C’est dans le monopole de la s&eacute;curit&eacute; que r&eacute;side la
principale cause des guerres qui ont, jusqu'&agrave; nos jours, d&eacute;sol&eacute;
principale cause des guerres qui ont, jusqu’&agrave; nos jours, d&eacute;sol&eacute;
l'humanit&eacute;.&nbsp;
l’humanit&eacute;.&nbsp;
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Comment cela ?&nbsp;
<br />Comment cela&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Quelle est la tendance naturelle de tout producteur,
<br />Quelle est la tendance naturelle de tout producteur,
privil&eacute;gi&eacute; ou non ? C'est d'&eacute;lever le chiffre de sa
privil&eacute;gi&eacute; ou non&#8239;? C’est d’&eacute;lever le chiffre de sa
client&egrave;le afin d'accro&icirc;tre ses b&eacute;n&eacute;fices. Or,
client&egrave;le afin d’accro&icirc;tre ses b&eacute;n&eacute;fices. Or,
sous un r&eacute;gime de monopole, quels moyens les producteurs de s&eacute;curit&eacute;
sous un r&eacute;gime de monopole, quels moyens les producteurs de s&eacute;curit&eacute;
peuvent-ils employer pour augmenter leur client&egrave;le ? Les peuples
peuvent-ils employer pour augmenter leur client&egrave;le&#8239;? Les peuples
ne comptant pas sous ce r&eacute;gime, les peuples formant le domaine l&eacute;gitime
ne comptant pas sous ce r&eacute;gime, les peuples formant le domaine l&eacute;gitime
des oints du Seigneur, nul ne peut invoquer leur volont&eacute; pour acqu&eacute;rir
des oints du Seigneur, nul ne peut invoquer leur volont&eacute; pour acqu&eacute;rir
le droit de les administrer. Les souverains sont donc oblig&eacute;s de
le droit de les administrer. Les souverains sont donc oblig&eacute;s de
recourir aux proc&eacute;d&eacute;s suivants pour augmenter le nombre de
recourir aux proc&eacute;d&eacute;s suivants pour augmenter le nombre de
leurs <i>sujets</i> : 1&deg; acheter &agrave; prix d'argent des royaumes
leurs <i>sujets</i>&nbsp;: 1&deg; acheter &agrave; prix d’argent des royaumes
ou des provinces ; 2&deg; &eacute;pouser des h&eacute;riti&egrave;res apportant
ou des provinces&#8239;; 2&deg; &eacute;pouser des h&eacute;riti&egrave;res apportant
en dot des souverainet&eacute;s ou devant en h&eacute;riter plus tard ;
en dot des souverainet&eacute;s ou devant en h&eacute;riter plus tard&#8239;;
3&deg; conqu&eacute;rir de vive force les domaines de leurs voisins. Premi&egrave;re
3&deg; conqu&eacute;rir de vive force les domaines de leurs voisins. Premi&egrave;re
cause de guerre !&nbsp;
cause de guerre&#8239;!&nbsp;
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Vous pr&eacute;f&eacute;rez donc les gouvernements issus
<br />Vous pr&eacute;f&eacute;rez donc les gouvernements issus
de la souverainet&eacute; du peuple. Vous mettez les r&eacute;publiques
de la souverainet&eacute; du peuple. Vous mettez les r&eacute;publiques
d&eacute;mocratiques au-dessus des monarchies et des aristocraties. A la
d&eacute;mocratiques au-dessus des monarchies et des aristocraties. A la
bonne heure !&nbsp;
bonne heure&#8239;!&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Distinguons, je vous en prie. <b>Je pr&eacute;f&egrave;re
<br />Distinguons, je vous en prie. <b>Je pr&eacute;f&egrave;re
les gouvernements issus de la souverainet&eacute; du peuple, mais les r&eacute;publiques
les gouvernements issus de la souverainet&eacute; du peuple, mais les r&eacute;publiques
que vous nommez d&eacute;mocratiques ne sont pas le moins du monde l'expression
que vous nommez d&eacute;mocratiques ne sont pas le moins du monde l’expression
vraie de la souverainet&eacute; du peuple. Ces gouvernements sont des monopoles
vraie de la souverainet&eacute; du peuple. Ces gouvernements sont des monopoles
&eacute;tendus, des communismes. Or, la souverainet&eacute; du peuple est
&eacute;tendus, des communismes. Or, la souverainet&eacute; du peuple est
incompatible avec le monopole et le communisme.</b>
incompatible avec le monopole et le communisme.</b>
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Qu'est-ce donc &agrave; vos yeux que la souverainet&eacute;
<br />Qu’est-ce donc &agrave; vos yeux que la souverainet&eacute;
du peuple ?&nbsp;
du peuple&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />C'est le droit que poss&egrave;de tout homme de disposer
<br />C’est le droit que poss&egrave;de tout homme de disposer
librement de sa personne et de ses biens, de se gouverner lui-m&ecirc;me.
librement de sa personne et de ses biens, de se gouverner lui-m&ecirc;me.
Si l'homme-souverain a le droit de disposer, en ma&icirc;tre, de sa personne
Si l’homme-souverain a le droit de disposer, en ma&icirc;tre, de sa personne
et de ses biens, il a naturellement aussi le droit de les d&eacute;fendre.
et de ses biens, il a naturellement aussi le droit de les d&eacute;fendre.
Il poss&egrave;de le droit de libre d&eacute;fense. Mais chacun peut-il
Il poss&egrave;de le droit de libre d&eacute;fense. Mais chacun peut-il
exercer isol&eacute;ment ce droit ? Chacun peut-il &ecirc;tre son gendarme
exercer isol&eacute;ment ce droit&#8239;? Chacun peut-il &ecirc;tre son gendarme
et son soldat ? Non ! pas plus que le m&ecirc;me homme ne peut &ecirc;tre
et son soldat&#8239;? Non&#8239;! pas plus que le m&ecirc;me homme ne peut &ecirc;tre
son laboureur, son boulanger, son tailleur, son &eacute;picier, son m&eacute;decin,
son laboureur, son boulanger, son tailleur, son &eacute;picier, son m&eacute;decin,
son pr&ecirc;tre. <b>L'homme ne demeure compl&egrave;tement souverain que
son pr&ecirc;tre. <b>L’homme ne demeure compl&egrave;tement souverain que
sous un r&eacute;gime de pleine libert&eacute;. Tout monopole, tout privil&egrave;ge
sous un r&eacute;gime de pleine libert&eacute;. Tout monopole, tout privil&egrave;ge
est une atteinte port&eacute;e &agrave; sa souverainet&eacute;.</b> Au
est une atteinte port&eacute;e &agrave; sa souverainet&eacute;.</b> Au
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la propri&eacute;t&eacute; des personnes et des choses.&nbsp;
la propri&eacute;t&eacute; des personnes et des choses.&nbsp;
<br />Il faut tout simplement rendre libre les diff&eacute;rentes
<br />Il faut tout simplement rendre libre les diff&eacute;rentes
industries jadis constitu&eacute;es en monopoles, et aujourd'hui exerc&eacute;es
industries jadis constitu&eacute;es en monopoles, et aujourd’hui exerc&eacute;es
<i>en commun</i>. Il faut abandonner &agrave; la libre activit&eacute;
<i>en commun</i>. Il faut abandonner &agrave; la libre activit&eacute;
des individus les industries encore exerc&eacute;es ou r&eacute;glement&eacute;es
des individus les industries encore exerc&eacute;es ou r&eacute;glement&eacute;es
dans l'&Eacute;tat ou dans la commune. Alors l'homme poss&eacute;dant,
dans l’&Eacute;tat ou dans la commune. Alors l’homme poss&eacute;dant,
comme avant l'&eacute;tablissement des soci&eacute;t&eacute;s, le droit
comme avant l’&eacute;tablissement des soci&eacute;t&eacute;s, le droit
d'appliquer librement, sans entrave ni charge aucune, ses facult&eacute;s
d’appliquer librement, sans entrave ni charge aucune, ses facult&eacute;s
&agrave; toute esp&egrave;ce de travaux, jouira de nouveau, pleinement,
&agrave; toute esp&egrave;ce de travaux, jouira de nouveau, pleinement,
de sa souverainet&eacute;.&nbsp;
de sa souverainet&eacute;.&nbsp;
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Et l'administration de la justice donc ?&nbsp;
<br />Et l’administration de la justice donc&#8239;?&nbsp;
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Oui, et l'administration de la justice. Est-il possible
<br />Oui, et l’administration de la justice. Est-il possible
que ces industries, pour parler votre langage, soient exerc&eacute;es autrement
que ces industries, pour parler votre langage, soient exerc&eacute;es autrement
qu'en commun, dans la nation et dans la commune.&nbsp;
qu’en commun, dans la nation et dans la commune.&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br /><b>Je glisserais peut-&ecirc;tre sur ces deux communismes-l&agrave; si vous consentiez bien franchement &agrave; m'abandonner tous les autres; si vous r&eacute;duisiez l'&Eacute;tat &agrave; n'&ecirc;tre plus d&eacute;sormais qu'un gendarme, un soldat ou un juge. Cependant, non !... car le communisme de la s&eacute;curit&eacute; est la clef de vo&ucirc;te du vieux &eacute;difice de la servitude. Je ne vois d'ailleurs aucune raison pour vous accorder celui-l&agrave; plut&ocirc;t que les autres. De deux choses l'une, en effet : Ou le communisme vaut mieux que la libert&eacute;, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l'&Eacute;tat ou dans la commune. Ou la libert&eacute; est pr&eacute;f&eacute;rable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organis&eacute;es en commun, aussi bien la justice et la police que l'enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc.&nbsp;</b>
<br /><b>Je glisserais peut-&ecirc;tre sur ces deux communismes-l&agrave; si vous consentiez bien franchement &agrave; m’abandonner tous les autres; si vous r&eacute;duisiez l’&Eacute;tat &agrave; n’&ecirc;tre plus d&eacute;sormais qu’un gendarme, un soldat ou un juge. Cependant, non&#8239;!... car le communisme de la s&eacute;curit&eacute; est la clef de vo&ucirc;te du vieux &eacute;difice de la servitude. Je ne vois d’ailleurs aucune raison pour vous accorder celui-l&agrave; plut&ocirc;t que les autres. De deux choses l’une, en effet&nbsp;: Ou le communisme vaut mieux que la libert&eacute;, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l’&Eacute;tat ou dans la commune. Ou la libert&eacute; est pr&eacute;f&eacute;rable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organis&eacute;es en commun, aussi bien la justice et la police que l’enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc.&nbsp;</b>
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />C'est logique.&nbsp;
<br />C’est logique.&nbsp;
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Mais est-ce possible ?&nbsp;
<br />Mais est-ce possible&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Je suppose qu'apr&egrave;s avoir bien reconnu que le
<br />Je suppose qu’apr&egrave;s avoir bien reconnu que le
communisme partiel de l'&Eacute;tat et de la commune est d&eacute;cid&eacute;ment
communisme partiel de l’&Eacute;tat et de la commune est d&eacute;cid&eacute;ment
mauvais, on laisse libres toutes les branches de la production, &agrave;
mauvais, on laisse libres toutes les branches de la production, &agrave;
l'exception de la justice et de la d&eacute;fense publique. Pourquoi donc,
l’exception de la justice et de la d&eacute;fense publique. Pourquoi donc,
apr&egrave;s avoir affranchi les diff&eacute;rents emplois de la propri&eacute;t&eacute;,
apr&egrave;s avoir affranchi les diff&eacute;rents emplois de la propri&eacute;t&eacute;,
n'affranchissez-vous pas aussi ceux qui assurent le maintien de la propri&eacute;t&eacute;
n’affranchissez-vous pas aussi ceux qui assurent le maintien de la propri&eacute;t&eacute;
? Comme les autres, ces industries-l&agrave; ne seront-elles pas exerc&eacute;es
? Comme les autres, ces industries-l&agrave; ne seront-elles pas exerc&eacute;es
d'une mani&egrave;re plus &eacute;quitable et plus utile si elles sont
d’une mani&egrave;re plus &eacute;quitable et plus utile si elles sont
rendues libres ? Vous affirmez que c'est impraticable. Pourquoi. D'un c&ocirc;t&eacute;,
rendues libres&#8239;? Vous affirmez que c’est impraticable. Pourquoi. D’un c&ocirc;t&eacute;,
n'y a-t-il pas, au sein de la soci&eacute;t&eacute;, des hommes sp&eacute;cialement
n’y a-t-il pas, au sein de la soci&eacute;t&eacute;, des hommes sp&eacute;cialement
propres, les uns &agrave; juger les diff&eacute;rends qui surviennent entre
propres, les uns &agrave; juger les diff&eacute;rends qui surviennent entre
les propri&eacute;taires et &agrave; appr&eacute;cier les d&eacute;lits
les propri&eacute;taires et &agrave; appr&eacute;cier les d&eacute;lits
commis contre la propri&eacute;t&eacute;, les autres &agrave; d&eacute;fendre
commis contre la propri&eacute;t&eacute;, les autres &agrave; d&eacute;fendre
la propri&eacute;t&eacute; des personnes et des choses contre les agressions
la propri&eacute;t&eacute; des personnes et des choses contre les agressions
de la violence et de la ruse ? Or s'il y a d'un c&ocirc;t&eacute; des hommes
de la violence et de la ruse&#8239;? Or s’il y a d’un c&ocirc;t&eacute; des hommes
propres &agrave; pourvoir &agrave; un besoin de la soci&eacute;t&eacute;,
propres &agrave; pourvoir &agrave; un besoin de la soci&eacute;t&eacute;,
d'un autre c&ocirc;t&eacute;, des hommes dispos&eacute;s &agrave; s'imposer
d’un autre c&ocirc;t&eacute;, des hommes dispos&eacute;s &agrave; s’imposer
des sacrifices pour obtenir la satisfaction de ce besoin, ne suffit-il
des sacrifices pour obtenir la satisfaction de ce besoin, ne suffit-il
pas de <i>laisser faire</i> les uns et les autres pour que la denr&eacute;e
pas de <i>laisser faire</i> les uns et les autres pour que la denr&eacute;e
demand&eacute;e, mat&eacute;rielle ou immat&eacute;rielle, se produise,
demand&eacute;e, mat&eacute;rielle ou immat&eacute;rielle, se produise,
et que le besoin soit satisfait ? Ne suis-je donc pas fond&eacute; &agrave;
et que le besoin soit satisfait&#8239;? Ne suis-je donc pas fond&eacute; &agrave;
dire que si une soci&eacute;t&eacute; renon&ccedil;ait &agrave; pourvoir
dire que si une soci&eacute;t&eacute; renon&ccedil;ait &agrave; pourvoir
&agrave; la s&eacute;curit&eacute; publique, cette industrie particuli&egrave;re
&agrave; la s&eacute;curit&eacute; publique, cette industrie particuli&egrave;re
n'en serait pas moins exerc&eacute;e ? Ne suis-je pas fond&eacute; &agrave;
n’en serait pas moins exerc&eacute;e&#8239;? Ne suis-je pas fond&eacute; &agrave;
ajouter qu'elle le serait mieux sous le r&eacute;gime de la libert&eacute;
ajouter qu’elle le serait mieux sous le r&eacute;gime de la libert&eacute;
qu'elle ne pouvait l'&ecirc;tre sous le r&eacute;gime de la communaut&eacute;.&nbsp;
qu’elle ne pouvait l’&ecirc;tre sous le r&eacute;gime de la communaut&eacute;.&nbsp;
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />De quelle mani&egrave;re ?&nbsp;
<br />De quelle mani&egrave;re&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />Cela ne regarde pas les &eacute;conomistes. L'&eacute;conomie
<br />Cela ne regarde pas les &eacute;conomistes. L’&eacute;conomie
politique peut dire : <b>si tel besoin existe</b>, il sera satisfait, et
politique peut dire&nbsp;: <b>si tel besoin existe</b>, il sera satisfait, et
il le sera mieux sous un r&eacute;gime d'enti&egrave;re libert&eacute;
il le sera mieux sous un r&eacute;gime d’enti&egrave;re libert&eacute;
que tout autre. A cette r&egrave;gle, aucune exception ! mais comment s'organisera cette industrie, quels seront ses proc&eacute;d&eacute;s techniques, voil&agrave; ce que l'&eacute;conomie politique ne saurait dire. Je pr&eacute;tends donc que si une communaut&eacute; d&eacute;clarait renoncer, au bout d'un certain d&eacute;lai, un an par exemple, &agrave; salarier des juges, des soldats et des gendarmes, au bout de l'ann&eacute;e cette communaut&eacute; n'en poss&eacute;derait pas moins des tribunaux et des gouvernements pr&ecirc;ts &agrave; fonctionner ; et j'ajoute que si, sous ce nouveau r&eacute;gime,
que tout autre. A cette r&egrave;gle, aucune exception&#8239;! mais comment s’organisera cette industrie, quels seront ses proc&eacute;d&eacute;s techniques, voil&agrave; ce que l’&eacute;conomie politique ne saurait dire. Je pr&eacute;tends donc que si une communaut&eacute; d&eacute;clarait renoncer, au bout d’un certain d&eacute;lai, un an par exemple, &agrave; salarier des juges, des soldats et des gendarmes, au bout de l’ann&eacute;e cette communaut&eacute; n’en poss&eacute;derait pas moins des tribunaux et des gouvernements pr&ecirc;ts &agrave; fonctionner&#8239;; et j’ajoute que si, sous ce nouveau r&eacute;gime,
chacun conservait le droit d'exercer librement ces deux industries et d'en
chacun conservait le droit d’exercer librement ces deux industries et d’en
acheter librement les services, la s&eacute;curit&eacute; serait produite
acheter librement les services, la s&eacute;curit&eacute; serait produite
le plus &eacute;conomiquement et le mieux possible.&nbsp;
le plus &eacute;conomiquement et le mieux possible.&nbsp;
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br /><br />LE CONSERVATEUR.
<br />Comment ces compagnies libres s'entendraient-elles pour
<br />Comment ces compagnies libres s’entendraient-elles pour
pourvoir &agrave; la s&eacute;curit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale ?&nbsp;
pourvoir &agrave; la s&eacute;curit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br /><b>Elles s'entendraient comme s'entendent aujourd'hui
<br /><b>Elles s’entendraient comme s’entendent aujourd’hui
les gouvernements monopoleurs et communistes, parce qu'elles auraient int&eacute;r&ecirc;t &agrave; s'entendre. </b>Plus, en effet, elles se donneraient de facilit&eacute;s mutuelles pour saisir les voleurs et les assassins, et plus elles diminueraient leurs frais. Par la nature m&ecirc;me de leur industrie, les compagnies d'assurances sur la propri&eacute;t&eacute; ne pourraient d&eacute;passer certaines circonscriptions : elles perdraient &agrave; entretenir une police
les gouvernements monopoleurs et communistes, parce qu’elles auraient int&eacute;r&ecirc;t &agrave; s’entendre. </b>Plus, en effet, elles se donneraient de facilit&eacute;s mutuelles pour saisir les voleurs et les assassins, et plus elles diminueraient leurs frais. Par la nature m&ecirc;me de leur industrie, les compagnies d’assurances sur la propri&eacute;t&eacute; ne pourraient d&eacute;passer certaines circonscriptions&nbsp;: elles perdraient &agrave; entretenir une police
dans les endroits o&ugrave; elles n'auraient qu'une faible client&egrave;le.
dans les endroits o&ugrave; elles n’auraient qu’une faible client&egrave;le.
<b>Dans leurs circonscriptions elles ne pourraient n&eacute;anmoins opprimer ni exploiter leurs clients, sous peine de voir surgir instantan&eacute;ment
<b>Dans leurs circonscriptions elles ne pourraient n&eacute;anmoins opprimer ni exploiter leurs clients, sous peine de voir surgir instantan&eacute;ment
des concurrences.&nbsp;</b>
des concurrences.&nbsp;</b>
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Et si la compagnie existante voulait emp&ecirc;cher les
<br />Et si la compagnie existante voulait emp&ecirc;cher les
concurrences de s'&eacute;tablir ?&nbsp;
concurrences de s’&eacute;tablir&#8239;?&nbsp;
<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
<br /><br />L’&Eacute;CONOMISTE.
<br />En un mot, si elle portait atteinte &agrave; la <i>propri&eacute;t&eacute;</i>
<br />En un mot, si elle portait atteinte &agrave; la <i>propri&eacute;t&eacute;</i>
de ses concurrents et &agrave; la souverainet&eacute; de tous... Oh ! alors,
de ses concurrents et &agrave; la souverainet&eacute; de tous... Oh&#8239;! alors,
tous ceux dont les monopoleurs menaceraient la propri&eacute;t&eacute;
tous ceux dont les monopoleurs menaceraient la propri&eacute;t&eacute;
et l'ind&eacute;pendance se l&egrave;veraient pour les ch&acirc;tier.&nbsp;
et l’ind&eacute;pendance se l&egrave;veraient pour les ch&acirc;tier.&nbsp;
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br /><br />LE SOCIALISTE.
<br />Et si toutes les compagnies s'entendaient pour se constituer
<br />Et si toutes les compagnies s’entendaient pour se constituer
en monopoles. Si elles formaient une <i>sainte-alliance</i> pour s'imposer
en monopoles. Si elles formaient une <i>sainte-alliance</i> pour s’imposer
aux nations, et si fortifi&eacute;es par cette coalition, elles exploitaient
aux nations, et si fortifi&eacute;es par cette coalition, elles exploitaient
sans merci les malheureux consommateurs de s&eacute;curit&eacute;, si elles
sans merci les malheureux consommateurs de s&eacute;curit&eacute;, si elles
attiraient &agrave; elles par ce lourds imp&ocirc;ts la meilleure part
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des fruits du travail des peuples ?&nbsp;
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<br /><br />L'&Eacute;CONOMISTE.
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<br />Si, pour tout dire, elles recommen&ccedil;aient &agrave;
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faire ce que les vieilles aristocraties ont fait jusqu'&agrave; nos jours...
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Eh ! bien, alors, les peuples suivraient le conseil de l'&eacute;tranger : Peuples, formez une Sainte-Alliance Et donnez-vous la main. Ils s'uniraient, &agrave; leur tour, et comme ils poss&egrave;dent des moyens de communication que n'avaient pas leurs anc&ecirc;tres, comme ils sont cent fois plus nombreux que leurs vieux dominateurs, la sainte-alliance des aristocraties serait bient&ocirc;t an&eacute;antie. Nul ne serait plus tent&eacute; alors, je vous le jure, de constituer un monopole.&nbsp;
Eh&#8239;! bien, alors, les peuples suivraient le conseil de l’&eacute;tranger&nbsp;: Peuples, formez une Sainte-Alliance Et donnez-vous la main. Ils s’uniraient, &agrave; leur tour, et comme ils poss&egrave;dent des moyens de communication que n’avaient pas leurs anc&ecirc;tres, comme ils sont cent fois plus nombreux que leurs vieux dominateurs, la sainte-alliance des aristocraties serait bient&ocirc;t an&eacute;antie. Nul ne serait plus tent&eacute; alors, je vous le jure, de constituer un monopole.&nbsp;




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Revision as of 10 December 2022 à 19:22

Extraits de Les Soirées de la rue Saint-Lazare, par Gustave de Molinari, 1849, Onzième soirée. Les mises en gras sont de nous.

LE CONSERVATEUR.
Dans votre système d’absolue propriété et de pleine liberté économique, quelle est donc la fonction du gouvernement ? 

L’ÉCONOMISTE.
La fonction du gouvernement consiste uniquement à assurer à chacun la conservation de sa propriété. 

LE SOCIALISTE.
A mon tour, j’ai une question à vous faire : Il y a aujourd’hui, dans le monde, deux sortes de gouvernements : les uns font remonter leur origine à un prétendu droit divin..... 

LE SOCIALISTE.
Les autres sont issus de la souveraineté du peuple. Lesquels préférez-vous ? 

L’ÉCONOMISTE.
Je ne veux ni des uns ni des autres. Les premiers sont des gouvernements de monopole, les seconds sont des gouvernements communistes. Au nom du principe de la propriété, au nom du droit que je possède de me pourvoir moi-même de sécurité, ou d’en acheter à qui bon me semble, je demande des gouvernements libres

LE CONSERVATEUR.
Qu’est-ce à dire ? 

L’ÉCONOMISTE.
C’est-à-dire, des gouvernements dont je puisse, au gré de ma volonté individuelle, accepter ou refuser les services. 

LE CONSERVATEUR.
Parlez-vous sérieusement ? 

L’ÉCONOMISTE.
Le monopole du gouvernement ne vaut pas mieux qu’un autre. On ne gouverne pas bien, et surtout on ne gouverne pas à bon marché, lorsqu’on n’a aucune concurrence à redouter, lorsque les gouvernements sont privés du droit de choisir librement leurs gouvernants. Accordez à un épicier la fourniture exclusive d’un quartier, défendez aux habitants de ce quartier d’acheter aucune denrée chez les épiciers voisins, ou bien encore de s’approvisionner eux-mêmes d’épiceries, et vous verrez quelles détestables drogues l’épicier privilégié finira par débiter et à quel prix ! Vous verrez de quelle façon il s’engraissera aux dépens des infortunés consommateurs, quel faste royal il étalera pour la plus grande gloire du quartier... Eh bien ! ce qui est vrai pour les services les plus infimes ne l’est pas moins pour les services les plus élevés. Le monopole d’un gouvernement ne saurait valoir mieux que celui d’une boutique d’épiceries. La production de la sécurité devient inévitablement coûteuse et mauvaise lorsqu’elle est organisée en monopole. C’est dans le monopole de la sécurité que réside la principale cause des guerres qui ont, jusqu’à nos jours, désolé l’humanité. 

LE CONSERVATEUR.
Comment cela ? 

L’ÉCONOMISTE.
Quelle est la tendance naturelle de tout producteur, privilégié ou non ? C’est d’élever le chiffre de sa clientèle afin d’accroître ses bénéfices. Or, sous un régime de monopole, quels moyens les producteurs de sécurité peuvent-ils employer pour augmenter leur clientèle ? Les peuples ne comptant pas sous ce régime, les peuples formant le domaine légitime des oints du Seigneur, nul ne peut invoquer leur volonté pour acquérir le droit de les administrer. Les souverains sont donc obligés de recourir aux procédés suivants pour augmenter le nombre de leurs sujets : 1° acheter à prix d’argent des royaumes ou des provinces ; 2° épouser des héritières apportant en dot des souverainetés ou devant en hériter plus tard ; 3° conquérir de vive force les domaines de leurs voisins. Première cause de guerre ! 

LE SOCIALISTE.
Vous préférez donc les gouvernements issus de la souveraineté du peuple. Vous mettez les républiques démocratiques au-dessus des monarchies et des aristocraties. A la bonne heure ! 

L’ÉCONOMISTE.
Distinguons, je vous en prie. Je préfère les gouvernements issus de la souveraineté du peuple, mais les républiques que vous nommez démocratiques ne sont pas le moins du monde l’expression vraie de la souveraineté du peuple. Ces gouvernements sont des monopoles étendus, des communismes. Or, la souveraineté du peuple est incompatible avec le monopole et le communisme.

LE SOCIALISTE.
Qu’est-ce donc à vos yeux que la souveraineté du peuple ? 

L’ÉCONOMISTE.
C’est le droit que possède tout homme de disposer librement de sa personne et de ses biens, de se gouverner lui-même. Si l’homme-souverain a le droit de disposer, en maître, de sa personne et de ses biens, il a naturellement aussi le droit de les défendre. Il possède le droit de libre défense. Mais chacun peut-il exercer isolément ce droit ? Chacun peut-il être son gendarme et son soldat ? Non ! pas plus que le même homme ne peut être son laboureur, son boulanger, son tailleur, son épicier, son médecin, son prêtre. L’homme ne demeure complètement souverain que sous un régime de pleine liberté. Tout monopole, tout privilège est une atteinte portée à sa souveraineté. Au premier rang des industries organisées en commun figure celle qui a pour objet de protéger, de défendre contre toute agression la propriété des personnes et des choses. 
Il faut tout simplement rendre libre les différentes industries jadis constituées en monopoles, et aujourd’hui exercées en commun. Il faut abandonner à la libre activité des individus les industries encore exercées ou réglementées dans l’État ou dans la commune. Alors l’homme possédant, comme avant l’établissement des sociétés, le droit d’appliquer librement, sans entrave ni charge aucune, ses facultés à toute espèce de travaux, jouira de nouveau, pleinement, de sa souveraineté. 

LE SOCIALISTE.
Et l’administration de la justice donc ? 

LE CONSERVATEUR.
Oui, et l’administration de la justice. Est-il possible que ces industries, pour parler votre langage, soient exercées autrement qu’en commun, dans la nation et dans la commune. 

L’ÉCONOMISTE.
Je glisserais peut-être sur ces deux communismes-là si vous consentiez bien franchement à m’abandonner tous les autres; si vous réduisiez l’État à n’être plus désormais qu’un gendarme, un soldat ou un juge. Cependant, non !... car le communisme de la sécurité est la clef de voûte du vieux édifice de la servitude. Je ne vois d’ailleurs aucune raison pour vous accorder celui-là plutôt que les autres. De deux choses l’une, en effet : Ou le communisme vaut mieux que la liberté, et, dans ce cas, il faut organiser toutes les industries en commun, dans l’État ou dans la commune. Ou la liberté est préférable au communisme, et, dans ce cas, il faut rendre libres toutes les industries encore organisées en commun, aussi bien la justice et la police que l’enseignement, les cultes, les transports, la fabrication des tabacs, etc. 

LE SOCIALISTE.
C’est logique. 

LE CONSERVATEUR.
Mais est-ce possible ? 

L’ÉCONOMISTE.
Je suppose qu’après avoir bien reconnu que le communisme partiel de l’État et de la commune est décidément mauvais, on laisse libres toutes les branches de la production, à l’exception de la justice et de la défense publique. Pourquoi donc, après avoir affranchi les différents emplois de la propriété, n’affranchissez-vous pas aussi ceux qui assurent le maintien de la propriété ? Comme les autres, ces industries-là ne seront-elles pas exercées d’une manière plus équitable et plus utile si elles sont rendues libres ? Vous affirmez que c’est impraticable. Pourquoi. D’un côté, n’y a-t-il pas, au sein de la société, des hommes spécialement propres, les uns à juger les différends qui surviennent entre les propriétaires et à apprécier les délits commis contre la propriété, les autres à défendre la propriété des personnes et des choses contre les agressions de la violence et de la ruse ? Or s’il y a d’un côté des hommes propres à pourvoir à un besoin de la société, d’un autre côté, des hommes disposés à s’imposer des sacrifices pour obtenir la satisfaction de ce besoin, ne suffit-il pas de laisser faire les uns et les autres pour que la denrée demandée, matérielle ou immatérielle, se produise, et que le besoin soit satisfait ? Ne suis-je donc pas fondé à dire que si une société renonçait à pourvoir à la sécurité publique, cette industrie particulière n’en serait pas moins exercée ? Ne suis-je pas fondé à ajouter qu’elle le serait mieux sous le régime de la liberté qu’elle ne pouvait l’être sous le régime de la communauté. 

LE CONSERVATEUR.
De quelle manière ? 

L’ÉCONOMISTE.
Cela ne regarde pas les économistes. L’économie politique peut dire : si tel besoin existe, il sera satisfait, et il le sera mieux sous un régime d’entière liberté que tout autre. A cette règle, aucune exception ! mais comment s’organisera cette industrie, quels seront ses procédés techniques, voilà ce que l’économie politique ne saurait dire. Je prétends donc que si une communauté déclarait renoncer, au bout d’un certain délai, un an par exemple, à salarier des juges, des soldats et des gendarmes, au bout de l’année cette communauté n’en posséderait pas moins des tribunaux et des gouvernements prêts à fonctionner ; et j’ajoute que si, sous ce nouveau régime, chacun conservait le droit d’exercer librement ces deux industries et d’en acheter librement les services, la sécurité serait produite le plus économiquement et le mieux possible. 

LE CONSERVATEUR.
Comment ces compagnies libres s’entendraient-elles pour pourvoir à la sécurité générale ? 

L’ÉCONOMISTE.
Elles s’entendraient comme s’entendent aujourd’hui les gouvernements monopoleurs et communistes, parce qu’elles auraient intérêt à s’entendre. Plus, en effet, elles se donneraient de facilités mutuelles pour saisir les voleurs et les assassins, et plus elles diminueraient leurs frais. Par la nature même de leur industrie, les compagnies d’assurances sur la propriété ne pourraient dépasser certaines circonscriptions : elles perdraient à entretenir une police dans les endroits où elles n’auraient qu’une faible clientèle. Dans leurs circonscriptions elles ne pourraient néanmoins opprimer ni exploiter leurs clients, sous peine de voir surgir instantanément des concurrences. 

LE SOCIALISTE.
Et si la compagnie existante voulait empêcher les concurrences de s’établir ? 

L’ÉCONOMISTE.
En un mot, si elle portait atteinte à la propriété de ses concurrents et à la souveraineté de tous... Oh ! alors, tous ceux dont les monopoleurs menaceraient la propriété et l’indépendance se lèveraient pour les châtier. 

LE SOCIALISTE.
Et si toutes les compagnies s’entendaient pour se constituer en monopoles. Si elles formaient une sainte-alliance pour s’imposer aux nations, et si fortifiées par cette coalition, elles exploitaient sans merci les malheureux consommateurs de sécurité, si elles attiraient à elles par ce lourds impôts la meilleure part des fruits du travail des peuples ? 

L’ÉCONOMISTE.
Si, pour tout dire, elles recommençaient à faire ce que les vieilles aristocraties ont fait jusqu’à nos jours... Eh ! bien, alors, les peuples suivraient le conseil de l’étranger : Peuples, formez une Sainte-Alliance Et donnez-vous la main. Ils s’uniraient, à leur tour, et comme ils possèdent des moyens de communication que n’avaient pas leurs ancêtres, comme ils sont cent fois plus nombreux que leurs vieux dominateurs, la sainte-alliance des aristocraties serait bientôt anéantie. Nul ne serait plus tenté alors, je vous le jure, de constituer un monopole.