Reisman: Le redressement économique

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Le redressement économique passe par la reconstitution du capital, non par des « plans de relance » étatiques

George Reisman, 21 février 2009

Original : Economic Recovery Requires Capital Accumulation Not Government “Stimulus Packages”

Cet article en deux parties est le deuxième d'une série d'articles qui visent à donner au profane éclairé assez de connaissances en théorie économique rationnelle pour lui permettre de comprendre ce qu’il y a lieu de faire pour surmonter la crise financière actuelle et reprendre le chemin du progrès économique et de la prospérité. Le premier article de cette série était “Falling Prices Are Not Deflation but the Antidote to Deflation.” ("la baisse des prix n’est pas de la déflation mais le remède à la déflation."


I° Partie : Le capital, l’épargne et notre crise économique

Imaginez un individu qui, par manque de sommeil, serait léthargique et n'aurait pas l'énergie de fonctionner à son niveau normal. Il existe des médicaments qui peuvent le faire se sentir pleinement remonté, même après une nuit sans sommeil aucun, et apparemment capable de fonctionner le lendemain avec une efficacité maximale. Il reste que ce n'est pas une bonne idée que de prendre ces médicaments-là. Cela tient au fait que cette stimulation-là ne règle pas le problème de fond de la personne en question, qui est le manque de sommeil : au contraire, elle l’aggrave, puisque cette « relance » épuise davantage les réserves d’énergie de son corps et le rapproche davantage de l'épuisement total.

Cette description s'applique au ralentissement actuel de notre système économique et aux efforts visant à surmonter celui-ci par une « politique budgétaire » avec ses « plans de relance ». Ce que ces termes-là veulent dire, c’est davantage de dépenses publiques, ou des baisses d’impôts uniquement destinés à encourager la consommation. Cela peut impliquer de prétendues « ristournes » d'impôt sur le revenu pour des personnes qui n’en auraient payé aucun et sur qui, parce que leurs revenus sont faibles, on peut vraisemblablement compter le plus pour se dépêcher de consommer davantage, dès qu’on leur aurait mis dans les mains des ressources supplémentaires. La différence principale entre cette « stimulation » économique et les « stimulants » pharmaceutiques est que les stimulants économiques ne réussiront pas, même temporairement, à faire revenir le système économique à quoi que ce soit qui approche son niveau normal d'activité. Un système économique qui entre dans une récession ou une dépression majeure se trouve dans une situation très semblable à celle de notre individu imaginaire privé de sommeil. Il suffit d’y remplacer le manque de sommeil nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme par le manque de quelque chose qui est nécessaire au bon fonctionnement du système économique.


Le capital

Dans le cas du système économique, ce quelque chose qui manque, c’est du capital. Si le système économique ne fonctionne pas correctement, c’est parce qu’il a subi des pertes en capital.

Le capital est la richesse accumulée qui est la propriété d’entreprises ou de particuliers, et dont ceux-ci se servent pour en tirer un profit ou des revenus d'intérêt. Le capital regroupe l'ensemble des exploitations agricoles, des usines, des mines, des machines et de tous les autres équipements, des moyens de transport et de communication, les entrepôts, magasins, immeubles de bureaux, logements locatifs, ainsi que les stocks de matériaux, composants, fournitures, produits semi-finis et produits finis que possèdent les entreprises. Le capital comprend aussi la monnaie détenue par les entreprises, même si la monnaie est une catégorie à part. En outre, il englobe les fonds qui ont été prêtés à l'intérêt aux consommateurs, en vue d’acheter des produits de consommation tels que des maisons, des automobiles, des appareils électroménagers, et tout ce qui est trop cher pour se payer avec les revenus gagnés au cours d’une période de paie, et pour quoi l'acheteur lui-même n’a pas suffisamment d'économies.

C’est la disponibilité des capitaux dans un système économique qui détermine sa capacité à produire des biens et services et à employer la main-d'œuvre, et aussi à acheter à crédit des biens de consommation. Plus il y a de capital, plus grande est la possibilité de faire toutes ces choses, moins il y a de capital, plus faible est la capacité de faire l'une ou l’autre de ces choses.


L’épargne

Epargner ne veut pas dire ne pas dépenser. Ça ne veut pas dire thésauriser.


C’est en épargnant que l’on accumule le capital. L'épargne est le fait de s'abstenir de consommer des ressources que l’on a gagnées à vendre des produits ou des services. Epargner ne veut pas dire ne pas dépenser. Ça ne veut pas dire thésauriser. Cela veut dire que ce n’est pas pour consommer que l’on dépense. S’abstenir de dépenser pour consommer est ce qui permet de dépenser autant pour la production. Quiconque épargne est, dans cette mesure, en mesure d'acheter des biens d'équipement et de payer des salaires aux travailleurs, de faire des prêts pour l'achat de biens de consommation coûteux, ou de prêter des fonds à d'autres qui les affecteront à l'une ou l’autre de ces utilisations.

Ces faits-là, on est obligé d’attirer l’attention sur eux, parce qu’une ignorance totale règne aujourd’hui à leur propos. Ignorance qui caractérise une déclaration faite en passant dans un récent article du New York Times. Cette déclaration-là, on la présentait avec la conviction que sa véracité était tellement bien établie qu’elle ne saurait prêter à controverse. Elle consistait à prétendre que :

"Un dollar économisé ne circule pas dans l'économie, et l'augmentation des taux d'épargne se traduit par une baisse des ventes et une diminution des recettes pour les entreprises en difficulté." (Jack Healy, « Consumers Are Saving More and Spending Less”, 3 février 2009, p. B3.)

On dirait que l'auteur de cet article s’imagine que les maisons et autres biens de consommation coûteux s’achèteraient en tirant sur les revenus… d’un seul mois, délai habituel entre deux fiches de paye. Si c’était le cas, on n’aurait jamais besoin de faire des économies pour pouvoir se les payer.

la réalité est que, dans le système économique, c’est à partir de l’épargne que se font la plupart des dépenses

En fait, bien sûr, l'achat d'une maison nécessite généralement une somme égale à la totalité des revenus de l’acheteur sur trois ans ou plus ; celui d’une voiture, ceux de plusieurs mois, et d'innombrables autres produits, une part trop grande des revenus d'une seule période pour pouvoir être payés avec si peu d’argent. Dans tous ces cas, un processus d’épargne est essentiel pour le seul achat de biens de consommation. L'épargne accumulée peut être celle de l'acheteur lui-même, ou alors celui-ci peut l’avoir empruntée, en totalité ou en partie. Mais, dans tous les cas, il est indispensable que quelqu’un fasse des économies pour qu’on puisse acheter des biens de onsommation qui coûtent cher.

Le journaliste du Times, et tous ses collègues, et les professeurs qui sont censés l’avoir formé lui et ses collègues, et qui tous débitent de telles inepties à propos de l'épargne, sont tout aussi ignorants d’autres faits encore plus importants à son sujet. Ils ne savent pas non plus que l'épargne est également la condition nécessaire pour que les détaillants puissent acheter des marchandises auprès des grossistes, que les grossistes puissent acheter des marchandises auprès des fabricants, que les fabricants, producteurs et tous les autres, puissent acheter des marchandises auprès de leurs fournisseurs, et ainsi de suite. Elle est également la condition préalable pour qu’à toutes ces étapes, les vendeurs soient en mesure de payer des salaires à leurs employés.

Des dépenses de ce genre, il faut généralement les faire, les payer avant que l'acheteur n’ait reçu l'argent de la vente de ses propres produits, qui doivent finalement en résulter. Par exemple, ni les industries automobiles ni les aciéries ne peuvent payer maintenant leurs employés ni leurs fournisseurs avec les recettes de la vente des automobiles qui finira par se produire grâce aux biens de capital et à la main-d’oeuvre qu’elles ont achetés. Et même dans les cas où le paiement aux fournisseurs se fait à partir des recettes de la vente finale des marchandises qui en résultent, le vendeur doit s'abstenir de consommer ces recettes-là, c'est-à-dire qu’il doit les épargner, et s’en servir pour payer les biens de capital et la main-d'œuvre qu’il avait alors achetés.

En revanche, les journalistes keynésiens, et leurs professeurs, s’imaginent que ces vendeurs-là ne feraient rien d’autre que consommer, ou accumuler dans leurs caisses des pièces et des billets. Ils sont trop abrutis pour se rendre compte que, si c’était vraiment le cas, il n'y aurait jamais aucune demande pour autre chose que des biens de consommation finale. Cela apparaîtra évident si on se contente de suivre l’exemple des manuels keynésiens là où ceux-ci prétendent décrire le processus des dépenses.

Là, un consommateur achète, par exemple, pour 100 dollars de chemises dans un grand magasin ; puis le propriétaire du magasin, suivant sa "propension marginale à consommer" keynésienne de 0,75, achète pour 75 $ de nourriture dans un restaurant et thésaurise les 25 $ qui lui restent de son revenu ; à son tour, le propriétaire du restaurant achète pour 56,25 (.75 x 75 $) de livres, tout en thésaurisant prétendument les 18,75 $ de son revenu qui lui restent, et ainsi de suite. Alors, comme les keynésiens ne le savent pas, si une telles succession de dépenses se produisait effectivement, tout ce qu’il y aurait serait une somme des dépenses de consommation et rien d'autre.

Or, la réalité est que, dans le système économique, c’est à partir de l’épargne que se font la plupart des dépenses. Ce que le vendeur de chemises va faire, vraisemblablement, c’est épargner et dépenser à des fins productives 95 $ ou plus pour remplacer les chemises qu’il a vendues, payer ses employés et faire d'autres achats nécessaires à la conduite de ses affaires, et ne consacrer peut-être que 5 dollars à la consommation. Et de même pour ceux qui lui vendent des produits, pour les fournisseurs de ses fournisseurs, pour les fournisseurs de ces fournisseurs de ses fournisseurs, et ainsi de suite.

N’importe quel compte d’exploitation d'entreprise peut fournir une confirmation directe de ces faits. Le rapport des coûts au chiffre d’affaires qu’on peut en tirer indique la proportion de ce chiffre d’affaires que l’on épargne pour faire des dépenses en main-d'œuvre et en biens de capital. En effet, les coûts dont il rend compte sont eux-mêmes un reflet des dépenses en main-d'œuvre et en biens de capital faits dans le passé ; et dans l’avenir, l'épargne et les dépenses de production tirées du chiffre d'affaires actuel apparaîtront eux-mêmes comme des coûts de l’entreprise. Plus élevé est le rapport de ces coûts sur les ventes, plus élevé est le niveau d'épargne et de dépenses de production relativement au chiffre d’affaires : quand une entreprise a des coûts de 95 $ et un chiffre d’affaires de 100 $, on peut comprendre que cette entreprise épargne, et dépense de façon productive 95 $ à partir de 100 $ de son chiffre d'affaires. Et c’est une relation qui s'applique à l'ensemble du système économique.


Epargner n’est pas thésauriser

Dans la mesure où se produit une « thésaurisation » ou, plus précisément, un accroissement de la demande de monnaie pour détenir celle-ci, ce n'est pas parce que les gens ont décidé d’épargner. Que se passe en fait, c'est que les entreprises ou les investisseurs ont conclu qu’ils avaient besoin de modifier la composition de leur épargne déjà accumulée pour détenir davantage de monnaie et moins d'autres actifs.

Par exemple, une personne pourrait décider que, au lieu d’avoir 90 % de ses économies investis dans des actions et autres valeurs mobilières et seulement 10 % en monnaie sur son compte-chèques, elle a besoin de faire passer son encaisse monétaire à 20 ou 25 %. De même, une société pourrait décider qu'elle a besoin d’accroître sa trésorerie, relativement à ses autres actifs, afin d'être mieux à même de payer ses factures venant à échéance.

rien ne saurait être plus invraisemblable que de voir, au milieu de cette débâcle, de nombreux individus, y compris la grande majorité des économistes professionnels, exprimer leur crainte de l’épargne

C’est même ce qui se passe en ce moment, dans la mesure où il y a de plus en plus d’entreprises qui découvrent qu’elles ne peuvent plus compter pouvoir emprunter de l'argent pour ce faire. En outre, l'accroissement des encaisses qui se produit dans de telles circonstances, non seulement ne représente pas une épargne supplémentaire, mais se produit en même temps qu’une forte baisse dans le montant total de l'épargne accumulée. Par exemple, les accroissements d’encaisses monétaires qui se produisent lieu aujourd'hui répondent à une baisse importante de l'immobilier et des marchés boursiers, à des faillites importantes et nombreuses, et à des pertes énormes de la part des banques et autres institutions financières. Tout cela représente une réduction de la valeur des actifs, c'est-à-dire, de ce que vaut l'épargne accumulée. Et les gens se tournent vers la monnaie liquide pour d'éviter davantage de pertes de ce genre dans leur épargne accumulée. Bien sûr, de multiples tentatives pour convertir en monnaie des actifs autres que de la monnaie entraînent de nouvelles baisses de la valeur de l'épargne accumulée, étant donné que la vente de ces actifs pèse à la baisse sur leur valeur.

L'épargne accumulée dans le système économique a chuté de plusieurs billions de dollars, et rien ne saurait être plus invraisemblable que de voir, au milieu de cette débâcle, de nombreux individus, y compris la grande majorité des économistes professionnels, exprimer leur crainte de l’épargne et s’imaginer qu’il faudrait encourager la consommation à ses dépens. Voilà l’étendue de l’incompréhension, complète et totale, qui domine en économie.

On pourrait espérer qu'un groupe d’individus tels que la plupart des économistes, qui se flattent de pratiquer la méthode expérimentale, jetteraient de temps à autre un coup d’œil sur la réalité du monde où ils vivent et, assistant à de milliers de milliards de dollars de pertes dans l'épargne accumulée, commenceraient à soupçonner qu'il pourrait falloir remplacer l’épargne perdue au lieu de faire tout son possible pour prévenir son remplacement.

Les récessions et les dépressions, avec les pertes qui y sont associées, sont le résultat des tentatives pour créer du capital à partir d'une expansion du crédit en lieu et place de l'épargne.

Les dépressions et l'expansion du crédit

Les récessions et les dépressions, avec les pertes qui y sont associées sont le résultat des tentatives pour créer du capital à partir d'une expansion du crédit en lieu et place de l'épargne. L'expansion du crédit consiste à prêter une nouvelle monnaie supplémentaire, créée à partir de rien par le système bancaire, agissant avec les encouragements et le soutien des hommes de l’état. La monnaie ainsi créée et distribuée sous forme de prêts présente les apparences d’un capital nouveau et supplémentaire, mais elle ne l’est pas.

Comme une personne qui se croit enrichie au cours d'une bulle financière, et que cela conduit à adopter un niveau de vie qui est au-delà de ses véritables moyens, les entreprises sont amenées à entreprendre des projets qui sont au delà de leurs moyens réels

Le fait qu’elle paraisse être ce capital nouveau et supplémentaire engendre une compréhension exagérée et fausse de la quantité de capital qui est disponible pour soutenir l'activité économique. Comme une personne qui se croit enrichie au cours d'une bulle financière, et que cela conduit à adopter un niveau de vie qui est au-delà de ses véritables moyens, les entreprises sont amenées à entreprendre des projets qui sont au-delà de leurs moyens réels.

Pour un consommateur individuel, l'achat d'une maison ou d’une voiture trop chères dans l'illusion qu'il est riche se révèle plus tard être la cause d’une perte importante dès lors qu’il s’aperçoit qu'il ne pouvait pas vraiment se permettre ces choses-là, et qu’il s’en porterait mieux s'il ne les avait pas achetés. De même, les projets immobiliers commerciaux, l’ouverture accélérée de magasins, l’acquisition d'autres entreprises, et ainsi de suite, entreprises dans l'illusion d'une soudaine abondance de capital disponible, s’avèrent être des sources de pertes importantes lorsque s'évapore cette illusion de capitaux supplémentaires.

L'expansion du crédit favorise également une réduction artificielle de la demande de monnaie à des fins de détention, ce qui prépare un accroissement ultérieur de la demande de détention de monnaie, telle que décrite quelques paragraphes plus haut. La réduction de la demande de détention de monnaie se produit parce que, aussi longtemps que l'expansion du crédit se poursuit, les entreprises ont la possibilité d'emprunter facilement et de façon rentable, et donc d’en venir à croire qu'elles peuvent substituer leur capacité d'emprunter à une détention effective d’argent liquide. La hausse du chiffre d'affaires engendrée par la dépense de la monnaie nouvelle et supplémentaire que prêtent les banques encourage également l’entretien de stocks supplémentaires comme un substitut à la détention de monnaie, dans la conviction que ces stocks peuvent se liquider facilement et de façon rentable.

Les récessions et les dépressions sont le résultat des pertes en capital provoquées par les mauvais investissements et la surconsommation que cause l'expansion du crédit. Ces pertes sont ensuite aggravées par l’accroissement de la demande de monnaie qui s’ensuit. Elles peuvent être encore aggravées par une diminution consécutive de la masse monétaire si les pertes subies par les banques ont entraîné des pertes pour les détenteurs de comptes à vue auprès des banques (les comptes à vue font partie de la masse monétaire et en représentent en fait la plus grande part ; dans ce cas, ils perdent le statut de monnaie et acquièrent celui de créances douteuses, ce qui les rend inutilisables pour faire des achats ou payer des factures).

ce qui a financé cette bulle immobilière, c’était la création de 1,5 billions de dollars de fonds nouveaux et supplémentaires

La bulle immobilière

Notre bulle immobilière est une excellente illustration des mauvais investissements et de la surconsommation causés par l'expansion du crédit. Il se peut que 2 billions ou plus de dollars de capital aient été perdus dans la construction et le financement de maisons pour des personnes dont il s'est avéré qu’elles ne pouvaient pas se permettre de les payer. Et ce qui a financé cette bulle immobilière, c’était la création de 1,5 billions de dollars de fonds nouveaux et supplémentaires sous la forme de comptes à vue attribués aux acheteurs des maisons.

La création de ces dépôts était née de la volonté de la Réserve fédérale de créer, sous la forme de réserves bancaires, toute la monnaie supplémentaire nécessaire pour soutenir ces prêts En trois ans, de 2001 à 2004, la Réserve fédérale a créé suffisamment de ces réserves pour faire baisser le taux d'intérêt payé pour les détenir --le taux des Fed funds-- en-dessous de 2 % ; puis, de juillet 2003 à juin 2004, elle a créé suffisamment de réserves pour maintenir ce taux à 1 % seulement. Le résultat final a été une réduction substantielle des taux d'intérêt hypothécaires et donc des versements hypothécaires mensuels, ce qui a massivement contribué à accroître la demande d’achat de logements.

En particulier, les hommes de l’état ont également beaucoup contribué à ce qu’on accorde ces prêts à des acheteurs qui n’étaient pas capables de rembourser leurs crédits. Ils l’ont fait par le biais de leurs différents programmes de garantie de prêt, attribués par Fannie Mae, Freddie Mac et le Ministère du logement et du développement urbain, et même au moyen de l'extorsion pure et simple, par l’intermédiaire du Community Reinvestment Act, qui exigeait des banques qu’elles fassent suffisamment de prêts de ce genre pour que certains "groupes communautaires" s’en trouvent satisfaits.

En termes matériels, le résultat de l'expansion du crédit a été de transférer des millions de maisons qui représentaient un capital pour les entreprises qui les avaient construites, et pour les banques et autres institutions qui les avaient financées, entre les mains de consommateurs, qui non seulement n'avaient en rien contribué et de loin, à la richesse ni au niveau de capital atteints par le système économique, mais aussi n'avaient aucune perspective réaliste d'être jamais en mesure de le faire. Une conséquence supplémentaire en est que la plupart des constructeurs de ces maisons sont aujourd'hui ruinés, comme le sont une bonne partie des banques et autres investisseurs qui ont financé la construction et la vente de ces maisons.

c’est le genre même de dépenses de consommation que tant de personnes voudraient relancer et encourager, au moyen de leurs “plans de relance”, qui a joué un rôle central dans la perte de capital qui s’est produite et qui se traduit maintenant par du chômage et de l’appauvrissement

Et c’est parce que tant de prêteurs ont perdu autant, que les entreprises qui dépendent d'elles pour leur financement ne peuvent plus obtenir ce financement, et doivent par conséquent fermer leurs portes et licencier leurs employés.

Le problème croissant du chômage que nous connaissons, et la réduction de leurs dépenses de consommation de la ^part des chômeurs et de ceux qui craignent de les devenir est le résultat de cette perte de capital, non celui d’un refus subit et arbitraire de dépenser de la part des consommateurs ni celui de prêter de la part des banques. En fait, c’est le genre même de dépenses de consommation que tant de personnes voudraient relancer et encourager, au moyen de leurs “plans de relance”, qui a joué un rôle central dans la perte de capital qui s’est produite et qui se traduit maintenant par du chômage et de l’appauvrissement.

Durant l’emballement immobilier, il y eu des millions de propriétaires de maisons existantes pour croire qu’ils devenaient de plus en plus riches du fait de la hausse des prix de leurs maisons et qu'ils pourraient se permettre de vivre en grande partie sur ce simple accroissement de leur valeur nette. Alors ils ont emprunté sur cette valeur accrue pour en dépenser le produit. Cette consommation se faisait aux dépens de l'investissement en capital dans le système économique, qui s’en est trouvé appauvri d’autant. Et lorsque les prix de l'immobilier se sont effondrés, pour descendre en dessous de la valeur des dettes hypothécaires accrues qui avaient été contractées, l'effet a été d'ajouter aux pertes subies par les prêteurs. C’est ce qui s’est passé lorsque ces propriétaires consommateurs de la valeur nette de leur maison ont abandonné celle-ci [comme les clauses de leur contrat le leur permettaient alors dans la plupart des cas], laissant leurs créanciers subir à leur place la perte supplémentaire de valeur de ces maisons.

« L'essence du keynésianisme est son incapacité complète à concevoir le rôle que jouent l'épargne et l'accumulation du capital dans l'amélioration de la situation économique. » Ludwig von Mises

Incompétence et aveuglement des keynésiens

L'immense majorité des gens, y compris, bien sûr, la plupart des économistes professionnels, méconnaissent aussi bien la nature que la cause de notre crise financière. Et cela, c'est parce qu'ils ignorent le rôle du capital dans le système économique : ce sont tous des keynésiens (même Milton Friedman, censé être le défenseur acharné du capitalisme, est censé avoir dit un jour « Nous sommes tous keynésiens »). Cependant, comme von Mises a si bien dit,

« L'essence du keynésianisme est son incapacité complète à concevoir le rôle que jouent l'épargne et l'accumulation du capital dans l'amélioration de la situation économique. » (Planning for Freedom, 4° éd., p. 207, italiques dans l'original).

L’activité économique, aux yeux de Keynes et de ses innombrables adeptes, commence et s’achève avec la consommation.

Les gens sont si profondément convaincus que la consommation est la clé de tout, qu’ils sont aveugles à des faits pourtant évidents.

la crise n’est pas née d’un refus soudain des consommateurs de consommer ni d’une quelconque augmentation du chômage

Ainsi, la crise actuelle était déjà bien avancée au moins depuis la fin du printemps 2007, lorsque deux grands hedge funds de Bear Stearns se sont soudain effondrés. Une série de faillites ont suivi entre juin 2007 et août 2008, d’entreprises importantes et relativement bien connues, comme Aloha Airlines, Levitz Furniture, Wickes Furniture, Mervyns Department Stores, Linens N 'Things, IndyMac Bank, et Bear Stearns elle-même. La liste comprend même une panique sur une grande banque, probablement la première depuis les années 1930 : sur Northern Rock en Grande-Bretagne, en septembre 2007. Les faillites financières ont atteint un point critique en septembre 2008, avec l'effondrement de grandes entreprises telles que American International Group (AIG), Lehman Brothers, et la Halifax Bank en Ecosse. Elles ont été suivies par la faillite de Fannie Mae et Freddie Mac, les deux prêteurs hypothécaires « parrainés » par les hommes de l’état, qui avaient les premiers garanti des prêts hypothécaires subprime à des emprunteurs incapables de les rembourser.

Et pourtant, en septembre 2008 encore, le taux de chômage n'était encore que de 6,2 % aux Etats-Unis et au milieu de ce mois-là, le Dow Jones était est encore bien au-dessus de 11 000.

Tout cela confirme que la crise n’est pas née d’un refus soudain des consommateurs de consommer ni d’une quelconque augmentation du chômage. Dans la mesure où le taux de chômage s’accroît et où la consommation est en baisse, ce ne sont là que des conséquences, pour l’un comme pour l’autre, de la perte en capital de l’économie. La perte de capital est ce qui a précipité une restriction du crédit qui a accéléré la vague des faillites, et c’est celle-ci qui, à son tour, a provoqué un accroissement du chômage et une baisse de la capacité et la volonté des gens à consommer. L'effondrement des prix de l'immobilier et, plus récemment, l'effondrement du marché boursier ont aussi contribué à la baisse de la consommation, probablement dans une plus grande mesure encore, au moins jusqu'à maintenant. Ces deux événements aussi sont un aspect de la perte de capital et de l'épargne accumulée.

Le redressement sera assuré en combinant plus d’épargne, plus de capital, et plus de crédit avec des salaires, des coûts et des prix plus bas

Ce qu’exige le redressement économique

Ce qu’implique l'ensemble de la discussion qui précède, c’est qu’un redressement économique exige que le système économique reconstruise son stock de capital et que, pour être en mesure de le faire, il doit entreprendre d’épargner davantage par rapport à sa consommation. C'est ce qui contribuera à rétablir l'offre de crédit et ainsi à mettre un terme aux faillites financières que l’on doit à un manque de crédit.

Le redressement exige également la liberté de baisser pour les taux de salaires et les prix, de sorte que la moindre disponibilité actuelle des capitaux et du crédit puisse entretenir un plus grand volume d'emploi et de production, comme je l'ai expliqué dans “Falling Prices Are Not Deflation but the Antidote to Deflation”, mon premier article de cette série. Le redressement sera assuré en combinant plus d’épargne, plus de capital, et plus de crédit avec des salaires, des coûts et des prix plus bas.

En outre, ce redressement exige la liquidation rapide des investissements faits par erreur. Si les emprunteurs ne peuvent pas remplir leur obligation contractuelle de payer le capital et l’intérêt, alors il faut vendre les actifs en cause, et en remettre le plus vite possible le produit aux prêteurs, afin de prévenir de nouvelles pertes, et ainsi sauver de la débâcle autant de capital que possible.

Dans la situation actuelle de paralysie financière généralisée, les entreprises et les individus peuvent être conduits à la faillite parce qu'ils ne peuvent pas récupérer les sommes que leur doivent leurs débiteurs. Ainsi, par exemple, on pourrait dans certains cas atténuer, voire totalement éviter, la faillite des prêteurs hypothécaires, si leurs emprunteurs défaillants abandonnaient rapidement leurs maisons, et si on pouvait rapidement en remettre le produit aux prêteurs. Ainsi, les prêteurs auraient au moins ces ressources-là à leur disposition pour répondre à leurs obligations, et donc éviter leur propre défaut de paiement; dans les deux cas, les créanciers s’en trouveraient mieux. En contribuant à restaurer les capitaux des prêteurs, ou de ce qui deviendra le capital de leurs bailleurs de fonds, des saisies rapides serviront à restaurer la capacité d’accorder de nouveaux prêts.

l'imposition de "plans de relance" entraîne de nouvelles pertes en capital. Les keynésiens, non seulement ne le savent pas, mais ne s’en soucieraient pas même s’ils le savaient.

Ce que le redressement exige, c’est la fin des faux-semblants en matière financière. Il y a des banques qui ne veulent pas liquider les différents types de biens qu'elles possèdent, notamment les "Collateralized Debt Obligations» (CDO). Ce sont des titres adossés à des paquets d'autres valeurs, lesquelles ont elles-mêmes été émises contre des regroupements de prêts hypothécaires, dont un nombre indéterminé sont en défaut ou susceptibles de le devenir. Le bas prix auquel ces titres ont des chances de se vendre sur le marché aurait probablement pour effet de révéler la présence de si peu de capital chez de nombreuses banques que celles-ci s’en trouveraient immédiatement plongées dans la faillite. Pour l’éviter, les banques voudraient empêcher que l’on découvre la valeur réelle de ces titres. En même temps, elles voudraient que les prêteurs leur fassent confiance. Pourtant, avant que la confiance puisse être établie, il faut bien établir la valeur réelle, de marché, des actifs des banques, même si cela doit conduire à constater la faillite d’un grand nombre d'entre elles. Quant à la sécurité de leurs dépôts, on peut l’assurer sans que les propriétaires actuels de ces banques continuent à exercer ce rôle.

Lorsque ces diverses conditions auront été remplies, et que le processus de contraction financière arrivera à son terme, la rentabilité des investissements aura été rétablie, et la reprise sera à portée de main.


II° Partie: Les plans de relance

les keynésiens ne peuvent imaginer à une récession ou à une dépression aucune autre raison possible qu’une consommation insuffisante, et aucun autre remède qu’un accroissement de cette consommation.

La nature des plans de relance

Comme on l'a montré dans la I° partie du présent article, le redressement économique nécessite un accroissement de l’épargne et l'accumulation d’un nouveau capital, pour compenser les pertes causées par l'expansion du crédit, avec les mauvais investissements et la surconsommation qui en découlent. Or, l'imposition de "plans de relance" entraîne de nouvelles pertes en capital. Les keynésiens, non seulement ne le savent pas, mais ne s’en soucieraient pas même s’ils le savaient. A cause de leur ignorance du rôle du capital dans le système économique et de l'incapacité qui en résulte de seulement voir les preuves les plus évidentes qui signalent celui-ci, les keynésiens ne peuvent imaginer à une récession ou à une dépression aucune autre raison possible qu’une consommation insuffisante, et aucun autre remède qu’un accroissement de cette consommation. C'est la raison d’être de leurs appels à faire des "plans de relance" de l’une ou l’autre farine.

Ce qu’ils supposent, c’est que le système économique aurait toujours assez de capital, et même qu’il serait en danger d'en avoir trop, et que le problème serait simplement de l’amener à se servir du capital qu'il possède. Et, pensent-ils, le moyen de le faire consisterait à pousser les gens à la consommation : une consommation accrue sera ce qui "incite" à une production nouvelle et supplémentaire. Lorsque les gens consomment, les produits de la production passée quittent les étals et disparaissent des magasins. Ces produits-là, pensent les keynésiens, c’est alors qu’il faut remplacer. Par conséquent, les magasins vont faire des commandes de remplacement, et les fabricants vont se mettre à produire celle-ci, si bien que le système économique sera de nouveau opérationnel et le redressement sera assuré, à condition que la « stimulation » ait été assez forte.

Malgré les discours sur la nécessité d'éviter le gaspillage et de faire un usage « prudent » de l'argent des contribuables, la vérité est que, du point de vue des partisans de la relance, plus le projet est énorme et gaspilleur et mieux cela vaut

Fondamentalement, ce que veut dire un « plan de relance », c’est que les hommes de l’état vont payer de la consommation, en fait, pratiquement n’importe quelle consommation, celle de n’importe qui, dans n'importe quel but, avec la conviction que cela va provoquer un accroissement de l'emploi et la production en tant que moyens de remplacer ce qui aura été consommé. Malgré les discours sur la nécessité d'éviter le gaspillage et de faire un usage « prudent » de l'argent des contribuables, la vérité est que, du point de vue des partisans de la relance, plus le projet est énorme et gaspilleur et mieux cela vaut.

C’est ce que Henry Hazlitt a brillamment mis au clair il y a de nombreuses années, en prenant l'exemple des dépenses étatiques pour construire un pont. C’est une chose, disait Hazlitt, que les hommes de l’état construisent un pont parce qu’il faut le faire pour faciliter la circulation. C’en est une tout autre, soulignait-il, si c’est pour relancer l’emploi que les hommes de l’état se lancent dans cette construction-là.

Dans le premier cas, ce que les hommes de l’état veulent, c’est le meilleur des ponts possible pour le coût le plus bas possible, ce qui implique l'emploi d'aussi peu d’ouvriers que possible, aussi bien pour construire ce pont que pour produire l'un quelconque des matériaux nécessaires.

Dans le second cas, celui de relancer l'emploi, ce que veulent les hommes de l’état c’est un pont qui nécessite le plus grand nombre possible de travailleurs, puisque c’est de les employer qui est son véritable objectif. Et bien entendu, plus il y a d’ouvriers au travail, et plus il faut que le pont coûte cher.

Des actes de pure destruction, tels que les guerres et les catastrophes naturelles, Keynes et ses acolytes les interprètent… comme « bénéfiques », et c’est pour la raison même qui leur fait interpréter comme telle la « relance » de la consommation payée par les hommes de l’état

Et en fait, quant à la nature de la « politique budgétaire » des hommes de l’état et de ses « relances », nul plus ne pouvait être plus clair ni plus explicite que Keynes lui-même, lequel déclarait (en p.129 de sa Théorie générale), que

« la construction de pyramides, les tremblements de terre, et même les guerres peuvent servir à augmenter la richesse, si la formation de nos hommes d’état aux principes de l'économie classique est ce qui empêche de mieux obtenir ».

Des actes de pure destruction, tels que les guerres et les catastrophes naturelles, Keynes et ses acolytes les interprètent donc comme « bénéfiques », et c’est pour la raison même qui leur fait interpréter comme telle la « relance » de la consommation payée par les hommes de l’état. C'est aussi parce qu’eux aussi vont créer un besoin de remplacement, et qu’ils entraîneraient de ce fait une augmentation de l'emploi et de la production. Ce point de vue est tellement répandu que l'on peut souvent entendre des gens énoncer ouvertement des opinions favorables sur les prétendus avantages économiques de catastrophes telles que les tremblements de terre, les ouragans, et même les guerres.


Les plans de relance entraînent des pertes supplémentaires en capital

La raison pour laquelle les plans de relance causent une perte de capital est que leur point de départ est la consommation de richesses déjà produites

Alors que ce dont le système économique a besoin pour récupérer est d’épargner pour accumuler un nouveau capital, pour remplacer autant que faire se peut le capital qui a été perdu, l'effet des plans de relance est de réduire encore la disponibilité du capital, et donc d’aggraver la récession ou la dépression.

La raison pour laquelle les plans de relance causent une perte de capital est que leur point de départ est la consommation de richesses déjà produites. Cette richesse-là fait partie du capital des entreprises qui en sont les propriétaires. En échange de cette richesse et de ce capital, les plans de relance offrent de l'argent. Mais l'argent qu’ils offrent ne provient pas de la production d’une quelconque richesse équivalente de la part des hommes de l’état ni de ceux à qui ils donnent cet argent une richesse qu’il a bien fallu produire et vendre, et placer dans le système économique avant la soustraction qui se produit maintenant. Le point de départ, pour les hommes de l’état et leurs parasites, est un acte de consommation, ce qui signifie une destruction, une perte de richesse déjà existante sous la forme d’un capital.

Les partisans des plans de relance ne voient que la nouvelle production qui est nécessaire pour remplacer la richesse qui aura été consommée. Celle-ci nécessitera la mise en œuvre d’un travail supplémentaire. Ils sont ravis quand cette nouvelle production et ces emplois supplémentaires se matérialisent : ils s’imaginent qu’à ce moment-là, ils ont rempli leur mission. Ils auraient réussi à faire naître une nouvelle production, et de nouveaux emplois. Le seul inconvénient d'une telle politique, pensent-ils, c'est qu'elle pourrait ne pas être appliquées à suffisamment grande échelle.

tout remplacement d'un produit qu’un non producteur aura consommé implique lui-même une très importante consommation supplémentaire

Malheureusement, il y a une chose qu'ils n’ont pas vue. Cette chose-là, c'est le fait que toute nouvelle production ou emploi qui en résulte est incapable en elle-même de remplacer le capital qui a été consommé au départ du processus. La raison en est que toute production, y compris toute production nouvelle et supplémentaire engendrée par les plans de relance implique elle-même une consommation. Et cette consommation-là a tendance à tout le moins à se rapprocher de la production nouvelle, et en fait, elle pourrait même bien égaler ou dépasser celle-ci.

Ainsi, par exemple, on commence par l'achat et la consommation d'un nouveau poste de télévision par quelqu’un qui n'a préalablement rien produit ni vendu pour l'équivalent de la valeur pécuniaire qui lui permet maintenant d’acheter le téléviseur : l'argent, il l’a seulement reçu des hommes de l’état. Dans ce cas, ce que nous avons c’est un poste de télévision qui est soustrait au capital du système économique et placé entre les mains d'un consommateur qui pour sa part n’a rien produit.

On peut supposer, pour les besoins de l'argumentation, que le détaillant du téléviseur va en commander un autre à son grossiste pour le remplacer, et que le grossiste à son tour remplacera le sien auprès du fabricant. On peut supposer en outre que le fabricant va maintenant produire un nouveau poste de télévision pour remplacer celui qu'il a vendu au grossiste à partir de son stock. Or, la production du téléviseur de remplacement entraîne une consommation de matériaux et de composants, ainsi que d’une partie de la durée de vie utile des installations et des équipements nécessaires. Certaines manifestations de cette usure du capital installé se produisent aussi chez le détaillant et le grossiste ainsi qu’au cours du transport du poste de télévision.

Et, ce qui est très important, tout nouvel employé supplémentaire que l’on pourrait employer —le but même de toute cette opération— à produire un nouveau poste de télévision ou en écoulant un poste de télévision le long des canaux de distribution doit recevoir un salaire, qu’à son tour il consommera. Les produits que ces travailleurs reçoivent lorsqu'ils dépensent leur salaire représente une diminution supplémentaire des stocks chez tous les revendeurs avec lesquels ils traitent. En outre, les différentes entreprises concernées font des bénéfices supplémentaires, ou en tous cas de moindres pertes, à la suite de ces achats supplémentaires divers. Cela permet à leurs propriétaires de consommer plus, et a probablement pour effet le paiement de taxes supplémentaires, que consomment les hommes de l’état.

Même les dotations aux amortissements que l’on pourrait gagner en chemin au cours des diverses étapes du remplacement de ce téléviseur ont des chances de se trouver consommées. Et cela, parce que, dans le contexte d'une récession ou une dépression, les investisseurs craignent de subir des pertes s’ils investissent dans des entreprises privées, et ils préfèrent donc acheter des titres d’état à court terme, tels que les bons du trésor, qu'ils considèrent comme bien plus sûrs. Or, quand on se sert des déductions pour amortissement pour acheter des titres du Trésor, celles-ci finissent par se retrouver à financer de la consommation plutôt qu’à remplacer du capital. La raison en est que le Trésor n’utilise le produit de la vente de ses titres que pour entretenir la consommation, soit celle des hommes de l’état eux-mêmes, soit celui des particuliers à qui les hommes de l’état donnent de l'argent.

Le fait fondamental est ici que tout remplacement d'un produit qu’un non producteur aura consommé implique lui-même une très importante consommation supplémentaire aux dépens des stocks et de la durée de vie utile des installations ou équipements des entreprises. La même chose est évidemment vraie du remplacement des biens qui ont été tout simplement détruits, que ce soit par la guerre ou par un fait de nature.

Quoi que puisse durer le processus de dépense et de redépense des fonds introduits dans le système économique par un plan de relance —quel que soit le nombre des cas de production de remplacement à la suite de l’achat de notre téléviseur hypothétique ou de tout autre bien de consommation— il n’y a aucune raison pour que la perte initiale en capital soit nécessairement compensée.

La raison en est que chacun des actes de remplacement de la production s’accompagne d’une consommation supplémentaire correspondante. Ainsi, l'acte initial de la consommation —ou de destruction— de la richesse et du capital peut être suivi par dix ou cent actes de production ultérieure, chacun accompli pour remplacer les produits utilisés avant lui, mais si chacun de ces actes ultérieurs de production s’accompagne d’une consommation nouvelle qui lui est équivalente, l'effet net demeure toujours un acte de consommation. La conséquence est que la disponibilité du capital s’en trouve réduite. En effet, on n’y a jamais que X actes de production à la suite de X +1 actes de consommation.

c’est un processus d'épargne et d'accumulation du capital qui leur a permis de se redresser : en moyenne, les personnes dans ces pays, au cours de ces années-là, épargnaient et réinvestissaient une grande partie de leurs revenus, souvent de plus de 25 %

Alors, certes, il y a des pays qui ont subi d'énormes pertes en capital et qui n’en ont pas moins réussi à récupérer et à monter vers de nouveaux sommets de richesse et de prospérité. L'Allemagne et le Japon au cours des décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale en sont sans doute les exemples les plus remarquables. Or, ce qui leur a permis de se redresser n'a pas été de consommer davantage, ni des « plans de relance » d’aucune sorte, mais des accroissements de production qui dépassaient –qui dépassaient substantiellement—l’accroissement de la consommation. C'est-à-dire que c’est un processus d'épargne et d'accumulation du capital qui leur a permis de se redresser : en moyenne, les personnes dans ces pays, au cours de ces années-là, épargnaient et réinvestissaient une grande partie de leurs revenus, souvent de plus de 25 %.

Il est possible, mais très peu probable, que la production de remplacement induite par une consommation / destruction initiale de richesses engendre elle-même une partie de cette épargne nouvelle. Si, coup après coup, la production de remplacement s’accompagnait effectivement d'une telle épargne, alors la perte en capital finirait par être compensée. Mais ce ne serait le cas que si cette épargne n’était pas annulée par de nouveaux actes de « relance » et autres politiques qui gaspillent le capital ou qui le détruisent.

Or, comme je l'ai dit, un tel résultat est très peu probable. Si c’était pour une seule raison, ce serait parce que, comme je l'ai déjà souligné, on fait ces plans de relance dans un contexte où les investisseurs hésitent à investir dans des entreprises privées. Par conséquent, ils ne se servent pas seulement, pour acheter des titres du Trésor « plus sûrs », de toute épargne nouvelle et supplémentaire qu'ils pourraient faire, mais aussi d’un argent qui devrait servir à remplacer les biens de capital c’est ainsi que l’épargne est détournée vers la consommation et non vers l'accumulation de capital. (si elle parvient à se produire et n'est pas dévoyée vers la consommation, une telle épargne pourrait atténuer l’effet d’un prétendu plan de relance. Amusons-nous donc de voir que c’est justement cela qu’on accusera d’entraver le processus du redressement ! Ainsi, par exemple, Paul Krugman, le Prix Nobel d'économie pour 2008, écrit :

« cependant, il est clair que quand il s'agit de relance de l’économie, vous en avez beaucoup plus pour votre argent avec des dépenses publiques qu’avec des réductions d'impôt... parce qu’une fraction importante de toute baisse d'impôts va simplement être épargnée. » New York Times, 26 Janvier 2009, p. A23).

En plus du détournement vers la consommation de toute nouvelle épargne qui pourrait survenir à la suite d'une telle « relance », il y a le fait que la source de toute épargne de ce genre, à savoir le produit net, a des chances de se trouver fortement diminué. Ce produit net est l'excédent du produit sur l’usure des biens de capital employés pour le produire : c'est ce qui est disponible pour la consommation ou l'épargne à partir des salaires, des bénéfices et des revenus d’intérêt.

Ce produit net est réduit dans la mesure où l’on impose de produire d’une manière qui exige d’employer des biens de capital inutiles à l’obtention d’une unité du produit --on trouve de nombreux exemples de ce genre dans les réglementations de l'environnement ou de sécurité. Par exemple, quand on exige des stations-service, des établissements de nettoyage à sec, et de nombreux autres types d'entreprises qu’ils accroissent sensiblement leurs investissements en capital dans le seul but d'apaiser les craintes en grande partie non fondées du mouvement écologiste. De même, exiger des dispositifs de sécurité dans les automobiles, les lave-vaisselle, des vitrines, machines à glace, escabeaux, et d'innombrables autres biens —dispositifs que le marché ne juge pas valoir ce qu’ils coûtent—surcharge le coût des matériaux et composants qui entrent dans la fabrication des produits sans accroître leur valeur perçue. Dans les deux cas, le résultat est une plus grande consommation de biens de capital, mais sans aucun accroissement de la production, et donc une réduction de la taille du produit net et donc de la capacité à entreprendre d’épargner le revenu courant.

Comme signalé dans la I° Partie du présent article, l'effet de la consommation du capital, qu'elle soit causée par un plan de relance ou par toute autre raison, est une réduction de la capacité du système économique à produire, d'employer la main-d'œuvre, et de fournir des crédits, car tout cela dépend de la disponibilité du capital. Cette réduction de la capacité de produire et d'employer la main-d'œuvre peut ne pas être apparent lors d’un sous-emploi massif, mais elle deviendra évidente lorsque la reprise économique commencera, si elle commence. Alors, le système économique sera moins capable qu'il ne l’aurait été, à cause de la réduction de son stock de capital. Les salaires réels et le niveau de vie seront inférieurs à ce qu'ils auraient été autrement. Et tout le long, la capacité à octroyer des crédits sera moindre qu’elle n’aurait été.


Les plans de relance ne sont qu’une saignée aux dépens du reste du système économique

A l’allocation de chômage effective permettant à ces travailleurs de vivre sans emploi réel, les plans de relance surajoutent la charge des matériaux et des équipements dont les travailleurs se servent pour fabriquer leurs prétendus produits

Même si les plans de relance peuvent engendrer une sorte d’activité économique, ils sont incapables d’obtenir aucune espèce de reprise économique réelle. Ce qu’ils font en réalité, c’est créer un système de redistribution sociale sous les apparences du travail. C'est ce qu’implique nécessairement le fait de ne pas employer des gens pour ce qu’ils produisent, mais de leur faire « produire » des choses dans le but réel de leur donner de l’emploi.

Mais les plans de relance sont beaucoup plus onéreux que de la simple redistribution. A l’allocation de chômage effective permettant à ces travailleurs de vivre sans emploi réel, les plans de relance surajoutent la charge des matériaux et des équipements dont les travailleurs se servent pour fabriquer leurs prétendus produits.

L’emploi qu’ils créent est un faux emploi qui ne s’entretient qu’au détriment du reste du système économique. Il ponctionne des produits et des services produits par le reste du système économique, et il ne lui rend pas grand-chose ou rien du tout pour ce qui est de biens ou de services qui représenteraient un échange équitable de valeur soit une forme quelconque de paiement. En d'autres termes, les plans de relance et le travail inutile qu'ils créent obligent la grande majorité des autres personnes à vivre plus pauvrement. J'ai déjà montré la façon dont ils les privent de capital. J’entends montrer tantôt comment ils les forcent aussi à consommer moins. (pour des développements sur ce point-là, voir la prochaine réédition de mon article “Who Pays for ‘Full Employment’?”).


La hausse des prix en plein chômage de masse

Si on veut réaliser un redressement économique, la première chose qu’il faut faire est d’abandonner tout "plan de relance", et d’annuler la mesure du possible, tous ceux qui sont déjà en cours. Et cela, parce qu’ils ne font qu’aggraver le problème de la perte en capital qui est la cause première de la crise économique.

Malheureusement, il y a peu de chances pour qu’on y mette fin. Si on les impose, en particulier dans les proportions déjà approuvées par le Congrès, l'effet sera une consommation du capital jusqu'au moment où la rareté des biens d'équipement, y compris les stocks de biens de consomation en possession des entreprises, commencera à faire monter les prix .

Une hausse des prix des biens de consommation peut mettre fin à la consommation de capital qui naît des plans de relance

La hausse des prix des produits de consommation ne viendra pas seulement de la rareté de ces biens de consomation (lesquels, évidemment, sont des biens de capital tant qu'ils se trouvent encore entre les mains des entreprises), mais aussi de la rareté de biens d'équipement plus en amont dans le processus de production. Ainsi, une rareté accrue des tôles d'acier ne va pas seulement augmenter leur prix, mais se reportera sur le prix des automobiles par l'intermédiaire de la hausse du coût de production des automobiles qui résulte d'une hausse du prix des tôles d'acier. De même, la rareté du minerai de fer se reportera sur le prix de la feuille d’acier, lequel, à son tour, sera reporté sur le prix des automobiles. Et, bien entendu, le schéma se reproduira dans tout le système économique, pour d'autres cas tels que le pétrole et les produits pétroliers, le coton et ses produits, le blé et ses dérivés, etc.

Une hausse des prix des biens de consommation peut mettre fin à la consommation de capital qui naît des plans de relance. Dès que l’argent supplémentaire dépensé pour acheter des biens de consommation n’a plus pour effet que d’augmenter leurs prix, alors on n’en vend plus aucune quantité supplémentaire : on ne fait plus que vendre les mêmes quantités, à des prix plus élevés, et cela met fin au déstockage. À partir de là, les acheteurs qui tiennent leur argent des hommes de l’état ne font plus que consommer sur le dos de gens qui ont pour leur part gagné leur revenu mais obtiennent désormais moins en échange.

Une fois que les stocks sont bas face à toute cette dépense faite pour les produits, tout l’argent que les hommes de l’état viennent de déverser dans le système économique peut alors déclencher une hausse massive des prix. Cette hausse des prix peut aussi bien se produire en plein sous-emploi de masse. Cela se produit parce que l'abondance des chômeurs ne remédie en rien à la raréfaction du capital installé que l’on doit aux tentatives mêmes pour relancer l'emploi.

Cependant, même si la hausse des prix peut priver les plans de relance de la capacité de causer une consommation supplémentaire du capital, à son tour l'inflation de la masse monétaire par les hommes de l’état provoque continuellement le même effet. Cela se produit, en grande partie, parce que la dépense supplémentaire qui résulte d'une offre de monnaie accrue augmente immédiatement le chiffre d'affaires des entreprises, tandis qu’elle n’accroît leurs qu’après un certain délai : aussi longtemps que cela dure, les bénéfices s’en trouvent artificiellement augmentés.

Malgré le fait que la plus grande partie, voire la totalité des bénéfices supplémentaires pourraient être nécessaire rien que pour remplacer des actifs productifs désormais plus chers, ces bénéfices supplémentaires sont imposés comme s'ils étaient de véritables profits. Cela compromet la capacité des entreprises à remplacer leur capital installé. On peut observer les conséquences destructives de ce phénomène dans la transformation en Rust belt de ce qui était naguère le cœur industriel de l’Amérique.

En même temps, quasiment d'année en année depuis bien plus longtemps que les prétendus plans de relance actuels et s’ajoutant à eux, les déficits budgétaires étatiques opèrent leur travail de destruction dans l'ensemble du système économique. Ceux-ci provoquent un détournement continuel vers la consommation, non seulement d'une part considérable de l’épargne que l’on pourrait accumuler à partir des revenus, mais aussi des amortissements pour l’usure des installations et des équipements et de tous les autres actifs fixes. Des générations de déficits budgétaires étatiques ont englouti des milliards de dollars de ce qui aurait pu s’investir en capital productif, contribuant en grande partie à faire de l'Amérique une friche industrielle.

Cette précipitation aveugle à faire des « plans de relance » massifs est le point culminant de plusieurs générations de cette incompétence économique qui se transmet de maître à élève sous le couvert d’une pensée soi-disant avancée et révolutionnaire, celle de la prétendue « révolution keynésienne ». La destruction accélérée de notre système économique que nous vivons aujourd'hui est le produit d'une destruction préalable de la pensée économique. L’ensemble de notre establishment intellectuel est victime —volontairement victime— d’une escroquerie intellectuelle massive qui s’appelle le "keynésianisme". Et nous en payons aujourd'hui le prix. J’ai dit : victime volontaire d'une escroquerie intellectuelle. Comment décrire autrement ceux qui sont prêts à saluer comme un génie l'homme qui avait écrit,

« la construction de pyramides, les tremblements de terre, même les guerres pourraient contribuer à augmenter la richesse ...».

Seule une poignée d’hommes de courage, plus particulièrement Ludwig von Mises et Henry Hazlitt, se sont tenus à l’écart de cette folie et, pour l’avoir fait, on en a fait des parias intellectuels. Mais le temps viendra où, pour tous ceux qui savent penser, il sera clair que ce c’étaient eux qui avaient raison.


George Reisman, Professeur d’économie émérite à Pepperdine University, est avec Israel Kirzner, Hans Sennholz et Louis Spadaro, l’un des quatre économistes qui ont passé leur doctorat d’économie avec Ludwig von Mises. Il est également Senior Fellow à l'Institut Goldwater. Son site web est www.capitalism.net et son blog www.georgereisman.com/blog/. George Reisman a écrit Capitalism: A Treatise on Economics (Ottawa, Illinois: Jameson Books, 1996). On peut en télécharger une version .pdf en cliquant sur le titre : Capitalism: A Treatise on Economics, et en enregistrant le fichier une fois celui-ci affiché à l'écran. Cet ouvrage fournit une analyse approfondie et complète des questions abordées dans les articles de cette série ainsi que de pratiquement tous les aspects de l'économie.


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